Environnement
et développement dans les régions côtières et les petites îles |
SECTION IV |
DÉTERMINER LE RÔLE DE L’ÉCONOMIE ENVIRONNEMENTALE/ÉCOLOGIQUE |
CSI info 10 |
PRINCIPES
THÉORIQUES
PASSAGE EN REVUE DES THÉORIES EN ÉCONOMIE DE L’ENVIRONNEMENT
C. Sanchez-Milani, UNESCO
Des
théories variées d’économie environnementales ont été passées en revue,
en particulier en termes de l’aide qu’elles apportent à la prise de décision
publique, et en termes de leurs limites et de leurs contraintes.
INFORMATION SPÉCIFIQUE CONCERNANT LA PROPRIÉTÉ
ENVIRONNEMENTALE
Les
produits sur le marché qui sont des exceptions ;
De
multiples lois gouvernent la propriété, par exemple, à qui appartient
l’eau, le bois, les ressources minières ? Chaque société apporte une réponse
qui varie selon les lieux.
PROPRIÉTÉ COMMUNE
Détermine
le niveau optimal d’utilisation des ressources (la tragédie des communs);
Absence
de garantie : problème du respect des normes ;
L’internationalisation
des éléments externes : le bien-être/le bénéfice d’une action
peut affecter une autre action sans qu’il y ait d’intervention sur le
marché.
L’économie
de l’environnement devrait repérer les éléments extérieurs (positifs et négatifs),
évaluer leur valeur et leurs effets sur la société en question, de sorte que
ceux qui sont responsables assument le coût de ces effets.
DEUX PRINCIPALES ÉCOLES DE PENSÉE
L’économie
des ressources environnementales : fondée aux États-Unis
(1975), basée sur les expériences américaines, correspond au concept de
l’économie néoclassique ; les ressources ont de nombreuses caractéristiques,
par exemple, elles sont renouvelables ou épuisables.
L’économie
écologique : donne une valeur à l’environnement comme instrument
pour sa protection ; l’idée est de construire un programme d’action,
par exemple le programme
VALSE (valuation for sustainable development) de l’Union européenne,
la création de l’ISEE
(internatinoal society for environmental ethics) en 1998, et en 1996, du
journal Ecological Economics.
CONCLUSION
Ces
instruments sont importants car ils offrent :
Un
moyen de parvenir à une décision assurant le bien-être ;
Des
outils pour garantir un équilibre entre les objectifs de l’individu et
ceux de la communauté ;
Une solution concernant les manières d’intégrer des actions irréversibles.
UTILITÉ DE L’ANALYSE ÉCONOMIQUE POUR LA GESTION DES RÉGIONS CÔTIÈRES –
LE PROJET VALSE DE L’UNION
EUROPÉENNE
M.
O’Connor, Société européenne pour l’économie écologique,
Versailles, France
INTRODUCTION
Cette
présentation aborde le rôle possible de l’analyse économique en rapport avec
les problèmes discutés par les experts présents à la réunion. Des exemples de
pratiques sont tirés du projet
VALSE (valuation for sustainable development) financé par l’UE,
qui à été coordonné par l’auteur.
Les
gens pensent que l’économie environnementale s’occupe de marché et
d’argent et que tous les deux sont dangereux parce qu’ils sont associés à
de forts courants idéologiques. Les propositions de marché libre sont
difficiles à justifier avec des analyses économiques néo-classiques
conventionnelles.
COÛTS ET BÉNÉFICES
Tout
le monde s’intéresse d’une manière ou d’une autre à identifier les
sources possibles de bénéfices, par exemple, dans le contexte d’un programme
de recherche, d’un programme de gestion, ainsi qu’à connaître les façons
dont les ressources sont utilisées. Les manuels définissent l’économie
comme l’analyse des moyens disponibles pour décider des meilleures
utilisations des ressources pour des objectifs possibles. La question se pose
alors de savoir qui décide de la meilleure utilisation possible des ressources.
Toute
question d’utilisation des ressources implique la résolution de conflits. La
réponse au cours des cent dernières années a été que les sciences économiques
cherchent à identifier des règles d’utilisation optimale des ressources,
mais que la question de leur distribution appartient à la politique. C’est
une chose que tout économiste, honorable, compétent intellectuellement, ne
devrait jamais dire parce qu’aucune question en matière de choix
d’utilisation des ressources ne peut être résolue en termes d’utilisation
optimale : pratiquement toutes impliquent la résolution de conflits.
