<
 
 
 
 
×
>
You are viewing an archived web page, collected at the request of United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization (UNESCO) using Archive-It. This page was captured on 00:55:18 Aug 10, 2016, and is part of the UNESCO collection. The information on this web page may be out of date. See All versions of this archived page.
Loading media information hide

Entretien avec Yury Fedotov, Directeur exécutif de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC)

Yury Fedotov, Directeur exécutif de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC). Photo ONU/Mark Garten

6 avril 2015 – L’ancien diplomate russe Yury Fedotov a été nommé Directeur exécutif de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) en juillet 2010. En tant que chef de cette agence basée à Vienne, M. Fedotov a encouragé la lutte contre le trafic de drogue en s’appuyant sur des initiatives régionales et en fournissant une assistance technique, tout en favorisant une approche équilibrée pour résoudre la demande de drogues.

Il a appelé les États membres à ratifier et à mettre en œuvre toutes les conventions des Nations Unies sur les drogues, la criminalité et la corruption, et est étroitement impliqué dans la promotion du Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la traite des personnes, qui est géré par l’ONUDC, ainsi que de la campagne ‘Cœur bleu’ contre la traite des êtres humains.

Lors d’une récente visite à New York pour participer à un événement de l’Assemblée générale sur l’intégration de la prévention de la criminalité et de la justice pénale dans l’agenda de développement post-2015, M. Fedotov a rencontré le Centre d’actualités de l’ONU avec qui ilL’état de droit, de meilleurs systèmes de justice pénale, l’accès à la justice, des forces de l’ordre et un système judiciaire qui fonctionnent bien peuvent faciliter le développement a discuté du 13e Congrès des Nations Unies contre le crime, qui aura lieu à Qatar du 12 au 19 avril.

Centre d’actualités de l’ONU : Le 13e Congrès des Nations Unies pour la prévention de la criminalité et la justice pénale, qui aura lieu en avril à Doha, au Qatar, marquera le 60e anniversaire du Congrès contre le crime. Pourriez-vous nous dire ce qui a été réalisé en 60 ans en matière de prévention de la criminalité et de justice pénale au niveau international?

Yury Fedotov : C’est une excellente question. Malheureusement, je n’ai pas de réponse simple. En effet, comme toujours, il y a de bonnes et de mauvaises nouvelles. La bonne nouvelle est qu’entretemps, la communauté internationale a élaboré un ensemble d’instruments juridiques pour lutter contre la criminalité transnationale organisée, notamment la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée (Convention de Palerme) avec trois protocoles sur la traite des êtres humains, le trafic de migrants et le trafic des armes à feu, la Convention des Nations Unies contre la corruption, ainsi que trois conventions de lutte contre la drogue et 19 instruments juridiques contre le terrorisme. Depuis lors, la coopération internationale s’est élargie. Tout récemment, il y a eu des discussions sur la façon de combler le fossé entre les différents formats et plates-formes de coopération internationale.

Le Directeur exécutif Yury Fedotov visite un champ de pivot dans la province de Badakhshan, au nord-est de l’Afghanistan, en mai 2012, et observe les efforts d’éradication. Photo: MANUA/Eric Kanalstein

Tout cela constitue de bonnes nouvelles. Mais malheureusement, au cours de ces 60 ans, la criminalité transnationale organisée a également évolué. Elle est devenue plus sophistiquée... par exemple, en utilisant la porosité des frontières, les meilleurs systèmes de communications et de transports, ainsi que des outils sophistiqués comme l’Internet pour coordonner leurs activités criminelles. Les frontières nationales n’arrêtent pas les criminels. C’est pourquoi la coopération internationale doit se développer. C’est pourquoi le 13e Congrès contre le crime est très important. Nous allons discuter à ce Congrès de ce qu’on peut faire pour renforcer cette réponse, cette réponse consolidée de la communauté internationale sous l’égide des Nations Unies, face à ce défi de la criminalité transnationale organisée.

