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Entretien avec la Haut-Commissaire sortante des Nations Unies aux droits de l’homme, Navi Pillay

La Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Navi Pillay. Photo : ONU.

5 septembre 2014 – En tant que Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Navanethem (Navi) Pillay a passé les six dernières années à la tête des efforts de l’Organisation pour protéger et promouvoir les droits fondamentaux de chacun. En tant que membre d’une minorité non-blanche de l’époque de l’apartheid en Afrique du Sud, et en tant qu’avocate ayant assuré la défense de nombreux militants anti-apartheid, Mme Pillay a une expérience personnelle directe de la plupart des questions qu’elle a couvert.

En 1995, après la fin de l’apartheid, Mme Pillay a été nommée juge de la Haute Cour d’Afrique du Sud, et la même année, elle a été nommée par l’Assemblée générale des Nations Unies en tant que juge au Tribunal pénal international pour le Rwanda, où elle a servi huit ans, les quatre derniers en tant que Présidente de la cour. Elle a joué un rôle essentiel dans la jurisprudence novatrice du Tribunal sur le viol comme crime de guerre, ainsi que sur les questions de la liberté d’expression et de l’incitation à la haine. Par la suite, elle a servi comme juge à la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye pendant cinq ans.

En Afrique du Sud, Mme Pillay a œuvré pour assurer l’inclusAucun État ne peut prétendre avoir un bilan des droits de l’homme parfait. Il y a des problèmes et des préoccupations dans tous les pays du monde.ion de la clause d’égalité dans la Constitution qui interdit la discrimination fondée sur la race, le sexe, la religion et l’orientation sexuelle. Elle a été parmi les fondateurs de l’organisation féminine internationale « Egalité Maintenant », et elle a travaillé avec d’autres organisations dans les domaines des droits des enfants, des personnes détenues, des victimes de torture et de la violence domestique, et d’une panoplie de droits économiques, sociaux et culturels.

Dans un entretien accordé au Centre d’actualités de l’ONU juste avant la fin de son mandat le 31 août, Mme Pillay s’exprime sur son travail à la tête du Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) et sur les défis auxquels fait face la communauté internationale aujourd’hui.

Centre d’actualités de l’ONU : Quelle sont les dossiers qui vous ont empêché de dormir la nuit au cours des six dernières années?

Navi Pillay : J’ai assez bien dormi pendant cinq ans, mais les conflits actuels dans 12 ou 13 États, avec de nombreuses victimes civiles, des morts, des blessés et le recrutement d’enfants me tiennent vraiment éveillé la nuit. Et ce qui me touche particulièrement, c’est quand les enfants sont tués et blessés. Ils sont des victimes totalement innocentes des guerres et conflits. Personne ne peut prétendre qu’ils sont des combattants. Cela est particulièrement troublant pour moi.

Centre d’actualités de l’ONU : Quels sont les moments forts de votre mandat? Y-a-t-il quelque chose que vous auriez pu faire différemment?

Navi Pillay : J’aurais aimé faire beaucoup plus pour prévenir les conflits si j’avais pu. J’ai visité de nombreux pays, entre 50 et 60. Il y avait toujours un certain avantage à se déplacer en personne, pour parler aux représentants de la société civile dans ces pays, aux chefs d’Etats et de gouvernements et aux différents ministres, et pour offrir une assistance et notre expertise dans le domaine de la lutte contre les violations des droits de l’homme, de la réforme judiciaire, de la formation des fonctionnaires de justice et de l’application des lois et pour adopter une approche fondée sur les droits de l’homme.

Mme Pillay et le Conseiller spécial de l’ONU sur la prévention du génocide, Adama Dieng, rencontrent l’ancien Vice-président du Soudan du Sud lors d’une mission dans ce pays en avril 2014 pour évaluer la situation. Photo : ONU/Isaac Billy.

Nous pourrions faire beaucoup plus dans ce domaine puisque nous avons constaté que ce travail porte des fruits. Je suis très fière que nous ayons abordé toutes ces questions et défendu les droits de toutes les personnes. Nous avons abordé toutes formes de discrimination, y compris celles qui n’avaient jamais été traitées auparavant, telles que les discriminations visant les minorités, les migrants, les personnes LGBT, la discrimination fondée sur la caste et celle contre les personnes atteintes d’albinisme.