Le
rôle de l’économie doit ainsi être de quantifier les coûts et bénéfices
associés à certains types de choix et fournir un aperçu de qui en bénéficie,
qui perd, qui en paye le prix, quels sortes de coûts, comment aider à la répartition
de ces coûts et de ces bénéfices en fonction de programmes politiques,
culturels, institutionnels et sociaux adaptés. C’est le rôle fondamental de
l’économie politique normale.
Nous
ne vivons pas dans un monde utopiste où règne la solidarité d’intérêt
entre les différentes classes économiques et groupes sociaux ou forces
institutionnelles. La plupart d’entre nous travaille dans une ambiance de
stress élevé et de conflit, avec un faible niveau de confiance. Cependant il
demeure important de relier le travail analytique de l’économie qui tente de
quantifier les coûts et les bénéfices aux processus institutionnels et
sociaux de négociation. L’exemple de l’approche
participative illustrera ce point, car c’est une approche
actuellement à la mode en Europe, comme elle l’était dans les années
soixante dix dans un contexte de développement.
APPROCHE PARTICIPATIVE
L’approche
participative apporte deux avantages techniques :
elle
vous aide à obtenir une meilleure information pour vos analyses
scientifiques par le biais de la participation du public, autrement dit le
public est au service des experts ;
elle
fait appel à des compétences techniques, à la modélisation, à la
connaissance et à la communication de résultats pour mieux informer le
public sur le caractère rationnel de leur comportement pour aider à résoudre
les problèmes en fonction de ce que les experts et les modèles décident.
C’est en fait tout le contraire de (1), mais on aboutit au même résultat.
Les deux approches sont, par contre, des participations à sens unique,
c’est-à-dire reposant sur la co-option.
Une
autre philosophie prétend que la participation permet d’expliquer et de
diffuser les connaissances des experts. De par leur formation, les économistes
ont beaucoup de difficulté avec ce nouveau concept. De leur point de vue, ou
bien le public adopte la rationalité économique, ou bien il est idiot et les
économistes doivent se battre pour que le bon sens triomphe. L’économie écologiste
essaye de défaire cette simplification excessive, et le projet VALSE
donne des exemples d’approche basée sur l’analyse de la valeur estimée,
pour des environnements durables.
L’exemple
de la valeur estimée des
ressources en eau aux Canaries illustrera cette approche dans un contexte côtier.
Le problème en jeu ici est la dégradation quantitative et qualitative des
aquifères (les ressources souterraines en eau alimentées par la pluie),
c’est-à-dire la surexploitation d’une ressource renouvelable.
Voici
l’histoire : au bon vieux temps, quand les gens vivaient en harmonie avec la
nature (ça n’a jamais été le cas, en tout cas pas aux îles Canaries), ils
exploitaient l’eau de manière plus ou moins durable. Ensuite, arrivèrent des
gens à l’attitude plus prédatrice, qui décidèrent qu’ils pouvaient faire
du profit et exploitèrent l’eau de plus en plus intensément jusqu’à ce
que l’exploitation devienne non durable. C’est en partie vrai, un peu trop
romancé, mais aujourd’hui aux Canaries, il y a une véritable bataille entre
des gens qui expriment des points de vue moraux assez différents, et qui sont
liés à des intérêts économiques contradictoires et conflictuels. Certaines
personnes ont peu accès à l’eau, ou doivent payer plus que d’autres pour
l’eau qu’ils obtiennent. L’eau est utilisée de manière inefficace parce
que les gens payent des prix différents et que le prix payé n’est pas forcément
lié à la valeur de l’utilisation qui en est faite.
Une
première solution, comme
dirait un économiste orthodoxe, est d’encourager un marché de l’eau
transparent où tout le monde paierait le même prix et où un processus compétitif
assurerait la meilleure utilisation de l’eau. Le problème est que ce que
l’on entend par meilleur utilisation de l’eau est presque certainement
associé à ce que l’école d’économie environnementale et des ressources
appelle l’épuisement optimal des ressources , c’est-à-dire que
les ressources en eau sont utilisées dans leur totalité. Ce n’est pas forcément
une mauvaise chose pour tous du point de vue de l’intérêt économique : en bénéficient
les experts en solution high-tech d’approvisionnement en eau (par exemple, les
multinationales françaises) spécialisées dans la désalinisation, la
purification et les services d’approvisionnement offshore. Cela peut être en
partie bon pour certains intérêts économiques aux Canaries, par exemple en
faisant juste payer un peu plus aux touristes le mètre cube d’eau. C’est
par contre très mauvais pour l’agriculture et les gens qui vivent dans l’économie
locale parce que l’eau est très chère. L’utilisation optimale des
ressources en eau ne peut être résolue en faisant appel à de simples
principes d’économie de marché. Laisser la gestion des ressources en eau aux
forces du marché, c’est garantir l’émergence de problèmes sociaux ainsi
que la non durabilité de certaines sections de l’économie locale, et bien évidemment
de l’écosystème.