Centre d’actualités de l’ONU : Le Congrès contre le crime discutera du lien entre la criminalité et le développement. Pourriez-vous nous donner des exemples de la façon dont la criminalité transnationale organisée, le trafic illicite et la corruption minent le développement?

Yury Fedotov : Il existe de nombreux exemples. Mais cela fonctionne dans les deux sens. Non seulement la criminalité transnationale organisée, la corruption, les drogues illicites, compromettent le développement, mais la pauvreté et le sous-développement fournissent également un terrain fertile pour la criminalité et la criminalité transnationale organisée. Par exemple, près de 40 milliards de dollars sont perdus chaque année dans les pays en développement en raison de la corruption. Cet argent aurait pu être utilisé pour aider les pays en développement, les pays les moins avancés, mais il s’est volatilisé. Si vous comptez tous les revenus illicites de la criminalité transnationale organisée, cela représente 870 milliards de dollars chaque année. C’est beaucoup ; c’est beaucoup plus que le PIB de nombreux pays en développement.

Malheureusement, les institutions chargées de faire appliquer la loi dans ces pays, et même dans de plus grands pays, ne peuvent pas se permettre un budget équivalent pour lutter contre les activités criminelles. C’est pourquoi la coopération internationale est essentielle.

D’autres exemples épuisent l’environnement, l’exploitation forestière illégale et la criminalité liée aux espèces sauvages, qui ne sont pas seulement des crimes contre les générations futures, mais sapent le développement dans ces pays. Vous avez aussi l’exemple de la piraterie au large des côtes de la Somalie. L’origine de cette piraterie n’est bien sûr pas en mer, mais à terre, en Somalie : l’absence de perspectives de développement pour de nombreux jeunes hommes et garçons dans ce pays déchiré par la guerre depuis des décennies. Donc, ils ont choisi les activités criminelles non seulement pour s’occuper, mais aussi pour commettre des crimes.

Le commerce illicite d’espèces sauvages et de produits forestiers finance des groupes criminels et des milices, menaçant la sécurité et le développement durable. Photo Banque mondiale/Curt Carnemark

Il y a aussi l’exemple de l’Afghanistan, où de nombreux agriculteurs pauvres sont obligés de cultiver des plantes illicites pour survivre. La même chose est valable pour certains pays d’Asie du Sud-est. Donc, le développement et le crime organisé sont étroitement liés. C’est pourquoi le Congrès contre le crime est important, surtout cette année, quelques mois avant le sommet de l’ONU sur le programme de développement post-2015. Le thème principal du Congrès est précisément le lien entre l’état de droit et le développement durable.

Centre d’actualités de l’ONU : Quel est selon vous l’aspect le plus important de ce Congrès cette année? Y a-t-il des crimes ou des domaines spécifiques qui nécessitent une attention plus particulière que d’autres?

Yury Fedotov : Bien sûr, comme je l’ai dit, le thème principal du Congrès est le lien entre l’état de droit, la prévention de la criminalité, la justice pénale et le développement durable. L’état de droit, de meilleurs systèmes de justice pénale, l’accès à la justice, des forces de l’ordre et un système judiciaire qui fonctionnent bien peuvent faciliter le développement. Il y aura des discussions importantes non seulement à la séance plénière, mais aussi lors d’événements parallèles avec la participation de responsables gouvernementaux de haut niveau, des responsables de l’ONU et d’ONG. Mais il y a d’autres thèmes importants qui seront évoqués, certains d’entre eux concernant des crimes qui sont réapparus, tels que la traite des personnes, pour laquelle nous prévoyons d’organiser un événement important avec des participants de haut niveau. Il y a aussi le trafic de migrants, qui est une nouvelle préoccupation croissante de la communauté internationale, surtout après ces événements tragiques en Méditerranée. La criminalité liée aux forêts et aux espèces sauvages, la cybercriminalité, notamment. Il y a beaucoup d’aspects qui doivent être discutés. Le Congrès contre le crime est important afin de trouver une plate-forme commune pour faire face à ces défis mondiaux.