Mon bureau a également abordé les questions des droits civils et politiques, qui sont les libertés fondamentales d’expression et de réunion, le droit de manifester, l’interdiction de la torture et des disparitions forcées, ainsi que les droits économiques et sociaux. Cela nous a permis d’inscrire les droits de l’homme dans les objectifs de développement durable et dans le programme de développement pour l’après-2015.

Je suis également très heureuse que tous nos efforts aient abouti à l’approbation par le Secrétaire général de la politique des « droits avant tout » et cela signifie que chaque département et chaque agence de l’ONU, quels que soient leurs mandats, s’engagent à promouvoir la protection des droits de l’homme. Donc, tant au siège de l’ONU que sur le terrain nous mettons en œuvre les normes des droits de l’homme.

Le Secrétaire général Ban Ki-moon avec Mme Pillay lors de la 25è session du Conseil des droits de l’homme en mars 2014. Photo : ONU

Centre d’actualités de l’ONU : Diriez-vous que la situation générale des droits de l’homme s’est améliorée ou détériorée au cours des dernières années?

Navi Pillay : Il est difficile de dire que la situation se soit améliorée en raison des conflits en Syrie, en Afghanistan, en Ukraine, au Soudan du Sud, au Soudan, en République centrafricaine, en Iraq, et bien sûr à Gaza, dans le territoire palestinien occupé – avec le grand nombre de personnes tuées. Ce sont des conflits qui s’enlisent et il est difficile de dire qu’il y a eu beaucoup d’amélioration.

La Haut-Commissaire visite une école de l’ONU à Gaza. Photo : ONU/Shareef Sarhan.

Mais je mesure les implications à long terme de notre travail et je regarde les 180 autres pays qui se sont engagés à respecter leurs obligations internationales, dont les traités qu’ils ont signés, sur prévention de la torture, la lutte contre la discrimination contre les femmes, ou la lutte contre la discrimination sur la base de la race ou de la religion.

De nombreux pays ont progressé. Donc, je pense que nous avons maintenant des institutions capables de réagir à ces violations, d’aider les États et de renforcer la société civile. Ces institutions n’existaient pas avant. Par exemple, depuis le procès de Nuremberg, nous n’avons jamais eu de système de justice pénale internationale. Après les deux tribunaux ad hoc pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda, nous avons maintenant la première Cour pénale permanente du monde. Il y a 20 ans, grâce à l’action de la société civile, l’Assemblée générale a créé le Haut-Commissariat aux droits de l’homme.

J’ai pu donc voir ce qui a été fait en 20 ans, non seulement par mon bureau, mais par le Conseil des droits de l’homme, qui traite la situation des droits de l’homme dans le monde par le système d’examen périodique universel de chaque pays. À ce jour, 100% des pays participent à ce programme. Nous avons également 52 experts indépendants nommés par le Conseil des droits de l’homme qui font des recommandations, en collaboration avec les organismes de traités. Ce sont des mécanismes de très grande importance qui travaillent avec les États pour améliorer les droits humains. Ce sont des initiatives mondiales et je suis heureuse qu’elles soient en place.

Mme Pillay avec la journaliste de télévision Ghida Fakhry lors de la célébration à Genève de la Journée des droits de l’homme en décembre 2013. Photo : Violaine Martin.

Centre d’actualités de l’ONU : Les gouvernements nationaux ont-ils apporté des contributions ou érigé des obstacles à votre mission?

Navi Pillay : Je dirais que les gouvernements nationaux ont soutenu le mandat du Haut-Commissariat aux droits de l’homme. Je leur rappelle souvent : « vous avez été favorables à la création de ce mandat, qui me donne l’occasion de soulever des questions d’intérêt avec vous ». Il peut y avoir des cas où des obstacles sont dressés, en m’interdisant par exemple l’accès dans un pays ou en interdisant l’accès aux commissions d’enquête. Il est important que les pays restent ouverts. Quand nous trouvons des preuves sur le terrain, nous les portons à l’attention des gouvernements. Ce que nous faisons réellement est de les alerter sur les causes et les préoccupations qui peuvent mener à des conflits. Nous les encourageons à les résoudre de façon préventive. Donc, je pense qu’il est dommage que je ne sois pas allé dans tous les pays du monde. J’aurais aimé faire cela, mais cela était impossible en raison du temps et certains pays n’ont tout simplement pas répondu à mes demandes de visites.