Une
deuxième solution est
celle de l’utilisation durable. Les gens s’entendent car ils peuvent voir
les bénéfices à court terme. Mais si un régime contraignant sur
l’utilisation de l’eau doit être annoncé, et si les gens doivent respecter
collectivement une limite dans le processus maximal d’exploitation (pour
recharger l’aquifère), l’accord est menacé. Ceci parce que la question de la
durabilité pour quoi et pour qui se pose. C’est une question à
laquelle les participants ici présents font face quotidiennement : durabilité,
de quelle tradition culturelle, de quel patrimoine archéologique, de quelles
propriétés de l’écosystème et pour quelle classe ou quel groupe social ?
Ceci ne peut pas se résoudre en terme de quantification monétaire des coûts
et des bénéfices, ni en posant l’éloquente question de savoir quel est le bénéfice
le plus élevé ou quelle est l’utilisation la plus avantageuse des ressources
en termes monétaires.
Il
ne reste alors que deux choix possibles :
Choix
1 : relier quantification des utilisations alternatives et désignation des
bénéficiaires.
Choix
2 : s’engager dans un processus de réconciliation.
Un
échec dans le processus de réconciliation conduit à un conflit permanent :
une situation de domination militaire, une guerre, des émeutes ou un stress
permanent. Un processus participatif, délibératif ou de négociation peut générer
une nouvelle évaluation, un nouveau sens, une nouvelle aptitude chez les différentes
parties prenantes à accepter un nouveau compromis qu’elles n’auraient
autrement pas accepté.
Le
projet VALSE a démontré
quelques résultats positifs de l’approche participative. En voici deux
exemples.
Dans
le cas de l’étude de Wetfin au Royaume-Uni, basée sur l’évaluation
contingente, le projet devait démontrer que l’on peut utiliser une technique
d’enquête employée en économie pour obtenir des chiffres qui aident à
comprendre les motivations des gens. Ce dernier point peut être plus important
pour obtenir un soutien décisif. En parallèle à cette étude, un processus
basé sur un jury de citoyens a été mis en oeuvre
impliquant 12 à 16 personnes sélectionnées dans la région et aux-quelles
différentes options ont été présentées par différents experts. Contre
toute attente, le jury proposé une autre option.
Dans
le cas de la gestion de l’eau en Sicile, la difficulté principale était que
les gens ne savaient pas quel était leur problème. Le projet était basé sur
un cadre multi-critères mis au point par un processus interactif et itératif,
à l’aide d’analyses institutionnelles, enquêtes, entretiens et
discussions. L’expérience a révélé des solutions que des résultats
d’analyse n’auraient pas obtenus. Étonnamment, la municipalité a réagi
avec pour première priorité de rendre publiques les options alternatives
d’utilisation de l’eau, de sorte que les parties prenantes puissent décider.
Le processus a été internalisé et l’analyse multi-critères mise au service
d’un processus social de dialogue permanent. Le soutien des experts est
toujours nécessaire afin d’assurer une cohérence interne, une respectabilité
scientifique, pour défendre la fiabilité des chiffres et de l’information,
mais ce n’est pas assez.
CONCLUSION
Dans
le projet VALSE,
nous avons essayé de communiquer cette philosophie de pratique, d’attirer
l’attention sur la haute qualité scientifique des analyses, d’utiliser la
quantification quand cela est possible et utile, de quantifier parfois en termes
monétaires. Même ainsi, on s’aperçoit que tous les coûts et bénéfices ne
peuvent être “monétisés”, mais certains peuvent être “socialisés”.
