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Entretien avec Dr. Ulrich Maly : « Le racisme met en péril la paix, la sécurité, et la cohésion sociale »
dans SHS Newsletter 12
 

u_maly.jpg Pour le maire de Nuremberg (Allemagne) – Chef de file de la Coalition européenne des villes contre le racisme –, le seul recours face aux menaces que représentent les discriminations raciales est d’asseoir les politiques municipales sur des droits humains d’application universelle, en renforçant la coopération entre villes au niveau international, et en mobilisant les habitants, et particulièrement les jeunes, qui exerceront bientôt des responsabilités dans nos sociétés.
Comment la ville de Nuremberg, dont vous êtes le maire, a-t-elle été amenée à jouer le rôle de « ville – chef de file » de la Coalition européenne des villes contre le racisme ?
Au XXe siècle, le racisme et la discrimination ont plongé l’humanité au plus profond des abîmes de l’histoire. C’est en pensant à cette terrible période que les Nations unies proclamèrent leur affirmation des droits fondamentaux, de la dignité et de la valeur de tous les êtres humains dans la Charte de l’ONU et dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Cette affirmation doit aussi se placer dans le contexte de l’histoire de Nuremberg, comme ville des congrès du Parti nazi et comme lieu de proclamation des lois raciales inhumaines qui ouvrirent le chemin menant au génocide. La ville de Nuremberg est pleinement consciente de la responsabilité historique qui lui incombe au titre de son rôle pendant le régime nazi. Dès lors, la ville se sent particulièrement engagée dans la lutte contre le racisme et la discrimination et dans la protection et la promotion des droits humains. C’est pourquoi Nuremberg a apporté un fort soutien à l’initiative prise par l’UNESCO de créer une Coalition européenne de villes contre le racisme. De même, nous avons accepté sans hésiter l’invitation faite par l’UNESCO que Nuremberg joue un rôle de chef de file dans ce réseau : tâche importante dont nous sommes honorés que l’UNESCO nous ait confié la charge.

Comment voyez-vous votre rôle au sein d’une coalition de villes aussi diverses que Sarajevo, Riga, Londres, Barcelone ou Nuremberg…?
Au XXe siècle, nombre de villes de la coalition, dont Sarajevo, Riga et Nuremberg, ont souffert de la barbarie qui résulte du racisme et de la discrimination. Depuis quelques années, ces menaces surgissent à nouveau en Europe. Dans tous les pays européens, sévissent le racisme au quotidien et la violence raciste. Comme violations majeures des droits humains, ces phénomènes mettent en péril, un peu partout, la paix, la sécurité et la cohésion sociale. Au-delà des différences entre nos villes, c’est solidairement que nous sommes confrontés à ces menaces. Il nous faut donc promouvoir les recherches sur les formes et les causes multiples du racisme et de la discrimination au niveau municipal, mettre en place des stratégies individuelles pour nos villes qui s’appuient sur le Plan d’action contre le racisme en dix points élaboré par l’UNESCO, échanger nos expériences et nos bonnes pratiques, et renforcer notre coopération. En tant que chef de file de la Coalition, la ville de Nuremberg s’efforcera de promouvoir et de coordonner ces activités importantes et de rallier à la coalition autant de villes européennes que possible.

Après l’Europe, la Coalition est en train de s’étendre à d’autres régions du monde comme l’Afrique, l’Asie, etc. Envisagez-vous d’établir des synergies ou des liens de solidarité avec une ou quelques villes de ces régions, afin de partager de bonnes pratiques ou mener des actions communes contre le racisme et la discrimination ?
La ville représente un niveau d’action particulièrement important pour répondre à la menace du racisme et de la discrimination. D’ores et déjà, la moitié de la population mondiale vit en ville ; d’ici trente ans la proportion sera des deux-tiers. C’est pourquoi les municipalités ont un rôle essentiel à jouer dans la gestion des multiples défis de la mondialisation, dont la croissance des migrations internationales et la concurrence économique accrue, qui mettent sous pression l’emploi et la protection sociale. La ville est un espace de rencontres, de diversité culturelle, d’épanouissement personnel et d’innovation ; c’est également le lieu où se manifestent tous les contradictions et les risques des dynamiques mondiales. Dans l’espace urbain, sévissent la pauvreté publique et privée, l’emploi précaire et le chômage, l’absence d’égard pour les différences culturelles et les tensions religieuses ; il en résulte de multiples formes de xénophobie, de racisme et de discrimination. Face à tous ces problèmes, comment vivre ensemble dans la paix et dans la dignité, dans la justice et dans la sécurité ? À mon sens, le seul recours est d’asseoir les politiques municipales sur des droits humains d’application universelle. Pour promouvoir cette approche, il nous faut une étroite coopération entre villes au niveau international. Dans ce contexte, et au vu des défis communs de la mondialisation auxquels toutes les villes sont confrontées, j’imaginerais volontiers des relations de solidarité avec les villes des régions que vous citez, notamment pour échanger des bonnes pratiques et pour conduire des actions communes si possible et utile.

