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Entretien avec Zahira Kamal : « Nous ne sommes pas au programme des hommes »
 
dans SHS Newsletter 10
Lors d'une visite à l’UNESCO en 2005, nous avions interrogé Zahira Kamal, alors ministre de la Condition féminine de l’Autorité nationale palestinienne, sur son expérience de militante et de femme politique et sur le rôle des femmes dans la société palestinienne. Elle dirige aujourd'hui le Centre palestinien de recherche et de documentation sur les femmes.
 
Entretien avec Zahira Kamal : « Nous ne sommes pas au programme des hommes » Vous êtes à l’avant-garde du mouvement des Palestiniennes depuis de nombreuses années. Quand cela a-t-il commencé et quelles ont été vos motivations ?
Cela a commencé vers 1975. Je travaillais alors pour l’UNRWA à l’Institut de formation des maîtres de Ramallah où j’enseignais la physique et la pédagogie des sciences. La plupart de mes étudiantes avaient obtenu de très bonnes notes au lycée. J’étais surprise de les voir venir à l’Institut au lieu d’opter pour l’université. Quand je leur demandais pourquoi, elles me disaient : « On est nombreux dans la famille, vous savez, et mon frère doit aller à l’université ». C’est là que j’ai constaté une forte discrimination dans l’éducation des femmes. Je recevais souvent des coups de fil de parents d’élèves me demandant si leur fille pouvait rester à la maison aider la mère qui venait d’avoir son dixième ou onzième enfant. J’ai vu des familles qui n’avaient que des filles, si bien que la mère voulait un autre enfant dans l’espoir que ce soit un garçon. Ou si elle avait déjà un fils, elle voulait lui donner un frère. Voilà un autre exemple de discrimination : la mère n’est qu’une machine à procréer, mais si l’enfant est une fille, il n’est pas vraiment désiré. Non pas que ses parents ne l’aiment pas. Au contraire. Mais ils veulent un garçon qui portera le nom de son père et mettra les siens en sécurité.
     J’ai donc essayé de pousser mes élèves à aller à l’université après l’Institut. J’ai contacté, par exemple, des universités pour leur demander d’accepter mes étudiantes, non pas en première année, mais en validant la formation qu’elles avaient reçue à l’Institut afin de leur faire gagner un an d’études. Et cela a marché.

Vous avez fondé le premier mouvement local de femmes palestiniennes. Parlez-nous de cette expérience.
À l’époque, nous étions sous l’occupation. Nous le sommes encore. Mais, au début des années 70, nous n’avions même pas de parti politique. Ayant formé un groupe de la classe moyenne avec un bon niveau d’instruction, nous avons créé des « comités de volontaires » pour enseigner ou organiser des débats sur des questions d’ordre général : le nettoyage des rues, la construction de palissades pour les écoles ou d’égouts dans les camps. Les réunions ne manquaient pas, le travail était dur. Mais le problème était qu’aucune femme ou presque – surtout en milieu ouvrier, rural ou dans les camps – ne fréquentait ces comités. Tout cela parce que les hommes et les femmes étaient ensemble aux réunions, chose inadmissible dans une société conservatrice. Alors, il a fallu trouver un autre moyen. Nous avons commencé à discuter de revendications féminines : le salaire égal à travail égal, la rémunération des congés de maternité. Rappelez-vous… Nous n’avions pas de gouvernement, encore moins de ministre du Travail. Nous avons pu négocier avec des hommes d’affaires et conclure des accords avec des industriels. Nous avons aussi créé une sorte de syndicat des industries qui emploient en majorité des femmes, comme l’industrie textile. Et puis, nous avons travaillé avec des troupes d’art dramatique. Nos efforts ont été officiellement reconnus en 1978, avec la création de la Fédération de l’action des femmes. En fait, ce comité d’action faisait une « évaluation des besoins » avant la lettre. Le terme est apparu plus tard. On allait dans les villages pour y créer des comités et des programmes en fonction des besoins. On ne se contentait pas de recopier le même programme à chaque fois. S’il fallait créer un jardin d’enfants, on aidait à le faire ; si un village réclamait un certain type de formation, on l’aidait dans ce sens. On essayait de répondre aux besoins des populations en communiquant avec elles, tant au niveau social que politique.