La
question est de rechercher un compromis et de comprendre pourquoi des gens
abandonnent un avantage majeur pour le bien de tous, parce qu’ils pensent que
c’est nécessaire ou désirable pour coexister avec les gens, même s’ils ne
sont pas d’accord avec eux. C’est une perspective politique et sociale. Elle
ne se trouve pas dans les traités d’économie. Les économistes de marché
orthodoxes voulaient prétendre que cette coexistence pouvait être résolue par
magie si tout le monde se comportait en acheteurs sur le marché : acheter ce
dont vous avez besoin avec le revenu dont vous disposez. C’est une formule
trop simple, le processus de compromis doit être retravaillé au sens politique
du terme, et le rôle de l’analyse économique réinventé en ces termes. Les
choix ne sont pas objectifs, ils impliquent un jugement de valeur.
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EXEMPLES
PRATIQUES
ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE DES RESSOURCES NATURELLES
P. Espeut,
Fondation caraïbe pour la gestion des zones côtières, Kingston, Jamaïque
La
zone de Portland Bight en Jamaïque n’est pas gérée actuellement, la baie
est surpêchée, et la forêt est surexploitée pour le charbon de bois. Nous
soutenons que si la zone était gérée, elle aurait une plus grande valeur
qu’en ne l’étant pas.
Mais
nous avions besoin d’une analyse économique pour évaluer son état actuel,
et sa valeur potentielle en cas de gestion, afin de défendre auprès du
gouvernement et d’autres personnes, l’idée qu’une bonne gestion des
ressources environnementales et naturelles vaut mieux que pas de gestion.
Un
économiste de l’environnement attaché à la Banque mondiale, qui avait déjà réalisé
une évaluation environnementale de récifs coralliens en Indonésie, a été invité
en Jamaïque pour faire une évaluation des récifs côtiers, des mangroves et des
forêts. L’agence
canadienne de developpement international (ACDI) a financé sa visite et
celle d’un autre expert de l’université de Stockholm. Ils sont restés quelques
semaines en Jamaïque, mais les résultats ne sont pas encore disponibles. Dans
cette présentation, les résultats de l’étude indonésienne seront utilisés pour
illustrer cette approche. Ils n’ont pas utilisé la méthode de l’évaluation contingente,
c’est-à-dire chercher à savoir combien les pêcheurs sont prêts à payer pour
que les pêcheries soient gérées correctement. Ceci parce les gens sont capables
d’avancer des chiffres mais lorsqu’il s’agit de payer, c’est une toute autre
histoire.
La méthode utilisée propose un scénario “avec/sans” : sans la gestion, voilà ce que pourra être la valeur des ressources ; avec la gestion, voilà ce que pourra être la valeur des ressources. Puisqu’on ne connaît pas la valeur absolue, on peut parler de la valeur ajoutée qui pourrait être créée avec la gestion, ou de la valeur à laquelle on renonce s’il n’y a pas de gestion.
Les
données de l’article sur l’Indonésie comparent les scénarios concernant
l’impact de la pêche par empoisonnement. En gros, la pêche au poison représente
actuellement pour les individus une valeur de 33 000 $US/km2.
Les individus gagnent effectivement de l’argent par cette pratique
destructrice mais il y a une perte nette de 40 000 $US pour la société
qui résulte des dommages au reste de l’environnement. Si l’on inclut la
valeur du tourisme dans la zone, la perte nette est évaluée à 436 000 $US/km2. S’il n’y a pas de tourisme dans la zone, la
perte nette est bien moindre. Les techniques d’évaluation ne peuvent pas
encore affecter une valeur à la perte de biodiversité. En tout cas, la perte
associée aux pratiques destructrices dépasse les gains qu’elle procure.
Un
tel argument démontre au gouvernement qu’il est logique de se débarrasser de
la pêche au poison. Bien que cette pratique apporte des bénéfices tangibles
aux plus défavorisés d’Indonésie, elle entraîne des dommages substantiels
à l’environnement. Ceci est également valable pour les pratiques de collecte
de corail et de déforestation et leur effet sur l’envasement des côtes.
D’autres
données sur la pêche au cyanure proposent de la remplacer par une pratique de
pêche plus durable telle que l’utilisation de lignes et d’hameçons. La pêche
au cyanure rapporte 475 millions $US par an en Indonésie. La pêche
à la ligne et aux hameçons rapporte plus, avec 688 millions $US par
an. C’est un argument suffisamment fort pour abandonner la pêche au cyanure.
Les coûts du travail sont par contre plus élevés dans le cas de l’approche
durable (360 contre 241 millions $US). Les coûts directs seraient
donc en faveur des pratiques destructrices mais les coûts indirects seraient en
faveur de la pratique durable. La pêche au cyanure menace les revenus du
tourisme (280 millions $US) ; cela équivaut à une perte nette de 40 millions $US
dans la comptabilité nationale. Par contre, la pêche durable entraîne un gain
net de 341 millions $US.