Centre d’actualités de l’ONU : Y-a-t-il des conseils particuliers que vous souhaitez donner votre successeur?

Navi Pillay : Tout d’abord je voudrais dire à mon successeur [Zeid Ra’ad Zeid Al-Hussein de Jordanie] que le Haut-Commissaire ne peut pas mener à bien le mandat seul. Il faut l’appui du Haut-Commissariat dans son ensemble, qui est composé d’experts, des personnes ayant une grande expérience et un engagement très fort. Je voudrais vraiment rendre hommage au bureau dans son ensemble. De nombreux États ont félicité et remercié les experts pour être allés sur le terrain, pour avoir apporté leur aide dans les ateliers de formation, pour avoir aidé à réformer les lois et à élaborer les Constitutions. Ils font un travail qui sera bénéfique à long terme. Donc, je dirai à mon successeur de reconnaître la valeur du Haut-Commissariat.

Deuxièmement, je voudrais lui dire que nous, le Haut-Commissariat, nous ne pouvons pas nous occuper ou assurer la protection et la promotion des droits de l’homme de tous les citoyens du monde, sans une étroite collaboration avec la société civile. Pour cela, nous devons aussi travailler avec les ONG et les renforcer.

Un troisième facteur est de diffuser les messages et l’information sur les normes des droits de l’homme. Nos messages sont repris par des millions de personnes partout dans le monde, en particulier sur les médias sociaux. Certains messages peuvent être simplement des extraits sonores, mais ils permettent aux gens de prendre conscience de leurs droits. Les gens qui manifestent ou qui occupent les rues dans des manifestations dans les villes sont désormais à la recherche d’informations sur leurs droits afin de pouvoir s’exprimer et pousser leurs gouvernements ou les institutions privées telles que les banques à agir de façon plus responsable. Les gens veulent avoir leur mot à dire dans la prise de décision et dans la mise en place des politiques qui les concernent. Voici mes messages à mon successeur. Mais puisque je le connais très bien, je pense qu’il le sait déjà.

Mme Pillay lors d’une conférence de presse à Genève en décembre 2013. Photo : ONU.

Centre d’actualités de l’ONU : Vous avez grandi en Afrique du Sud à l’époque de l’apartheid. Que pensez-vous des incidents tels que la récente fusillade d’un jeune homme noir par un policier blanc à Ferguson au Missouri aux États-Unis?

Navi Pillay : Lorsque je regarde les images de télévision, cela me rappelait des policiers blancs qui tirent sur des manifestants noirs, tel que cela se passait en l’Afrique du Sud sous l’apartheid. Mais vous savez que l’apartheid est un système qui est légitimé par la loi. C’est pourquoi tout le monde trouve cela scandaleux. Le racisme est institutionnalisé dans la loi. Ce n’est pas le cas dans le Missouri, ni ailleurs aux Etats-Unis.

Ceci dit, il me semble que le problème de la pratique de l’apartheid doit être traité et il ne faut pas fermer les yeux sur le fait que les plus vulnérables, les plus exposés à la violence et à la brutalité sont des gens de couleur. Les Noirs sont surreprésentés dans les prisons aux Etats-Unis. Je dirais que les leçons à retenir des évènements au Missouri sont que les causes profondes des problèmes qui marginalisent les Noirs pauvres, la discrimination et les différences dans l’application de la loi doivent être examinées et corrigées.

Centre d’actualités de l’ONU : Avec autant de crises dans le monde aujourd’hui, peut-on dire que les violations des droits de l’homme sont pires dans une crise plutôt qu’une autre?