En proposant des indicateurs pour évaluer l’impact des politiques municipales, l’UNESCO entend encourager une lutte à la fois efficace et de qualité contre le racisme et la discrimination. Comment votre ville entend-elle tirer avantage de ces outils ?
Afin de lutter efficacement contre le racisme et la discrimination, il est évidemment essentiel d’évaluer l’impact des politiques municipales. La ville de Nuremberg vient de commencer la mise en œuvre du Plan d’action contre le racisme en dix points, et nous discutons actuellement de l’adoption des différents indicateurs proposés par l’UNESCO. Sachez en tout cas que nous en tirerons avantage.

Lors des événements commémorant en décembre 2005 le 70e anniversaire des Lois de Nuremberg et les 10 ans de votre Prix des Droits de l’Homme, vous avez organisé un atelier spécial sur les jeunes et la lutte contre le racisme. Comment voyez-vous leur rôle ainsi que, en général, celui de la société civile européenne dans la Coalition ?
Le Plan d’action en dix points propose d’associer la population locale aux activités municipales et d’offrir la possibilité de débattre des problèmes du racisme et de la discrimination dans la ville ainsi que des politiques locales et de leur impact. Cela me paraît essentiel. Pour lutter efficacement contre ces menaces, il me semble indispensable de sensibiliser et de mobiliser nos habitants, notamment les jeunes qui exerceront bientôt des responsabilités dans nos sociétés. Il en va de même au niveau européen. Si nous voulons que la Coalition se développe bien et travaille efficacement, il nous faut le soutien des citoyens européens sur une base très large. Ce n’est possible que si ceux-ci sont associés aux activités de la Coalition, de telle manière que nos objectifs deviennent les leurs. C’est pourquoi je proposerais que le Comité de pilotage de la Coalition débatte des modalités de promotion et d’organisation de la participation des citoyens européens et notamment des jeunes.

La Coalition européenne rassemble déjà une quarantaine de villes. Quelles sont ses perspectives de développement à moyen terme ?
Il me semble que nous avons trois tâches importantes. Tout d’abord, nous devrions essayer d’élargir le nombre de villes membres de la Coalition. Plus il y en aura, plus fort et plus efficace sera le réseau. Ensuite, il importe, dans ce contexte, de trouver un chef de file pour chaque pays européen, afin de promouvoir la Coalition et le Plan d’action en dix points au niveau national. Nuremberg y travaille déjà. Troisièmement, il est indispensable que les villes mettent réellement en œuvre le Plan d’action, sans quoi la Coalition ne pourra travailler efficacement. C’est pourquoi Nuremberg est sur le point de monter un atelier avec des villes allemandes sur la mise en œuvre du Plan d’action. Il faudrait en faire autant dans d’autres pays. Enfin, nous devrions nous efforcer de mettre en place une étroite coopération avec d’autres réseaux de villes et d’obtenir le soutien des institutions et organisations européennes pour promouvoir nos objectifs aussi efficacement que possible. À tous ces égards, l’expérience et le soutien de l’UNESCO nous sont nécessaires. En tant qu’organisation des Nations unies, réputée dans le monde entier, l’UNESCO devrait garder son rôle directeur au sein de la Coalition.

Propos recueillis par Jun Morohashi

> Coalition internationale des villes contre le racisme

> Coalition européenne des villes contre le racisme (ECCAR)


Ulrich Maly, Maire de Nuremberg (Allemagne) depuis 2002, est né dans cette ville en 1960. De 1981 à 1987, il étudia l’économie politique à l’Université Friedrich-Alexander de Nuremberg, qui lui délivra en 1990 un doctorat pour sa thèse sur « Économie et environnement dans les politiques municipales de développement ». Il devint ensuite secrétaire du groupe SPD au sein du Conseil municipal puis, de 1996 à 2002, trésorier de la Ville de Nuremberg.

Photo : © DR
Langue du contenu 10035
Site web du périodique http://portal.unesco.org/shs/fr/ev.php-URL_ID=9425&URL;_DO=DO_TOPIC&URL;_SECTION=201.html
Site web connexe http://www.unesco.org/shs/regards
Auteur(s) UNESCO - Secteur des sciences sociales et humaines
Nom du périodique SHS Newsletter (nouveau nom : SHS Regards)
Éditeur UNESCO
Lieu de publication Paris, France
Date publication 2006-03
Mots-clés droits de l'homme, racisme



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