Ce
type d’analyse économique devrait convaincre les ministres des finances et
les industriels des bénéfices tirés de pratiques de pêche durables. Nous
attendons donc les résultats de notre propre étude en Jamaïque et nous les
mettrons à votre disposition.
ESTIMATION DES RESSOURCES
DE MANGROVES : ÉTUDE DE CAS DANS LA BAIE DE PAGBILAO ET LA BAIE D’ULUGAN, PHILIPPINES
M.
Fortes, Université des Philippines, Quezon City, Philippines
INTRODUCTION
La
dépendance de l’homme vis-à-vis des fonctions et des éléments naturels se
reflète avec la plus grande netteté dans les processus de planification et de
prise de décisions. Il est nécessaire d’harmoniser le développement économique
avec la capacité de la nature à satisfaire les besoins d’une population
humaine en rapide augmentation. Sur une période de 20 ans, entre 1970 et 1989,
la surface de forêts de mangroves des Philippines a diminué en moyenne de 5276
ha par an. Cet article présente une méthode, et un exemple de manières
d’attribuer des valeurs socio-économiques et monétaires aux fonctions et aux
éléments d’un écosystème à mangroves. Ce projet d’évaluation des
mangroves compare une zone intacte (baie d’Ulugan) et des zones endommagées,
ailleurs aux Philippines.
CONTEXTE DU PROJET
Les
ressources en mangroves sont l’objet d’utilisations fortement concurrentes,
telles que le défrichement/la coupe pour créer des viviers, la recherche de
matériau de construction, le développement de marinas, la conservation et la
biodiversité.
La
motivation d’entreprendre une évaluation des ressources en mangroves doit
sont origine à trois questions de politique :
le
besoin de déterminer l’utilisation optimale des zones de mangroves,
l’établissement
de plans concernant l’accès et la fixation des prix pour les différents
usages courants, qui déboucheraient finalement sur les meilleures solutions
d’utilisation,
les
décisions à venir en matière d’investissement dans les forêts de
mangroves endommagées et les viviers abandonnés, en particulier sous la
forme de reforestation.
Les
valeurs marchandes et non marchandes, sur site et hors site, des produits et
services issus des mangroves ont été étudiées dans le cadre du projet d’évaluation
des ressources en mangroves des Philippines (PERMP). Le présent article s’intéresse
seulement aux activités entreprises dans deux baies sur quatre aux Philippines
: la baie de Pagbilao (Province de Quezon) et la baie d’Ulugan (Palawan).
Le
PERMP a été mis en
place dans le but :
d’étudier
le bien-fondé de l’augmentation des frais de bail des viviers de 50 PHP
à 1000 PHP (de 1,25 $US à 25 $US) par hectare et par an ;
de
développer une méthodologie pour évaluer différentes options de gestion
des ressources en mangroves du pays.
OBJECTIFS SPÉCIFIQUES
Appliquer
diverses méthodes d’évaluation environnementale des utilisations des
ressources en mangroves ;
En
déduire des informations sommaires qui aideraient les responsables chargés
des politiques à établir des systèmes de prix pour le droit d’accès
aux zones à mangroves en général, et des systèmes de licences pour les
viviers en particulier ;
Générer
de l’information qui servirait de base à la comptabilité
environnementale des ressources en mangroves.
MÉTHODOLOGIE ET RÉSULTATS D’ÉTUDES
Les
valeurs marchandes et non marchandes, sur site et hors site, des produits et des
services issus des mangroves (y compris les pêcheries) ont été étudiées.
Les études sur les forêts de mangroves ont porté dans la baie de Pagbilao sur
les pousses résiduelles et secondaires, et dans la baie d’Ulugan sur les
pousses résiduelles et primaires ou les pousses anciennes. Les produits et
services sur site ont été mesurés selon des valeurs de marché classiques,
c’est-à-dire croissance et rendement, à l’aide d’une régression linéaire.
Les résultats sont donnés relativement à deux régimes de gestion forestière
: coupe rase et sur semis. Les analyses coûts-bénéfices pour déterminer les
meilleurs cycles économiques de coupe (coupe rase et sur semis) ont été réalisées
sur la base de la valeur nette actuelle.
