L’ISU prépare actuellement une nouvelle collecte de données relatives à l’innovation dont les résultats vont être publiés à la mi-2014. Martin Schaaper, notre expert en matière de statistiques STI, décrit ici les étapes nécessaires pour produire ces statistiques par pays à tout stade de développement.
Qu’est-ce que l’innovation ?
L’innovation fait référence à la mise en œuvre par une firme d’un produit nouveau ou sensiblement amélioré, d’un processus de production, d’une nouvelle méthode de commercialisation ou d’une nouvelle méthode organisationnelle. C’est une «valeur ajoutée» qui rend les travailleurs plus productifs ou efficaces dans un processus de production et renforce la compétitivité des firmes.
Prenez par exemple une collection de meubles. L’entreprise peut mettre en place un nouveau logiciel pour améliorer le design de ces meubles. Il s’agit là d’une innovation. Elle peut également utiliser un nouveau logiciel pour améliorer le transport ou la commercialisation du produit.
L’innovation est aussi possible au niveau organisationnel, dans le cadre duquel une entreprise développerait de nouvelles bases de données avec des pratiques d’excellence, des cours ou d’autres types de connaissances. Ce sont quelques exemples illustrant l’importance de l’innovation.
Comment la mesurer ? Quels sont les indicateurs clés ?
L’innovation peut avoir lieu aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé. Pour le moment, l’ISU se concentre exclusivement sur l’innovation dans le secteur privé. Les directives internationales existantes pour collecter et analyser les données sur l’innovation sont limitées à ce secteur, car il est plus facile d’y mesurer l’innovation d’un point de vue statistique.
Dans ce premier tour de collecte de données, nous collectons des données sur l’innovation dans le secteur de l’industrie manufacturière. Nous collectons des données sur les types d’innovations aussi bien que sur les activités et les mécanismes utilisés par les firmes afin de mettre en œuvre ces innovations. Notre objectif final est de produire des données qui aideront les gouvernements à développer des politiques efficaces visant à stimuler et encourager l’innovation.
Comment les statistiques relatives à l’innovation viennent-elles compléter les données sur la R-D ?
La recherche et le développement expérimental (R-D) désignent le travail créatif réalisé sur une base systématique afin d’accroître la somme des connaissances. Les données sur la R-D reflètent également l’utilisation de ces connaissances pour concevoir de nouvelles applications.
L’innovation couvre un spectre plus large que la R-D. Par exemple, outre les activités de R-D d’une firme, les statistiques relatives à l’innovation se concentrent sur des activités telles que l’acquisition de R-D, l’acquisition de machinerie, le transfert technologique et la formation du personnel en vue d’une innovation spécifique dans la firme.
Ces statistiques nous permettent de mettre en lumière la localisation et le déroulement des activités de R-D. Sur la base de ces informations, les pays peuvent collecter des données plus spécifiques sur la R-D. Ces statistiques améliorent aussi la couverture du centre des données de l’ISU pour les pays en développement, qui est une des grandes priorités de l’institut. Il peut être très difficile de collecter des données sur la R-D dans de nombreux pays en développement car les entreprises sont généralement réticentes à divulguer l’information. Pour diverses raisons, il semble que les pays développés soient plus transparents.
Quelles sont les étapes nécessaires pour développer une collecte mondiale de données sur l’innovation ?
À l’heure actuelle, 100 pays collectent régulièrement des statistiques relatives à l’innovation. L’Europe - grâce aux activités d’Eurostat – est le leader dans ce domaine. Le Canada organise également des enquêtes nationales depuis 20 ans. Cependant, malgré une forte demande pour ce type d’information, rares sont les données disponibles sur le sujet. Les États-Unis, par exemple, n’ont publié les résultats de leur première enquête sur l’innovation qu’en 2010.
Nous souhaitons développer un instrument spécifiquement adapté aux pays en développement. Simultanément, nous devons nous assurer que les données sont comparables à l’échelle internationale afin que les pays puissent suivre leurs progrès et apprendre de l’expérience des autres.
