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« Le moteur de la croissance, c’est la science » - Entretien

Le Pr Ameenah Gurib-Fakim a reçu, le 22 février, le prix L’Oréal-Unesco pour les Femmes et la science 2007, qui récompense chaque année cinq chercheuses émérites, pour son « inventaire des plantes de l’île Maurice et sa recherche sur leurs applications biomédicales ».

Entretien réalisé par Isabelle Motchane-Brun

Quel sentiment vous inspire le prix L’Oréal-Unesco que vous venez de recevoir ?

Un sentiment de reconnaissance pour les efforts et les travaux que je mène depuis longtemps. Et puis aussi un sentiment de fierté. Cela n’a pas été facile de le décrocher, ce sont le parcours et le CV qui priment.

Les femmes représentent 15 % des scientifiques en Afrique. Quelle est la situation à Maurice ?

Le pourcentage est relativement faible, même si on note une croissance du nombre des filles – entre 40 et 50 % – qui s’inscrivent chaque année dans les matières scientifiques au niveau supérieur. Elles réussissent, mais cinq à dix ans après, on ne les retrouve plus dans le circuit.

Pourquoi ?

A cause, d’abord, de la pression familiale. Les parents veulent qu’elles se marient et qu’elles aient des enfants. Ensuite, si elles n’ont pas le soutien de leur conjoint, elles finissent par abandonner. Et puis, il y a beaucoup de préjugés contre les femmes. Il faut qu’elles produisent quatre à cinq fois plus que les hommes pour être acceptées.

Avez-vous rencontré une certaine méfiance à votre égard au début de votre carrière?

J’ai été la risée de tout le monde. Travailler sur les « mauvaises herbes » et prétendre avoir des résultats, ça ne faisait pas sérieux ! En plus, je n’avais pas de laboratoire pour commencer mes recherches. J’ai dû tout faire à zéro. Et à l’époque, en 1987-89, les communications avec l’étranger étaient difficiles – il n’y avait pas encore Internet, le fax marchait à peine. Dans ces conditions, il était difficile de trouver des collaborateurs dans la région, d’autant plus qu’on n’était pas connu. Malgré tout, j’ai pu publier en 1994 « Plantes médicinales de l’île Rodrigues » dans le cadre d’un projet de la Commission de l’océan Indien, intitulé « Inventaire et études des plantes aromatiques et médicinales des Etats de l’océan Indien. Entre 1994 et 1996, j’ai de nouveau eu des difficultés parce que mon laboratoire avait brûlé. Heureusement, les données étaient là et j’ai pu publier les trois tomes des plantes médicinales de Maurice.

Plus on monte dans la hiérarchie scientifique, moins on trouve de femmes. Vous êtes l’exception qui confirme la règle. Avez-vous bénéficié d’un soutien exceptionnel ?

Non, on ne vous fait pas de cadeau. D’ailleurs, je n’aurais pas voulu qu’on m’en fasse. L’obtention d’une chaire à l’université de Maurice se fait sur examen du dossier du candidat par des scientifiques étrangers de même spécialité. C’est à partir de leurs rapports, que j’ai eu la chaire de professeur. Pour le poste de pro-vice chancelier que j’occupe depuis juillet 2006, j’ai posé ma candidature. Il y avait 33 candidats pour deux postes. On m’a pris à cause de mes compétences.

La recherche à Maurice est-elle assez soutenue par les pouvoirs publics et/ou le secteur privé ? Que faudrait-il faire pour que la situation s’améliore ?

Dans le secteur public, la recherche s’est concentrée sur la canne. Nous sommes devenus une référence en la matière, mais maintenant, il faudrait prendre cette somme de connaissances et la diversifier. Le moteur de la croissance, c’est le développement de la science et des technologies.
Le secteur privé devrait s’impliquer davantage, par exemple au niveau de l’université par un meilleur investissement. De même, il y a peu de départements de recherche et développement dans les entreprises. Elles se contentent d’importer des technologies et de les adapter.

Le problème n’est-il pas l’absence de chercheurs ?

On forme assez de chercheurs, mais ils font de l’enseignement ou ils partent à l’étranger, parce qu’ils ne trouvent pas de travail dans le secteur privé. Les ressources humaines, on les a, il faut savoir les utiliser à bon escient. C’est là où le secteur privé peut jouer un rôle. Il doit prendre conscience de l’importance de la recherche et accepter de prendre des risques. C’est un cercle vicieux qu’il faut briser, sinon on ne s’en sortira pas et l’on continuera à assister à la fuite des cerveaux.

Où en êtes-vous dans vos recherches sur le traitement contre le diabète à base de melon amer (Momordica charantia) ? Est-ce que cela débouchera sur un médicament ?

C’est presque pour demain. On en est au stade des dosages. On a les résultats au niveau des tests biochimiques. Et comme c’est une plante alimentaire que les gens utilisent déjà, on n’est pas obligé de passer par les tests humains. Il faut l’encadrement d’un secteur quelconque pour envisager une production sous forme médicamenteuse.

Vous militez pour le développement de l’industrie des plantes médicinales pour soigner à moindre coût les populations pauvres. N’est-ce pas se mettre à dos les intérêts des grands groupes pharmaceutiques ?

C’est déjà fait ! On a toujours négligé la médecine traditionnelle. Or, il faut donner aux gens ce qu’ils veulent. Les plantes et les recettes, on les a. Il suffit de les mettre dans un cadre scientifique. C’est un secteur très porteur.

Quelle est la prochaine étape de vos recherches ?

La validation des recettes de grand-mère pour pouvoir développer des phyto-médicaments.

  • Author(s):Bureau de l'information du public
  • 23-02-2007
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