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29.03.2012 - Le Courrier de l'UNESCO

Des sciences sociales sous pression

Dans un rapport rendu public le 28 mars 2012, le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC) presse le monde de s'appuyer sur l'ensemble des connaissances pour affronter les risques avérés liés au changement climatique

En circulant de séance en séance au colloque « Planète sous pression », qui se tient à Londres (Royaume-Uni), du 27 au 29 mars 2012, on se rend vite compte d’une chose. Personne ou presque ne conteste que les sciences sociales aient un rôle essentiel à jouer dans la compréhension des processus planétaires et dans l’élaboration d’un fondement pour le développement durable.

Les systèmes planétaires sont des systèmes sociaux et humains. On ne peut ni les comprendre, ni a fortiori les orienter, avec des méthodes exclusivement physiques et biologiques.

Le débat est-il pour autant clos ? Non, tant s’en faut.

Deux défis essentiels se font jour.

Tout d’abord, les nouvelles connexions qui émergent au sein des sciences reposent encore sur des malentendus. Le plus important est que, pour nombre de praticiens des sciences naturelles, il s’agit, en appelant les sciences sociales à rejoindre une science intégrée, moins de comprendre des socio-écosystèmes complexes que de faire passer des messages.

En effet, la frustration constitue un thème important et transversal du colloque. Frustration que des connaissances scientifiques bien fondées ne soient pas assez reconnues dans le débat public, voire soient déconsidérées. Frustration qu’on ne sache pas impulser les changements politiques et sociaux qui seraient nécessaires. Frustration que la plupart des gens ne semblent pas encore « capter » à quel point la planète est sous pression.

Si l’on fait appel aux sciences sociales, c’est très souvent pour gérer cette frustration, en permettant aux scientifiques de mieux comprendre comment surmonter les résistances que rencontre la science, et ainsi de faire advenir des changements profonds. De plus en plus, on mobilise également les sciences humaines dans les mêmes débats – comme si l’œuvre d’imagination qu’elles promeuvent serait sans effet sur les savoirs auxquels elle se rapporte.

Pour le dire très simplement, c’est principalement en termes de résolution de problèmes qu’on réfléchit encore à notre planète sous pression. On ne reconnaît pas assez que le développement durable ne correspond pas à un ensemble de problèmes à résoudre, mais à une condition pérenne avec laquelle il faudra apprendre à vivre. Et ce alors qu'au moment même où se tient la conférence londonienne, le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC) rend public un rapport qui presse le monde de s'appuyer sur l'ensemble des connaissances pour affronter les risques avérés liés au changement climatique  et accroître la résilience des personnes exposées à des phénomènes extrêmes.

Pour les sciences sociales, il importe donc non seulement de participer à la science intégrée, mais aussi d’en définir les contours.

Ensuite, même une fois qu’on a clarifié le rôle nécessaire des sciences sociales, sont-elles vraiment outillés pour le jouer ? Dans les sciences sociales, aujourd’hui, les approches systémiques ne sont pas très à la mode. Pas plus que les techniques mathématiques, les simulations numériques ou les expériences contrôlées – sauf en économie et en psychologie. Pourtant, ce sont notamment ces méthodes que la science intégrée exigera – parce que les participants auront besoin d’un langage commun, et parce qu’il s’agira d’étudier, précisément, des systèmes.

Est-ce que, pour être admis à la fête, les sciences sociales devront donc laisser au vestiaire tout ce qui fait leur spécificité ?

Pour participer pleinement à la science intégrée, il faudra répondre de manière convaincante, et par la négative, à cette question. Voilà qui met sous pression les sciences sociales, qui devront s’organiser pour réagir. Mais nous ne manquons pas d’idées à cet égard – et notre planète sous pression n’en exige pas moins.

John Crowley, Chef de l’équipe en charge des Dimensions sociales du changement climatique à l’UNESCO

 




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