Vous avez également joué un grand rôle dans la création du premier ministère palestinien de la Condition féminine…
J’ai quitté l’enseignement en 1990 et, à partir de 1993, j’ai dirigé un programme du PNUD sur les femmes et le développement. Cette expérience m’a aidée à mieux saisir la question de la parité hommes/femmes et, depuis, j’ai toujours eu en tête l’idée d’un ministère. J’ai profité de mes visites à l’étranger pour recueillir des avis sur ce point et j’ai découvert plusieurs mécanismes. Qu’il s’appelle ministère de l’Égalité des chances, des Affaires féminines ou de la Famille et de l’Enfance, c’est toujours la femme qui est au cœur de ses préoccupations. J’ai étudié les structures et les politiques ministérielles. En 1994, quand le Président Arafat est arrivé pour la première fois au pouvoir, notre groupe de femmes lui a demandé de mettre en route ce « machin pour les femmes » en lui présentant la structure, le programme et le mandat. Mais la société n’était pas prête et il a fallu du temps avant d’établir un tel ministère. En 1996, j’ai décidé de quitter le PNUD pour le ministère palestinien de la Planification et de la Coopération internationale. Là, j’ai commencé à m’occuper des affaires féminines dans le service que je dirigeais, la Direction du développement et de la planification pour la parité hommes/femmes. Nous avons présenté aux autres ministères des politiques intégrant le souci d’égalité entre les sexes et nous avons formé leurs personnels à cet égard. En trois ou quatre ans, plus de quatre cents fonctionnaires ont bénéficié de cette formation. Au début, les ministères ne nous envoyaient que des femmes. Mais nous leur avons dit : « Non, sur les trois fonctionnaires que vous nous envoyez chacun, il doit y avoir au moins un homme ». C’est ainsi que, tout comme le public, ils se sont familiarisés avec ce concept. Entre-temps, le parti m’avait élue comme représentante du gouvernement et en entendant mon nom, tout le monde s’est écrié : « Voilà Zahira, elle serait parfaite pour le poste ! Maintenant on peut créer le ministère de la Femme ! » Un mandat de 30 ans nous a été conféré pour soutenir l’action gouvernementale dans ce domaine et veiller à ce qu’elle se reflète dans sa politique, ses plans et ses projets.

Vous êtes très instruite et votre parcours de féministe et de politicienne est impressionnant. En choisissant cette voie, n’avez-vous jamais eu de difficultés personnelles ni d’objections de votre famille ?
Bien sûr. C’était parfois très difficile. Mais, en fait, j’ai été aidée par mes parents qui m’ont élevée ainsi. Je suis l’aînée de huit enfants, six filles et deux garçons. Mon père s’est marié très tard. Il était âgé quand je suis née. Il voulait que j’aie un bon niveau d’instruction, de bons résultats scolaires et que je participe à de nombreuses activités. J’avais l’habitude de m’asseoir auprès de lui avec ses amis, d’écouter leurs conversations politiques et autres. Cela faisait partie de mon existence. Mon père était professeur de mathématiques : je suis donc devenue très forte en maths, chimie – toutes les matières scientifiques. Il voulait me donner ma chance. Mais il était malade et hospitalisé quand j’ai obtenu mon diplôme de fin d’études secondaires et on lui disait de ne pas m’envoyer à l’université. J’insistais pour aller au Caire. J’en rêvais. Le Caire, disait-on, est « la mère du monde entier ». C’était du temps de Nasser, symbole de la culture et de l’ouverture du monde arabe. Voilà pourquoi je voulais y être. Naturellement, c’était dur pendant la maladie de mon père. Mais j’étais décidée à ne plus m’alimenter si je ne pouvais pas partir. J’ignorais que c’était une grève de la faim. Je menaçais de ne plus rien avaler si on ne me laissait pas faire. Evidemment, mes parents étaient bouleversés. Chez nous, la nourriture est très importante et omniprésente. Finalement, mon père m’a juré sur le Coran qu’une fois guéri, il allait m’emmener au Caire. Et il a tenu parole. Quand les voisins l’ont vu faire, ils ont décidé d’envoyer aussi leurs filles. Alors il est parti au Caire, accompagné de dix jeunes filles ; il nous a toutes aidées à nous installer. C’était en 1967. J’étais sympathisante du Mouvement arabe, je représentais les Palestiniens au syndicat d’étudiants du Caire et je m’intéressais activement à la politique.

