Programme d’éducation bilingue
Profil de pays: Thaïlande
Population | 66 790 000 (2012) |
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Langue officielle | thaï |
Pauvreté (Population vivant avec moins de 2 dollar par jour, %) | 25% |
Dépenses publiques totales d’éducation en % du PNB | 5,2 |
Accès à l'enseignement primaire – Taux net d'admission (TNA) | 94 (2000–2007) |
Taux d’alphabétisme total des jeunes (15–24 ans) | 98% (2000–2006) |
Taux d’alphabétisme des adultes (15 ans et plus, 2000–2006) | Femmes : 92 % |
Sources |
Présentation générale du programme
Titre du programme | Programme d’éducation bilingue |
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Partenaires | UNESCO Bangkok; SIL International |
Date de création | 2003 |
Historique et contexte
La Thaïlande a réalisé des progrès impressionnants dans les opportunités d’éducation qu’elle propose à ses citoyens. L’État assure une éducation gratuite et obligatoire à toute personne âgée de moins de 14 ans ou jusqu’à la dernière année de l’enseignement secondaire (12e année). Le pays a donc atteint des taux d’inscription/fréquentation et d’achèvement de 94 % et 86 % respectivement (2000-2007), mais aussi un taux d’alphabétisme presque parfait pour les adultes (94 %) et les jeunes (98 %). Il semble cependant que les groupes ethniques minoritaires tels que les Pwo Karen n’aient pratiquement pas bénéficié de ces progrès réalisés dans le domaine de l’éducation. Des études suggèrent en effet que, en raison des contraintes imposées par la pauvreté et la langue (le thaï est la langue d’enseignement officielle dans les écoles), les taux d’achèvement scolaire sont plus faibles chez les élèves qui ne parlent pas le thaï. Les taux d’abandon scolaire sont plus élevés chez les minorités ethniques, ce qui signifie que l’analphabétisme est généralement plus répandu dans ces groupes.
Les Pwo Karen font partie des groupes les plus socialement défavorisés et marginalisés de Thaïlande, et n’ont qu’un accès limité aux services socio-économiques de base tels que la santé et l’éducation. Une majorité disproportionnée d’entre eux dépend encore de l’agriculture de subsistance et n’a qu’un contact limité avec le monde extérieur. Comme pour les autres enfants appartenant à des minorités ethniques, les performances scolaires et les taux de rétention des élèves pwo karen sont généralement plus faibles, principalement en raison de la barrière de la langue. C’est dans ce contexte que le Bureau de la Commission pour l’éducation non formelle (Office of Non-Formal Education Commission – ONFEC), en partenariat avec l’UNESCO et SIL International, a créé le Programme d’éducation bilingue (Bilingual Education Programme – BEP) en 2001 afin de combattre les difficultés que les Pwo Karen rencontrent dans l’accès à l’éducation et pour achever leur scolarité.
Le programme d’éducation bilingue (BEP)
Le BEP a été créé en Thaïlande suite à la participation de représentants de l’ONFEC à l’Atelier régional sur l’alphabétisation fonctionnelle des peuples autochtones organisé par l’UNESCO (26 novembre – 01 décembre 2001). En reprenant le concept des programmes d’alphabétisation ciblés pour les groupes marginalisés, la principale motivation de l’ONFEC était d’améliorer les taux de fréquentation/inscription et d’achèvement scolaire des enfants pwo karen grâce à l’enseignement bilingue. Le programme est actuellement mis en œuvre dans le district d’Omkoi, dans la province de Chiang Mai.
Buts et objectifs
Le programme cherche à :
- permettre aux enfants pwo karen un meilleur accès à une éducation de qualité et adaptée à leur culture ;
- améliorer les taux de rétention et de performance scolaire chez les enfants pwo karen grâce à l’enseignement bilingue ;
- préserver l’identité et l’intégrité culturelles des minorités ethniques en fournissant aux jeunes une aide à l’alphabétisation dans leur langue maternelle ;
- développer l’égalité des chances et assurer à tous une éducation non formelle de base gratuite ;
- mobiliser les ressources locales telles que la sagesse locale, les enseignants d’alphabétisation et les enseignants volontaires locaux pour soutenir et organiser des cours d’alphabétisation.
Mise en œuvre du programme : approches et méthodologies
De nombreuses parties prenantes ont participé activement à la conception/au développement et à la mise en œuvre du BEP : les communautés pwo karen ; des représentants de l’ONFEC et du Centre d’apprentissage communautaire (Community Learning Centre – CLC), des enseignants, des universitaires, des étudiants et SIL International.
Avant le lancement de la phase pilote du BEP, l’ONFEC, avec l’assistance technique de SIL International, a organisé une série d’ateliers communautaires consultatifs et une recherche qualitative afin d’étudier la langue pwo karen (analyse linguistique) et de déterminer les besoins et problèmes à prendre en compte en matière d’apprentissage. Ensuite, les partenaires du programme ont élaboré un programme d’enseignement adapté à la culture pwo karen, des supports d’enseignement-apprentissage et, surtout, un code orthographique (tableau alphabétique) basé sur l’écriture thaï pour la langue pwo karen, qui n’existait jusqu’alors que sous forme orale.
Des ateliers d’écriture ont également été organisés pour créer des supports d’enseignement-apprentissage en langue pwo karen. À ce jour, différents types de supports écrits ont été créés en langue pwo karen, notamment :
- six « grands livres » pour l’enseignement et l’apprentissage de la lecture et de l’écriture ;
- six « petits livres » pour la lecture individuelle ;
- un tableau alphabétique ;
- un dictionnaire illustré ;
- un guide orthographique ;
- des affiches et tableaux ;
- des jeux de cartes pour développer les compétences de lecture et écriture ;
- 13 livrets créés par les apprenants ;
- un manuel d’écriture en pwo karen ;
- un abécédaire de base en pwo karen.