Afin de développer cet instrument, nous devons identifier les types de questions qui ont été posées dans les questionnaires des enquêtes sur l’innovation, aussi bien que les indicateurs principaux produits par les pays. Pour le faire, nous avons collecté le plus grand nombre possible de questionnaires des enquêtes nationales sur l’innovation. Avec cette information, nous avons créé le Catalogue des enquêtes sur l’innovation de l’ISU.
Nous avons ensuite mis au point une collecte de données pilote sur les statistiques de l’innovation. Le questionnaire a été conçu en se basant sur les directives méthodologiques et des définitions du Manuel d’Oslo. Ce manuel définit le cadre de production de données sur l’innovation comparables au niveau international. Cependant, ce cadre a été conçu à l’origine pour les pays développés. Ainsi, en 2005, l’ISU et différents partenaires ont donc mis en place un ensemble de directives afin d’aider les pays en développement à adapter le manuel et à mener des enquêtes dans leurs propres pays. Ces directives ont été annexées au Manuel d’Oslo.
Des contributions importantes à la collecte de données pilote ont été reçues par un groupe d’experts représentant des organisations statistiques régionales et des bureaux statistiques nationaux du monde entier. Les résultats de la collecte des données pilote sont disponibles sur le site de l’ISU.
L’étape suivante était de mettre au point une collecte des métadonnées sur les statistiques de l’innovation. Cette information nous a permis d’identifier en détails les procédures méthodologiques des enquêtes nationales sur l’innovation. Par conséquence, nous avons pu mieux structurer le questionnaire de la collecte mondiale de données et d’anticiper certains défis dans l’interprétation des résultats.
Est-ce que l’institut travaille avec des organisations régionales au cours de la première collecte mondiale de données? Qui sont ces partenaires ?
Eurostat et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), compte tenu de leur grande expérience, sont des partenaires incontournables pour ce projet. Eurostat possède une vaste base de données sur l’innovation pour les pays de l’Union européenne, et l’ISU va puiser dans ces informations. Les autres pays de l’OCDE ont reçu le questionnaire pour le compléter.
En Amérique latine et dans les Caraïbes, l’ISU collabore étroitement avec le Réseau Ibéro-américain d'indicateurs de science et technologie (RICYT).
L’Union africaine a aussi lancé une importante initiative en 2007, conçue spécialement pour produire des données sur la R-D et l’innovation à travers le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD). L’ISU est un partenaire majeur dans cette initiative, et a accès aux données collectées.
Qu’espérez-vous recueillir grâce à cette nouvelle enquête et quelles sont les limites pratiques ?
L’idéal serait de collecter des données reflétant les divers aspects de l’innovation dans le secteur privé. Qu’est-ce que les entreprises espèrent atteindre à travers l’innovation ? Comment les entreprises coopèrent-elles en interne et/ou en externe pour introduire des innovations réussies ? Avec qui? D’autres entreprises ? Des universités ?
Pour ce qui est des limites pratiques, il convient de souligner que l’institut innove dans ce domaine. Le premier défi à relever était la conception du questionnaire de l’ISU. Les enquêtes relatives à l’innovation sont complexes et couvrent un grand nombre d’aspects. Les pays ne possèdent pas forcément les mêmes industries. Et bien sûr, certaines industries sont plus innovantes que d’autres. Par exemple, l’industrie informatique et le marché de détail sont très différents.
Nous devons donc être très précis dans le questionnaire de l’ISU afin de collecter des données comparables. En même temps, celui-ci doit couvrir un nombre limité de sujets, sinon les pays ne répondront pas. Il nous faut donc trouver un compromis entre la pertinence politique des données et la faisabilité de leur collecte.
Le deuxième défi est le taux de participation à l’enquête. En ce qui concerne la collecte mondiale, le taux de participation constituera un véritable défi. La formation jouera un rôle important. Nous devons fournir aux statisticiens nationaux tout le soutien et la formation nécessaires pour qu’ils répondent efficacement à l’enquête. En retour, ils nous apporteront un feedback essentiel pour améliorer régulièrement cette collecte de données.
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