Vous avez aussi été assignée à résidence…
J’ai payé le prix de mon activisme politique en purgeant six mois de détention administrative, avant d’être assignée sept ans et demi à résidence, sans pouvoir sortir de chez moi depuis le coucher du soleil jusqu’au lendemain matin, avec l’interdiction absolue de quitter Jérusalem. C’était dur. Mais très important de voir comment on réagit dans ces cas-là. Pour moi, il était impensable de rester assise à la maison. Certes, aucune agence des Nations unies n’autorise son personnel à faire de la politique, mais je me suis présentée à l’UNRWA en demandant à disposer d’un bureau. Étant assignée à résidence, je ne pouvais pas enseigner à Ramallah, j’ai donc opté pour l’enseignement à distance. Bien sûr, ce n’était pas facile, même pour les élèves, d’accepter le principe. Comment enseigner la physique à distance ? En faisant autrement. Tous les jours, je préparais des devoirs que j’expédiais à mes élèves par la première voiture des Nations unies pour Ramallah. Ils me renvoyaient leurs réponses par la dernière voiture de 14 h 30. Ensuite je devais corriger les copies et préparer un nouvel envoi. Je travaillais autant que mes élèves !

À quel genre d’obstacles vous êtes-vous heurtée en tant que femme politique dans une société à dominante masculine ?
Comme je l’ai dit, j’ai été élevée dans un milieu où j’étais en contact avec des hommes. Quand je dirigeais le Front démocratique de libération de la Palestine, de 1975 à 1992, j’avais toujours des hommes comme interlocuteurs. Je crois au dialogue, à la coopération, à la prise de décision démocratique, à l’approche participative... Cela facilite les relations et, en même temps, on donne l’exemple. Malgré tout, je me suis trouvée dans des situations où les décisions étaient prises sans me consulter. Certaines réunions se tenaient la nuit. Je n’en manquais pas une. Mais c’est très dur de se lever le matin pour aller au travail. Il faut tenir le coup. Quand vous prenez la parole, les hommes essaient de vous ignorer et ne vous prêtent pas attention. Comme si vos propos étaient moins importants. Parfois, une délégation se forme et vous constatez que vous n’en faites pas partie. Il faut se battre pour avoir sa place. Ou bien il y a une réunion et personne ne vous appelle. Je vous avoue que lorsque je me suis présentée aux élections en 1996, je devais courir vite pour aller aux nouvelles. « Oh, pardon, on avait oublié ! » Je ne suis pas la seule à qui c’est arrivé. Quelle femme n’a pas connu cela ? Nous ne sommes pas au programme des hommes ! Ils ont leur propre réseau. Ils s’organisent, non pas dans des réunions, mais ont d’autres activités, soit qu’ils jouent aux cartes ou se retrouvent dans un club ou au café. C’est là qu’ils décident de choses qui nous échappent. À mon avis, c’est l’un des gros problèmes : comment institutionnaliser ces réseaux ?
     Dès le début, les hommes savent mieux gérer les problèmes communautaires. Ils passent leur enfance à jouer dans la rue, ils connaissent les gens dans la rue – le père, le fils, le grand-père, les passants. Ils grandissent avec cette vision du monde. Ils peuvent se déplacer pour mieux comprendre ce qui se passe. Avec toutes ces connaissances, ils sont plus à même de décider de leur avenir. Les femmes n’ont pas ce savoir. Les filles restent le plus souvent à la maison. Elles commencent à découvrir le monde à l’âge adulte. Il y a donc un déficit d’information entre les deux sexes et les femmes doivent faire un effort supplémentaire pour aller rechercher l’information.
     Enfin, il y a la pression familiale. Vous savez, je ne suis pas mariée. Mais c’est sans doute le prix à payer. Parce que même si les hommes vous apprécient comme une amie avec qui ils peuvent converser, dès lors qu’il s’agit pour eux de s’engager, ils ne veulent pas d’une femme forte. Il y en a qui vous disent carrément que si vous voulez fonder un foyer, vous devez renoncer à vos activités sociales et politiques pour passer plus de temps à la maison. Là, c’est à vous de décider de ce que vous voulez faire.