Navi Pillay : Aucun État ne peut prétendre avoir un bilan des droits de l’homme parfait. Il y a des problèmes et des préoccupations dans tous les pays du monde. Certains peuvent être très graves comme en Syrie, où nous avons maintenant recensé plus de 191.000 morts - des combattants et des civils. Un grand nombre d’enfants et de femmes ont été tués à Gaza ou en Syrie. La violence sexuelle est maintenant utilisée comme arme de guerre dans les situations de conflit. Évidemment, il y a plus de violations dans certains pays en termes du nombre de personnes qui souffrent. En même temps, si une personne est victime de violence conjugale dans un pays, pour cette personne, il s’agit d’une violation grave. Pour un migrant ou un Rom en Europe, qui est victime de discrimination, en l’empêchant d’envoyer son enfant à l’école, c’est un problème important pour lui. Donc, je ne fais pas de barème des droits de l’homme en disant qu’une violation est pire qu’une autre. Chaque pays doit faire face à des pproblèmes à l’échelle nationale et aussi faire attention aux questions qui touchent le monde entier.

La Haut-Commissaire avec des responsables de peuples autochtones lors d’une réunion au Guatemala. Photo : HCDH/R. Alfaro.

Centre d’actualités de l’ONU : Vous avez parlé de l’importance de l’alerte précoce dans la prévention des atrocités. Pensez-vous qu’il y avait des signes qui aurait pu nous prévenir des violations horribles des droits de l’homme qui ont lieu actuellement en Iraq?

Navi Pillay : Il y avait des signes, qui ont été relayés dans les rapports que mon bureau ont préparés et remis au Conseil des droits de l’homme. Il y a également eu des rapports de la Mission de l’ONU en Iraq. Les rapports de la Commission d’enquête sur la Syrie a documenté, par exemple, que le groupe terroriste l’Etat islamique d’Iraq et du Levant (EIIL) qui a combattu en Syrie et commis beaucoup de crimes et de violations des droits humains – est maintenant actif en Iraq. Donc, nous avons suivi cela. Nous avons suivi le fait que les populations sunnites dans le nord ont été exclues de toutes formes de prise de décision et se sont plaintes de violations des droits humains contre elles. Le grand nombre de condamnations à mort récemment en Iraq pour des activités politiques ou d’autres activités. Ce sont des questions dont nous avons dit qu’elles risquaient de mener à des conflits graves.

Le camp de déplacés de Baharka, au nord de la ville de Erbil, en Iraq, où des milliers de personnes déplacées sont hébergées après avoir fui l’avancée du groupe terroriste EIIL. Photo : IRIN/Emma Beals.

Centre d’actualités de l’ONU : Avec toutes les conventions relatives aux droits de l’homme qui existent, qu’est ce qui peut être fait pour s’assurer que les États les respectent effectivement?

Navi Pillay : Tout d’abord, ce sont des conventions de très grande importance et la société civile a lutté pour obtenir l’adoption de ces conventions. Il y en a 10, la plus récente étant la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Ce sont les États qui ont établi ces organes. Il est important qu’ils signalent les progrès qu’ils ont accomplis dans l’application des conventions. Les États ont accumulé un retard considérable concernant les rapports dus à ces organes.

Les États qui ont signé ces traités ont la volonté politique de les mettre en œuvre. Parfois, ils se plaignent d’être surchargés par les rapports à rédiger. Et c’est là qu’intervient mon bureau. Nous nous sommes engagés à les aider en renforçant les capacités et avec des ressources pour respecter leurs obligations. De nombreux États n’ont cependant pas ratifié les conventions. Un exemple important est la Convention sur les droits des travailleurs migrants et de leurs familles, qui a été élaborée il y a plus de 20 ans, mais ratifiée par seulement 46 États. Une partie de mon travail consiste à demander aux États de ratifier ces conventions. S’ils signent par exemple la Convention contre la torture, nous les exhortons à mettre en place un mécanisme qui va sérieusement la mettre en œuvre et conduire à réduire les actes de torture.

Centre d’actualités de l’ONU : Malgré la mise en place de tribunaux, tels que ceux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda, des crimes graves continuent d’être commis. Ces tribunaux ont-ils été efficaces pour dissuader les atrocités et pour assurer la justice?