Enfin, des enseignants ou animateurs bilingues (en pwo karen et en thaï) ont été recrutés et formés aux principes de l’éducation non formelle et aux méthodes d’enseignement-apprentissage bilingue. Le programme a commencé avec un faible nombre d’étudiants par enseignant, et maintient ce principe, afin de permettre aux enseignants de répondre convenablement aux besoins individuels des enfants en matière d’apprentissage. Approches et méthodes d’enseignement-apprentissage Le programme applique une approche bilingue à l’enseignement en classe. De la maternelle jusqu’à la 6e année, les cours ont donc lieu dans la langue pwo karen locale afin d’améliorer la capacité des enfants à maîtriser les compétences de base en matière de lecture et écriture puis (à partir de la 7e année), pour comprendre les leçons en langue locale et en thaï. Les enseignants sont encouragés à utiliser des méthodes d’enseignement-apprentissages participatives et centrées sur les enfants, par exemple des jeux, des débats, la lecture d’histoires, et des mots clés pour développer les compétences en matière de lecture et d’écriture et les compétences nécessaires dans la vie courante des élèves. L’accent est placé sur les histoires et les abécédaires. Les histoires impliquent l’utilisation de textes entiers (par ex. des histoires tirées des « grands livres ») pour illustrer les compétences de lecture et d’écriture à acquérir. Les abécédaires, quant à eux, basent l’apprentissage sur les sons individuels de la langue et les lettres de l’alphabet, pour améliorer les compétences de décodage de l’apprenant.
Impact et défis du programme
Impact
Le BEP a contribué positivement à l’autonomisation des communautés pwo karen. Outre la participation active de nombreux membres de la communauté à la planification et la mise en œuvre du programme, plus de 200 enfants ont participé directement au BEP et en ont bénéficié. Le programme a permis aux enfants parlant pwo karen de maîtriser facilement et efficacement des concepts et compétences de lecture et d’écriture de base dans leur langue maternelle, puis d’opérer facilement la transition vers le système d’éducation dans la langue thaï nationale. De fait, de nombreux bénéficiaires ont remarqué que l’apprentissage dans leur langue maternelle les aidait à mieux comprendre la construction des mots thaï. Le BEP a permis de mettre au point un programme d’enseignement culturellement adapté qui répond aux besoins des communautés, ainsi que la forme écrite de la langue pwo karen. De la même façon, des supports d’apprentissage adaptés ont également été créés et largement distribués au sein des communautés locales. Ces stratégies de développement de la lecture et de l’écriture ont beaucoup motivé les parents à envoyer leurs enfants à l’école, non seulement parce que l’éducation reflète maintenant leurs besoins et aspirations, mais également parce que leur héritage culturel, son intégrité et son identité sont préservés et transmis à la génération suivante dans un contexte d’apprentissage. En outre, le BEP a également autonomisé les jeunes et a amélioré leur sensibilisation et leur appréciation de leur héritage et de leur identité culturelle.
L’utilisation d’une approche bilingue de l’enseignement facilite également l’intégration des communautés pwo karen à la société thaï en faisant tomber les barrières de langue qui séparent les peuples. L’intégration sociale des Pwo Karen à la société pourrait améliorer les perspectives de développement de leurs communautés à long terme.
Défis
Le plus grand défi réside peut-être dans le fait que, l’approche bilingue de l’éducation étant nouvelle dans le pays, les fonctionnaires manquent souvent de l’expérience nécessaire pour mettre en œuvre le programme efficacement. En outre, la plupart des programmes d’alphabétisation appliquent actuellement un programme d’enseignement et des directives conçus pour les apprenants qui parlent la langue majoritaire (le thaï), et malgré les efforts déployés pour adapter le programme d’enseignement et les approches d’enseignement-apprentissage aux besoins des minorités ethniques, l’approche bilingue est rarement appliquée dans la pratique.
Pérennité
Le programme reçoit un soutien important de la part de l’État (ministère de l’Éducation) et un dictionnaire pwo karen-thaï est en cours de réalisation. Par ailleurs, il est prévu de mettre en place des bibliothèques dans les villages, qui serviraient également de centres culturels.
Leçons apprises
La langue étant un facteur émotionnel, particulièrement chez les minorités ethniques marginalisées, le succès des programmes d’éducation bilingue dépend fortement de la participation active de toute la communauté. Les communautés doivent donc être consultées à chaque étape du développement du programme.
L’utilisation de la langue maternelle comme vecteur d’enseignement est cruciale pour un apprentissage efficace et l’acquisition des compétences de lecture et d’écriture. Les programmes bilingues doivent donc développer la forme écrite (alphabet, code orthographique) des langues minoritaires lorsqu’elle n’existe pas, et la renforcer lorsqu’elle est déjà présente.
Sources
- Wisanee Siltragool, Project on research study and materials development of a literacy programme for ethnic minority in Omkoi, Chiengmai (Thailand). Non-Formal Education Department, Ministry of Education Thailand
- UNESCO (2007) Promoting Literacy in Multilingual Settings. UNESCO Bangkok
- Dr. Sawat Tichuen, Country Report: ACCU-APPEAL Joint Planning Meeting on Regional NFE Programmes in Asia and the Pacific Tokyo, 2-5 December 2003
Contact
Dr. Suchin Petcharugsa
Northern Regional Institute for Non-Formal and Informal Education
Ministry of Education
Amphur Muang, Lampang 52100
Thailand
Tel: +66 54 22 48 62
Fax: +66 54 22 11 27