Centre d’actualités de l’ONU : Il est extrêmement difficile de mesurer l’étendue de certains crimes en raison d’un manque de données. Que fait-on pour améliorer la collecte de données? Le sujet de la collecte de données sera-t-il discuté au Congrès?

Yury Fedotov : Cela fera l’objet de discussions et à juste titre, parce qu’il s’agit de l’un des trois principaux piliers de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime. Le volet ‘recherche et analyse’ est très important afin de fournir des orientations claires aux États membres sur la façon de relever les défis mondiaux. Et certaines de nos publications phares comme les rapports annuels sur les drogues, ou notre rapport mondial sur la traite des personnes, sont bien reçus par les États membres. Ils apprécient la qualité de cette recherche et de cette analyse, mais nous devons faire plus. Nous prévoyons un autre projet important de recherche sur la criminalité liée aux espèces sauvages, sur le trafic illicite de migrants, sur beaucoup d’autres choses. Et bien sûr les données sont un facteur très important.

Une jeune femme d’une communauté de pêcheurs au Bengale occidentale, dans l’est de l’Inde. Elle vient d’un village connu pour le trafic de femmes et de jeunes filles vers des grandes villes. Photo ONU Femmes/Anindit Roy-Chowdhury

Nous n’utilisons pas les statistiques officielles. Nous devons trouver des moyens pour évaluer l’ampleur et l’impact de la criminalité transnationale organisée, et l’information est très souvent cachée. C’est pourquoi nous avons besoin de plus de soutien - plus de soutien des États membres, plus de soutien de nos pairs, d’autres organisations internationales partageant des données et des informations avec nous – afin que nous puissions arriver à une connaissance consolidée et à évaluer l’ampleur et la dimension de la criminalité transnationale organisée, du trafic de drogues illicites et de la corruption.

Centre d’actualités de l’ONU : Comment voyez-vous le rôle du public dans le renforcement de la prévention de la criminalité et de la justice pénale?

Yury Fedotov : Nous ne pouvons rien faire sans le public. Nous ne pouvons rien faire sans la société civile. Tous nos efforts, ce que l’ONUDC fait, ne peuvent réussir que s’ils sont soutenus par le public parce que ce que nous faisons est basé sur quelques principes. L’un d’eux est l’appropriation locale de tous nos projets et programmes. Deuxièmement, un engagement très fort envers les normes des droits humains et troisièmement, la nécessité d’offrir et de faire une réelle différence dans la vie des gens ordinaires - dans leurs quartiers, dans leurs villages et les petites villes. Si nous réussissons, c’est la meilleure récompense pour nous. En outre, il est important de sensibiliser les gens. La société civile, les ONG peuvent beaucoup nous aider et elles le font, sensibiliser les gens aux dangers de la criminalité transnationale organisée. Prenons l’exemple de la traite des êtres humains, l’esclavage du 21e siècle. Ce crime est commis dans nos quartiers. Et les gens devraient être encouragés, devraient savoir que c’est contre la loi et que s’ils voient quelque chose de suspect, ils doivent le signaler à la police. Il est donc très important de sensibiliser les gens. C’est pourquoi nous faisons la promotion de plusieurs campagnes, y compris la campagne ‘Cœur bleu’, pour soutenir les victimes de la traite des êtres humains.

Centre d’actualités de l’ONU : Pourriez-vous nous donner un exemple réussi de coopération internationale contre la menace mondiale de la criminalité transnationale organisée?

Yury Fedotov : Une des réussites actuelles est cet esprit de coopération. Par ailleurs, les deux commissions qui fournissent des orientations à l’ONUDC - la Commission des stupéfiants et la Commission sur la prévention de la criminalité et la justice pénale, adoptent des décisions et des résolutions fondamentales par consensus, ce qui démontre la consolidation des positions des États membres. Et comme je l’ai mentionné la traite des êtres humains. Je pense qu’il est bon de vous donner un exemple. Avant la Convention de Palerme, ce crime n’a pas été défini dans les législations nationales à travers le monde. Il n’existait pas. Il n’était pas défini comme un des crimes les plus graves. Maintenant, après la Convention de Palerme et le Protocole contre la traite des personnes, seulement 5% des États membres n’ont pas encore adopté des lois nationales criminalisant la traite des personnes.