Navi Pillay : Les tribunaux sont relativement nouveaux. Il est important qu’ils existent il est nécessaire d’assurer que les auteurs de crimes graves soient tenus responsables, et il faut combattre l’impunité. Aucun État dans le monde ne soutient l’impunité pour les crimes graves. Ils acceptent tous ce principe. C’est pourquoi il existe dans chaque pays des systèmes de justice pour inculper et juger ceux qui ont commis des crimes tels que les meurtres ou des agressions. Ces systèmes de justice nationaux n’ont cependant pas empêché que des meurtres ou des agressions soient commis. Il est utile d’avoir un système de justice national notamment pour garantir que le principe de responsabilité soit respecté.

Les tribunaux internationaux ont juste commencé à travailler. Je sais que le TPIY et le TPIR ont été établis il y a près de 20 ans maintenant. Et s’agissant des conflits actuels, il est normal de se poser la question si ces tribunaux sont dissuasifs. Mais nous en avons besoin et ils ont permis de juger les principaux responsables des crimes graves tels que les crimes contre l’humanité et les génocides. Donc, je pense qu’il faut donner une chance à ces mécanismes. J’appelle la communauté internationale à veiller à ce qu’ils soient correctement financés. La CPI conduit de nombreuses enquêtes. Il est important que le Procureur ait les moyens de mener les enquêtes et d’inculper les auteurs de crimes.

Ban Ki-moon remercie Mme Pillay à l’occasion de la fin de son mandat. Photo : ONU.

Centre d’actualités de l’ONU : Vous avez été la première femme à ouvrir un cabinet d’avocats dans la province du Natal en Afrique du Sud en 1967. Pouvez-vous nous parler de cette expérience et comment vous avez réussi à surmonter les défis professionnels et personnels que vous avez rencontrés dans votre carrière?

Navi Pillay : Je tiens à dire tout d’abord qu’il y avait des milliers de gens comme moi sous le régime de l’apartheid en Afrique du Sud qui n’ont jamais accepté de se soumettre. Nous avons toujours cherché des opportunités. Les opportunités viennent lorsque les parents pauvres arrivent à offrir une éducation à leurs enfants, garçons et filles, parce que l’éducation ouvre les portes. Lorsque j’ai terminé ma formation d’avocate avec deux diplômes, ce qui a été possible seulement parce que j’ai bénéficié du soutien financier de ma communauté pour aller à l’université - j’ai compris que je devais surmonter les obstacles de la discrimination. En tant que personne de couleur, les cabinets blancs refusaient de m’embaucher. Ils disaient qu’un secrétaire blanc ne pouvait pas recevoir des instructions d’une personne noire. Et certains avocats refusaient également d’embaucher une femme. À cela s’ajoutait la discrimination sociale, de classe. C’est pourquoi j’ai commencé mon propre cabinet. Je n’avais pas le choix. Et puis il fallait le faire fonctionner. À chaque étape du chemin, avec mes collaborateurs, nous nous sommes battus devant les tribunaux pour essayer d’établir nos droits. Nous avons gagné un peu. Nous avons perdu la plupart des cas jugés en vertu de la loi antiterroriste, parce que c’était une loi tyrannique où le fardeau de la preuve était placé sur l’accusé qui devait prouver son innocence. C’est donc en se battant et en gagnant des batailles à chaque étape du chemin que les Sud-Africains ont appris la résilience, à surmonter les défis et à célébrer les petites victoires.

Centre d’actualités de l’ONU : Pouvez-vous partager certaines de vos plans pour l’avenir?

Navi Pillay : Je réalise que cela fait 50 ans que je travaille sans relâche, donc je ne vois pas pourquoi je ferai des plans pour travailler plus longtemps. J’ai l’intention de retourner dans ma ville, Durban, en Afrique du Sud. Je demeurerai toujours un défenseur des droits de l’homme et continuerai de me préoccuper des violations des droits de l’homme partout dans le monde. Je ferai entendre ma voix autant que je peux mais en dehors d’une position formelle.