Le nouveau Centre de ressources de Ramallah va se consacrer aux problèmes des Palestiniennes. À votre avis, quels sont les problèmes spécifiques ?
Notre pays n’a pas vraiment de problème d’éducation. Presque tous les enfants vont à l’école. Le problème se pose pour les adolescents en sixième ou septième année de scolarité. Garçons et filles abandonnent l’école. Les garçons arrivent sur le marché du travail sans qualification, tandis que les filles restent à la maison avec leur mère pour aider aux tâches ménagères en attendant de trouver un mari. L’abandon scolaire équivaut pour elles au mariage précoce. Qui dit mariage précoce, dit grossesse prématurée – sans contraception. Cet accroissement du taux de natalité entraîne une forte dépendance et la montée du chômage. Tout cela a une incidence sur le développement national ! Chaque année, les effectifs du primaire augmentent de 4,5 % en première année, avec de nombreuses classes à organiser dans des lieux différents pour accueillir les nouveaux venus. D’autres pays ferment des écoles parce qu’il y a de moins en moins d’enfants. Mais chez nous, la situation est différente : 50 % de notre population a moins de 15 ans, si bien que des dizaines de milliers de personnes arrivent chaque année sur le marché de l’emploi. Comme il n’y a pas de travail, elles sont au chômage. Et le nombre croissant de chômeurs amène de nouvelles difficultés – problèmes sociaux, pauvreté, drogue, violence à l’encontre des femmes… Il faut traiter tous ces problèmes.
     Comme je le disais, le niveau d’instruction est relativement élevé comparé à celui des autres pays arabes. Les femmes représentent 46 % des effectifs universitaires, ce que ne reflète pas le marché du travail. Seuls 12,4 % de la population active sont des femmes, d’où le fossé qui se creuse. L’étude sur les raisons de ces disparités et les moyens de les atténuer constitue un énorme défi. Bien sûr, on peut dire que l’enseignement supérieur ne répond pas aux besoins du marché, car les filles préfèrent souvent les études littéraires alors que les garçons ont tendance à suivre la filière scientifique ou technologique. Un autre problème vient de ce que la formation professionnelle ne compte que 27 % de filles. Ce type d’apprentissage correspond à un enseignement très traditionnel – dans la couture, la coiffure, etc. – qui n’intéresse pas les filles. Il y a cinq ans, seuls 18 % des effectifs étaient féminins. Mais, lors de mon passage au ministère de la Planification, nous avons établi de nouveaux programmes sur la maintenance des ordinateurs et du matériel de bureau, en coopération avec le ministère de l’Éducation. Cela a incité davantage de femmes à suivre cet enseignement. Nous devons encore trouver des disciplines qui attirent un plus grand nombre de filles. Je pense au graphisme ou aux travaux d’architecture où elles excellent. Mais cela nécessite une étude. Le nouveau Centre de ressources de Ramallah pourra peut-être nous aider.
     Un autre problème concerne la participation des femmes à l’économie. Comme je l’ai dit, elles représentent seulement 12,4 % de la population active. Non pas que les autres femmes ne font rien ! Mais leur travail n’est pas considéré comme une source de revenu pour le foyer. Il est informel. Quelle valeur lui donner ? Dans un pays comme le nôtre, 66 % de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté. Comment survivre dans ces conditions ? En regardant les gens, on ne se rend pas compte du degré de pauvreté, car un autre facteur s’ajoute au revenu des ménages et les aide à survivre. Ce facteur ajouté vient du travail des femmes. Le tout est de savoir ce que nous faisons et de quelle manière. Quel est le revenu ? En quoi affecte-t-il la vie des femmes ? Il faut étudier cela. Et chacun sait très bien que le salaire des femmes échappe souvent à leur contrôle. La plupart du temps, un contrat est passé entre l’employeur et le père de famille qui reçoit directement le salaire de sa fille. Il y a dix ans environ, j’avais fait une étude à ce sujet. Une femme m’avait raconté qu’elle voulait s’acheter une veste depuis deux ou trois ans, mais elle n’en avait pas les moyens parce que son salaire était intégralement versé à son père qui ne lui restituait jamais rien. C’est une forme d’esclavage. On ne sait pas combien de femmes sont dans cette situation. Mais presque toutes donnent au moins 50 % de leur revenu à leur famille.
     Enfin, il y a les problèmes de droits humains. La violence augmente avec l’oppression militaire, attisant la violence à l’égard des femmes et des enfants. Un autre problème lié aux traditions est celui des crimes d’honneur. Il faut y réfléchir et en discuter. Les femmes doivent connaître leurs droits et la communauté doit savoir qu’elles sont en droit de décider de leur avenir.