Les
valeurs non marchandes sont les services tels que les zones de pontes et de frayères,
et la valeur de la litière forestière comme fertilisant. Des spécimens de Mugil
cephalus (mulet) ont été attrapés et leur contenu intestinal
examiné pour déterminer l’utilisation de la litière de mangrove comme
nourriture.
LA VALEUR MORALE DES ZONES NATURELLES
La
diversité de la nature joue un rôle décisif dans l’avancement des intérêts
et du bien-être de l’homme. De prime abord, nous avons donc une raison de ne
pas détruire sans motif les zones naturelles. Mais l’utilité reste ici le
principal argument contraire, et cela devient l’argument des technocrates.
Les
zones naturelles et la biodiversité ont leurs propres valeurs intrinsèques :
il n’est pas besoin de faire référence à quelques autres fonctions ou
valeurs pour justifier cela, et ce doit être un souci moral urgent. Il existe
de nombreuses raisons de vouloir préserver la nature, et pratiquement aucune
pour défendre sa destruction à grande échelle.
CONCLUSION
Les
résultats indiquent que la valeur du bois de mangrove est plus élevée lorsque
les arbres sont matures. Dans l’ensemble, les activités des viviers
pourraient permettre de payer l’augmentation proposée de 50 PHP (1,25 $US)
à 1000 PHP (25 $US) par hectare des frais annuels de bail. La
location plus élevée des terres est justifiée en raison des trois faits
suivants :
Le
gouvernement doit affecter le revenu de la location à l’investissement
public ;
La
valeur sociale des ressources foncières, que ce soit pour des mangroves ou
d’autres usages du sol, est élevée dans le contexte philippin de rareté
croissante des zones de plaine ;
Des
frais de bail plus élevés encourageraient une utilisation plus efficace
des terres pour l’aquaculture.
Il
existe également des valeurs non marchandes due à la prédominance d’une
utilisation officieuse par les familles, de bois de mangrove, de bois de
chauffage, d’extraits, et de produits des pêcheries dans la zone. Dans les
frayères et là où les mangroves servent de vivier, la valeur non marchande
peut être bien plus élevée.
Cet
effort d’évaluation des ressources en mangroves est loin d’être terminé.
La sous-évaluation des biens et services procurés par les mangroves tient dans
la difficulté à mesurer les effets tampons des mangroves, leur rôle dans
l’accrétion des sols et le contrôle de l’érosion, la valeur de leurs
produits naturels, leur contribution à la productivité littorale et au large,
leur rôle de sanctuaires pour la faune et la flore, leur rôle en matière de
loisirs de plein air, d’éco-tourisme et leur valeur esthétique.
Il y a une autre valeur, peut être plus importante : la dimension morale de
l’utilisation des ressources. Cette valeur devrait être prise en compte dans
les évaluations futures des zones naturelles et de leurs ressources.
RÉSUMÉ
DES DÉBATS
Certains
participants ont apprécié ces présentations car ils ont pu en percevoir des
utilisations immédiates dans leurs propres contextes. Il a été souligné
qu’avant de pouvoir faire usage des outils économiques, il faut en connaître
et en comprendre la théorie et qu’il serait à cet égard judicieux
d’enseigner l’économie de l’environnement au niveau des premiers cycles
universitaires.
On
s’est accordé aussi sur la nécessité de disposer d’indicateurs
quantitatifs illustratifs, en particulier des indicateurs économiques et écologiques
multi-critères. Cependant, certains émettaient des réserves concernant les
moyens d’adapter la “belle science” au niveau de la compréhension des
villages/des communautés. En effet, la quantification doit être utilisée
quand elle est appropriée, mais on doit aussi élaborer un langage simple pour
en justifier l’utilisation.
En
ce qui concerne la technique d’évaluation contingente, la valeur donnée à
l’environnement dépend des interlocuteurs : les millionnaires ont tendance à
y donner une valeur plus élevée que les plus défavorisés, autrement dit la
valeur est fonction du niveau des revenus. On ne doit pas affecter une valeur à
la ressource elle-même mais évaluer ce qu’elle vaudrait si elle était
correctement gérée. Faisant référence à la “tragédie des communs”,
l’approche de l’évaluation a été critiquée comme étant un “droit de
tuer” potentiel.
La
clé réside dans les types de pratiques mises en oeuvre.
Le rôle de l’économie environnementale est d’aider à la compréhension en
fournissant de l’information. Il faut améliorer les réseaux d’experts, car
organiser l’information est essentiel pour une bonne économie et une bonne
pratique.