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24.11.2015 -

De Palmyre au Bataclan, comment combattre l'extrémisme violent? - Le Huffington Post

Article publié dans Le Huffington Post le 24 novembre 2015.

INTERNATIONAL - Comment combattre l'extrémisme violent? La réponse immédiate, militaire et sécuritaire, est indispensable. Mais comment éradiquer les sources du mal sur le plus long terme? Pour imposer leur doctrine sectaire, les extrémistes ne tuent pas seulement: ils ciblent aussi les écoles, la culture, de Palmyre au Bataclan, tout ce qui incarne la liberté de vivre et de penser. Ce fanatisme ne sera pas vaincu par la force des armes. Il faut aussi gagner la bataille des idées, et construire dans les esprits les remparts contre la radicalisation.

Y sommes-nous prêts? Depuis la Seconde guerre mondiale, des programmes nationaux et mondiaux, des institutions spécialisées (dont l'Unesco) ont été conçus pour enseigner les valeurs de tolérance et de paix, empêcher la haine de prendre racine. Des relais éducatifs, culturels, scientifiques existent dans chaque ville ou presque, tout spécialement en France. Les nouvelles technologies de communication offrent des possibilité de dialogue inédites. Qu'est-ce qui n'a pas marché? Comment a-t-on pu laisser une jeunesse s'endoctriner et passer à travers les mailles de ce filet éducatif et culturel, conçu justement pour transmettre l'esprit critique?

Depuis le milieu de l'année dernière, la propagande extrémiste a essaimé plus de 700 vidéos, depuis une dizaine de plateformes médias suréquipées, professionnelles, avec des messages ciblés pour chaque public, dans toutes les langues, du polonais au chinois. Plus de 50.000 comptes Twitter, relayés chacun par plus d'un millier de followers en moyenne, diffusent ces messages. Finies les vidéos sinistres où des hommes cagoulés lisaient face caméra un message truffé de versets coraniques au fond d'une grotte. La propagande actuelle adopte les codes modernes des films d'action, célébrant les valeurs viriles de fraternité d'armes sur musique pop, où l'on tue comme on joue à la console vidéo. Des jeunes parlent à des jeunes. Des artisans de haine proposent des explications prêtes-à-penser sur les malheurs du monde, désignant des coupables dans une langue claire, sachant exploiter les mémoires blessées et convaincre ceux qui n'ont pas d'autres repères. Ils utilisent de multiples relais, des rencontres de quartiers, des associations de pseudo-bienfaisance.

Devant cet arsenal de lavage des cerveaux, soyons lucides: les politiques éducatives et culturelles n'ont pas suivi. Il existe des numéros verts, des vidéos de sensibilisation qui n'ont qu'une faible chance de toucher ceux à qui elles se destinent. Les relais éducatifs et culturels de proximité, capables de repérer et d'empêcher la radicalisation des individus, manquent cruellement. Il n'y a pas d'éducation à l'Internet à la mesure de l'enjeu. C'est l'outil de socialisation le plus puissant jamais conçu, et nos jeunes s'y promènent sans préparation.

Il n'y a pas de fatalité, et la France n'est pas seule. Nous pouvons construire des politiques éducatives et culturelles de nouvelle génération, contre la radicalisation. Par un effort massif d'éducation à la paix, aux droits humains, à la diversité des cultures et des religions. Par une meilleure éducation à l'histoire des crimes de masse. Par des compétences interculturelles qui aident à distinguer la diversité qui nous enrichit et l'intolérance qui se fait passer pour elle. Cela suppose de développer les classes de débat, former les enseignants, revoir les manuels, les systèmes d'alerte et d'accompagnement. Des outils existent, qu'il faut multiplier. Cet effort va au-delà de l'école, vers tous les relais de la jeunesse. On peut enseigner les droits humains en classe, si chez eux les jeunes sont abreuvés de haine sur les réseaux sociaux et les télévisions satellitaires, sans esprit critique pour y résister, tout est à refaire.

Cet effort dépasse les frontières de la France. Environ 25.000 combattants étrangers venus de 100 pays sont actuellement en Syrie, en Iraq, en Afghanistan ou au Yémen, la plupart entre 15 et 35 ans. Cette hémorragie témoigne d'une fragilité des sociétés qu'il faudra du temps pour corriger. Rien qu'en Irak et en Syrie, à cause du conflit, 3 millions d'enfants n'ont pas accès l'école, et des millions d'autres dans les pays voisins. Aujourd'hui l'éducation ne représente que 2% de l'aide humanitaire d'urgence. Si nous échouons à leur offrir des perspectives, les groupes armés sauront demain tromper ces adolescents vulnérables.

Face au développement des stratégies de radicalisation modernes, il faut intensifier drastiquement nos politiques éducatives et culturelles pour la paix. Ce droit fondamental est devenu un enjeu prioritaire de sécurité mondiale. Cela prendra du temps, mais c'est possible, et demande un effort collectif comparable à la création des Nations Unies, en réponse au totalitarisme génocidaire nazi, il y a 70 ans.




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