Centre d’actualités de l’ONU : Quels types d’approches doivent être pris pour prévenir et répondre adéquatement aux nouvelles formes de criminalité transnationale?

Yury Fedotov : Nous avons besoin d’une réponse globale. Nous avons besoin d’un partenariat et d’une coopération étroite au sein de la famille des Nations Unies. Nous pouvons obtenir des résultats si nous agissons ensemble, il n’y a pas de doute, parce que bien souvent une agence comme l’ONUDC par exemple n’est pas en mesure de résoudre ces problèmes car ils sont liés au développement durable, à l’amélioration de la qualité de vie, à la construction d’infrastructures, à la création d’emplois, à la création d’un meilleur climat social dans les sociétés, à la garantie de services publics comme la santé, l’éducation et ainsi de suite. Donc, nous ne pouvons réussir que si nous combinons nos efforts.

Saisie d’héroïne. Photo: ONUDC

Centre d’actualités de l’ONU : Étant donné le caractère transnational de nombreux crimes, la coopération internationale en matière de prévention et de lutte contre la criminalité est importante. Dans quelle mesure la coopération internationale dans le domaine de la prévention de la criminalité fonctionne-t-elle vraiment? Que peut-on faire pour améliorer la coopération internationale?

Yury Fedotov : Nous devons faire davantage pour encourager les États membres à renforcer cette coopération. Dans certains cas, cela fonctionne; dans d’autres, ce n’est pas le cas et il y a beaucoup de méfiance mutuelle et de procédures bureaucratiques qui doivent être surmontées. Si nous avons besoin d’agir en tant que communauté internationale, nous devons être guidés par les mêmes principes. Ces principes sont inscrits dans les instruments internationaux que j’ai mentionnés. Nous devons renforcer cette coopération et l’ONUDC travaille avec les États membres. Nous avons plus de 60 bureaux dans le monde entier. L’un des objectifs de nos programmes thématiques, régionaux et nationaux est de renforcer cet esprit de coopération internationale et de réussir.

Un exemple est le programme mondial de contrôle des conteneurs qui aide à protéger les gens contre le trafic illicite utilisant des conteneurs commerciaux. Chaque année, il y a 500 millions de conteneurs en circulation à travers le monde et seulement 3% d’entre eux sont inspectés. Nous avons donc besoin de développer des compétences et nous le faisons. Nous agissons conjointement avec l’Organisation mondiale des douanes. Un autre succès pourrait être ce programme de lutte contre la piraterie au large des côtes de la Somalie, où nous aidons les systèmes de justice pénale en Somalie, mais aussi dans les pays voisins en Afrique, où nous renforçons les capacités, notamment en construisant des prisons et des salles d’audience. Nous avons réussi à aider à mettre plus d’un millier de pirates en prison.

Centre d’actualités de l’ONU : Qu’espérez-vous comme résultat au Congrès contre le crime?

Yury Fedotov : Ce Congrès contre le crime adoptera une déclaration - un document politique qui met l’accent sur des aspects importants de la lutte contre la criminalité transnationale organisée et sur le renforcement des systèmes de justice pénale et la prévention du crime. Cette déclaration sera ensuite traduite sous forme de résolutions, de décisions et d’autres mesures par d’autres organes des Nations Unies, tels que la Commission de la criminalité qui se réunira en mai à Vienne. Et bien sûr, le message sera envoyé en tant que contribution au sommet sur les objectifs de développement durable à New York en septembre.



News Tracker: autres dépêches sur la question

La Commission de l'ONU sur les stupéfiants s'ouvre à Vienne