L’égalité des sexes et les droits de la femme sont des questions délicates dans la société musulmane. Quelle est votre opinion à ce sujet ?
L’islam n’est pas le problème. Le problème, c’est l’interprétation des versets du Coran. Nous devons mieux connaître la religion pour ne pas être dupes, défendre notre position et en parler. Je suis cela de très près.
     Une femme a récemment été victime d’un crime d’honneur. Elle avait un diplôme universitaire et était chrétienne – le problème touche les musulmans, mais aussi les chrétiens de notre communauté. C’est plus une question de tradition que de religion. Cette femme aimait un musulman. Elle l’avait rencontré à l’université. Elle avait un emploi. Elle était majeure. Mais son père refusait le mariage. Il l’a forcée à se jeter du troisième étage. Elle s’est fracturée les hanches et est restée trois semaines à l’hôpital. Puis le père a tout essayé pour la ramener à lui. Il a promis de ne plus l’importuner et a même signé un accord en jurant de ne lui faire aucun mal. J’étais contre. On savait de toute évidence qu’il voulait la tuer. Quand elle est rentrée chez elle en fauteuil roulant, il l’a tabassée à coup de barre de fer. Elle est morte. J’ai manifesté avec les féministes. Nous avons organisé une cérémonie de condoléances avec ceux et celles qui étaient opposés à de tels actes meurtriers. Nous avons tenu une conférence de presse pour dire que nous n’avions pas besoin de défenseurs du mariage. Une femme, adulte, est capable de s’occuper de son mariage. Nous voulions entamer le débat. Nous avons rappelé au public que c’est Aïcha qui a demandé la main du Prophète Mahomet. Si, même en ce temps-là, une femme avait l’autorisation de demander la main du Prophète, pourquoi pas aujourd’hui ? Nous semblons être revenus plusieurs siècles en arrière. Le problème n’est pas tant la religion que tous ceux qui tentent de l’interpréter au gré des circonstances. Nous devons en parler avec une grande ouverture d’esprit et une solide connaissance de notre histoire et de nos droits.

Vous avez été conseillère dans les négociations de paix au Proche-Orient. De manière générale, pensez-vous que les femmes puissent jouer un rôle plus important dans la résolution des conflits ?
Oui, je pense qu’elles peuvent agir différemment. Lorsque j’étais à Washington, j’observais le public des conférences de presse et j’étais frappée de voir très peu de femmes dans l’assistance. Quelques-unes venaient probablement des médias, mais aucune de la sphère sociale. Quand la paix est au cœur des négociations, le soutien du peuple, en plus de celui de la presse, est indispensable. Alors, je me suis mise à tenir des réunions avec les responsables d’associations féminines aux États-Unis pour les tenir au courant. Pour qu’elles sachent. Les hommes ont leurs réseaux d’information. Mais pas les femmes. Alors je suis allée leur parler. De même, après le septième cycle de négociations, j’ai décidé de ne pas me rendre à Washington. Non pas que j’étais contre – je fais toujours partie du Comité directeur – mais je trouvais préférable de rester chez moi pour tenir les gens au courant des événements. Je crois que les accords ne se concluent pas uniquement à l’échelon supérieur. Faute de remporter l’adhésion de la communauté, ils restent lettre morte. Malgré l’accord conclu entre l’Égypte et Israël, personne n’en fait cas. En Palestine comme en Israël, nous devons vivre les uns à côté des autres. En tant qu’êtres humains, il convient d’accepter le cours des événements. Il faut insister sur l’aspect humain de toute mesure politique.

Propos recueillis par Jeanette Blom.


Un centre de ressources pour les Palestiniennes
L’UNESCO et le ministère palestinien de la Condition féminine ont signé un Mémorandum d’accord sur la création d’un Centre de ressources des femmes palestiniennes à Ramallah (cf. Newsletter 09, en format PDF). L’établissement sera à la fois un observatoire et un centre de documentation sur les questions liées aux femmes au sein de l’Autorité nationale palestinienne. Il se concentrera sur le travail en réseau, le plaidoyer et la recherche sur les politiques relatives à l’égalité entre les sexes et les droits des femmes palestiniennes. Ce centre est le premier du genre à être établi dans un pays arabe en dehors du Maghreb. Son inauguration officielle est prévue en novembre 2005.

Zahira Kamal
1968 : Licence de physique, Université Ain Shams, Le Caire.
1968-1990 : Professeur au Women’s Teacher Training Centre (Institut de formation des maîtres) de Ramallah.
1978 : Membre fondateur de la PFWA (Fédération palestinienne de l’action des femmes), première association féminine créée dans les Territoires palestiniens occupés.
1993-1995 : Directrice du Programme de développement pour les femmes, PNUD.
1996-2003 : Directrice générale, Direction du développement et de la planification pour la parité hommes/femmes, ministère de la Planification et de la Coopération internationale.
Depuis 2003 : Ministre de la Condition féminine de l’Autorité nationale palestinienne.
En 1979, Madame Kamal a été placée en détention administrative pendant six mois, puis assignée à résidence de juin 1980 à mars 1987 et de juin 1990 à juillet 1991. Membre du Conseil consultatif de la Délégation palestinienne pour les négociations de paix au Proche-Orient, elle participe activement aux réunions avec les groupes pacifistes israéliens.

Photo : DR




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Auteur(s) UNESCO - Secteur des sciences sociales et humaines
Nom du périodique SHS Newsletter (nouveau nom : SHS Regards)
Date publication 2005-09
Éditeur UNESCO
Lieu de publication Paris, France
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