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Robert Redford : Place aux jeunes !

07 Décembre 2015

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Robert Redford, UNESCO, 6.12.2015
© UNESCO/P.Chiang-Joo

L'acteur américain Robert Redford est venu à l'UNESCO dimanche 6 décembre 2015 pour soutenir la lutte livrée par les peuples autochtones pour assurer leur survie dans un monde menacé par le changement climatique. Il a répondu aux questions de Rhea Suh, Présidente de Conseil de défense des ressources naturelles (NRDC), ONG qui a organisé l'événement avec l'UNESCO. Voici une partie de leur entretien.

Vous avez fait le voyage de Paris pour soutenir le combat contre le changement climatique à la Conférence des Nations Unies COP21. Et, aujourd'hui, vous êtes à l'UNESCO en compagnie de représentants de peuples autochtones qui se définissent comme artistes, activistes et narrateurs. Comment peut-on tirer profit de la narration pour essayer de combler l'écart entre les discours politiques sur le climat et le grand public ?

Je ne suis pas un homme politique. Je me considère comme un narrateur, quelqu'un qui raconte des histoires. Mais je suis là également pour soutenir les autres narrateurs.

Je suis venu à Paris notamment pour attirer l'attention du public sur les cultures des peuples autochtones, sur leurs valeurs, sur la raison pour laquelle il nous faut nous intéresser à eux et reconnaître leur vulnérabilité, qui précisément liée au changement climatique. Ils sont sans doute le groupe le plus vulnérable de tous et ils ont besoin de notre aide maintenant et rapidement.

Mais ce sont avant tout les peuples autochtones eux-mêmes qui ont des histoires à nous raconter, parce qu'ils ont toujours été très proches de la terre, et cette relation étroite avec la nature, la plupart d'entre nous, nous l'avons perdue. Le moment est venu d'écouter ce que ces peuples ont à nous raconter. Qui en saurait plus sur les menaces que ceux qui sont menacés ?

Vous êtes militant écologiste depuis des années. Qu'est-ce qui vous a amené sur cette voie ?

J'ai grandi à Los Angeles. C'était une ville magnifique du temps de mon enfance. L'air était propre, les rues étaient larges, il y avait de grands espaces verts.

Mes parents n'étaient pas riches, mais nous vivions près de l'océan, et celui-ci était devenu ma cour de recréation. J'ai appris à nager, à surfer, l'océan me donnait d'immenses joies qui ne coûtaient rien.

Puis, il s'est passé quelque chose de très curieux. L'argent qui avait servi à financer la guerre est revenu dans le pays. D'un coup, tout s'est mis à changer à une vitesse incroyable. Cette ville que j'adorais s'est métamorphosée sous les gratte-ciels, les autoroutes, le smog, la pollution. La seule zone qui avait réussi à résister assez longtemps - l'océan au large de Santa Monica – a fini par être, elle aussi, polluée.

J'ai eu l'impression qu'on m'avait coupé l'herbe de ma terre natale sous les pieds. Alors, je suis parti chercher refuge dans les montagnes. Elles étaient encore intactes, elles n'avaient pas été touchées par le développement industriel. Je passais de plus en plus de temps dans la Sierra Nevada, à l'Est de la Californie. J'ai poursuivi ma route vers l'Est, vers les zones protégées, mais le développement m'a suivi à la trace. A peine je quittais un lieu pour un autre, plus propre, un promoteur faisait déjà irruption.

C'est sans doute la raison pour laquelle j'ai décide très tôt de me mettre en relation avec le Conseil de défense des ressources naturelles (NRDC).

L'Amérique a toujours été orientée vers le développement, au prix de s'étouffer. Le NRDC avait le pouvoir que les autres groupes qui travaillaient sur l'environnement n'avaient pas. Il avait une voix qui pouvait se faire entendre. Il était constitué de juristes qui pouvaient obtenir des résultats devant les tribunaux. C'était ce qui m'a décidé à m'associer au NRDC, il y a 40 ans.

Puisque vous êtes un narrateur, racontez nous une histoire qui vous a particulièrement marqué au cours de ces 40 années?

Oui, c'est un combat que le livre depuis très longtemps, et au début, il était surtout marqué par des défaites, en raison de la façon dont l'environnement était traité par la plupart des gens au pouvoir. A l'époque, le lobby du gaz, du pétrole et du charbon avait un pouvoir énorme grâce à l'argent qu'il faisait. Ce lobby pouvait convaincre les députés corruptibles de voter pour les lois qui leur convenaient.

Mes batailles étaient perdues d'avance. Nous n'avions aucun moyen d'exercer une pression; en revanche, les grosses compagnies pétrolières avaient les moyens de nous entraver et de nous ridiculiser. Pendant longtemps, par exemple, certains répétaient: Qu'est-ce qu'il en sait, lui, il est acteur de cinéma, il n'y connaît rien. Evidemment, quand Ronald Reagan a été élu président, en 1981, l'argument n'était plus valable…

Au milieu des années 1970, j'ai contacté le présentateur de la CBS Television Dan Rather, qui animait une émission légendaire, "60 minutes", et nous avons dénoncé le projet de construction d'une centrale électrique dans le sud-est de l'Etat de l'Utah. Notre émission a eu un énorme succès et le projet de centrale est tombé à l'eau, mais j'ai été lourdement pénalisé. J'ai reçu des menaces, des menaces pesaient sur ma famille également. C'était vraiment dur.

Mais un don nous a été envoyé, par un gamin de 11 ans. Il avait donné 1 dollar pour notre cause, en expliquant que c'était de son avenir qu'il s'agissait et qu'il voulait investir dans son avenir. Ca, c'était une belle histoire.

Il y a beaucoup d'étudiants, dans cette salle. Avez-vous un message pour eux, pour les jeunes du monde entier ?

Il y a beaucoup de choses que nous ne pourrons plus donner aux jeunes à cause de ce développement débridé, de ce pétrole, ce gaz, ce charbon que nous avons tiré de la terre pendant trop longtemps. Nous avons détruit beaucoup de ressources qui auraient dû rester intactes. Alors, ce que nous léguons aux générations futures n'est certainement pas ce que nous aurions pu léguer.

Pour protéger l'avenir des prochaines générations, il faut que nous cédions les rênes à ceux à qui cet avenir appartient. Dire: Eh bien, nous avons fait notre part, c'est votre tour maintenant. Il faut leur passer le relais, au lieu d'essayer de les dominer. Place aux jeunes! Les jeunes d'aujourd'hui sont très inquiets de l'environnement. Ils ont l'intelligence, la volonté, la passion d'agir. Laissons-les donc agir. Laissons-les gérer ce qui reste de cette Terre. 

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Intervention de Robert Redford à l'ONU, en juin 2015 (texte et vidéo, en anglais) 

Robert Redford s'adresse à la conférence de Paris COP21 (video, en anglais)