© UNESCO/Serge Santelli
Le mur d'enceinte d'Harar
Retranchée derrière son mur d’enceinte, la ville d’Harar (Ethiopie) semble ne pas donner prise au temps. La vie pourtant, entre mosquées et marché, continue de battre.
Un lacis de 362 venelles bordées de petites maisons traditionnelles entre lesquelles circulent avec peine de vieilles voitures fatiguées.
Juchée à plus de 1800 mètres d’altitude, la ville est entourée d’une enceinte fortifiée de quatre mètres de haut, percée de cinq portes. A l’intérieur : un lacis de 362 venelles bordées de petites maisons traditionnelles entre lesquelles circulent avec peine de vieilles voitures fatiguées. Bienvenue à Harar, à plus de 500 kilomètres à l’est d’Addis-Abeba, la capitale éthiopienne.
Moins connue que d’autres villes du pays comme Axoum, Lalibela ou Gondar, elle est pourtant « un des rares exemples de ville préindustrielle encore intacte », comme le note Jara Hailé Mariam, responsable de l’Autorité de recherche et de conservation du patrimoine éthiopien. En témoignent le cliquetis entêtant des vieilles machines à coudre qui crépite le jour dans le quartier des tailleurs ou le rougeoiement des forges rassemblées dans le quartier qui borde la porte de Buda.
Au petit matin, ce sont les appels des muezzins qui retentissent dans cette ville aux 82 mosquées. Ce n’est pas pour rien qu’Harar est considérée comme « la quatrième ville sainte de l’islam ». C’est au XVIe siècle qu’elle devient la capitale d’un royaume musulman indépendant, au prix de luttes sans merci avec les empereurs chrétiens qui dirigent alors le pays. Vestige imposant de cette période de rébellion : le mur d’enceinte, ou Jugol, qui encercle toujours la ville. Comme hier, les portes sont encore fermées à la tombée de la nuit. Chacune porte un nom : Choa ber, Buda ber, Erer ber ou encore Fellana ber.
Plusieurs denrées feront sa renommée : l’ivoire, les peaux et surtout le café.
C’est par là que transitaient jadis les marchands, du temps où Harar était la porte d’accès vers l’Ethiopie, à partir de la côte du golfe d’Aden. Plusieurs denrées feront sa renommée : l’ivoire, les peaux et surtout le café. C’est d’ailleurs pour faire le commerce du précieux grain qu’à la fin du XIXe siècle, un voyageur de commerce pas tout à fait comme les autres débarque dans la ville. Son nom : Arthur Rimbaud. Le poète y séjourna à partir de 1880. C’était le temps où les caravanes apportaient les marchandises en provenance des « monts abyssins » de l’ouest et des comptoirs du golfe d’Aden. La création de la ligne de chemin de fer Addis-Abeba-Djibouti, au début du 20e siècle, marquera le déclin de la ville.
Le commerce n’est pas mort pour autant à Harar. Au grand marché de Gidir Magala, drapées dans des tenues aux couleurs vives, les femmes hararies, somalies, amharas ou oromos se pressent toujours à la recherche d’épices, de légumes, de fruits, de cotonnades, de céréales ou d’herbes médicinales. A la recherche aussi des fameuses feuilles de khât, qui, mâchées, provoquent un état doucement euphorisant. De quoi oublier que d’ici la tombée de la nuit, lorsque l’ombre des minarets s’allongera dans le crépuscule et que les portes se seront refermées, les hyènes descendront des montagnes et encercleront la ville.
Agnès Bardon avec la collaboration de Francis Anfray
Photo 2: © UNESCO/Serge Santelli
Un des marchés d'Harar
Photo 3: © UNESCO/Serge Santelli
La porte Choa est l'une des portes de la ville.