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Environnement et développement
dans les régions côtières et les petites îles
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Dossiers régions côtières et petites îles 2

ANNEXE 1

Gestion intégrée des côtes (GIC)

DOCUMENT DE DISCUSSION PAR CHRIS NINNES

Introduction

Ce document décrit les grandes lignes des stratégies et des méthodes fondamentales servant à organiser la gestion des ressources naturelles dans les zones côtières. Il énumère les principales activités économiques des zones côtières où se pratique l’exploitation des ressources naturelles vivantes et non vivantes, et suggère des moyens d’organiser leur gestion selon une approche globale.

En matière de gestion de la zone côtière, il importe de reconnaître à quel point les activités d’un secteur d’activité ou d’une partie de la région affectent celles d’un autre secteur ou d’une autre région. La mer subit les contre-coups des activités effectuées sur la terre, telles que la pénétration des eaux d’égouts dans les cours d’eau, le lessivage des nutriments contenus dans les fertilisants et la surcharge sédimentaire des rivières due au déboisement. En sens inverse, la mer affecte aussi sérieusement la zone côtière. Les tempêtes, les inondations qui les accompagnent et la pollution par le pétrole qui envahit la zone côtière, ont des effets dévastateurs. Les défenses naturelles (plages, mangroves et récifs coralliens) sont très efficaces pour réduire l’effet des tempêtes et l’érosion des plages.

Quant aux relations réciproques entre les événements d’un secteur d’activité et leurs répercussions sur les autres, elles sont plus subtiles. Il se peut que le déboisement de l’arrière-pays n’ait pas d’effets notables sur les processus côtiers, mais le déboisement de la partie supérieure des versants met à découvert des sols plus fragiles, sujets à l’érosion et accélère la progression des eaux de pluie jusqu’à la côte. Deux effets se conjuguent : érosion accrue et moindre rétention de l’eau (pour l’agriculture et pour la consommation par l’homme). La réduction du couvert forestier peut aussi avoir une répercussion directe sur les précipitations en réduisant l’interception de la nébulosité, ainsi que la turbulence de l’air qui facilite les précipitations. L’exploitation non durable des forêts entraîne une baisse de l’activité économique et la migration de main-d’oeuvre vers d’autres régions, soit vers la zone côtière, soit vers les villes, d’où l’augmentation des pressions exercées sur d’autres ressources et les problèmes sociaux de surpopulation des villes.

La zone côtière – thèmes et problèmes

La zone côtière peut se définir comme étant la partie située à la frontière entre la terre et la mer, pouvant s’étendre, vers l’intérieur des terres et vers la mer, dans des limites qui varient avec les objectifs et les nécessités du programme envisagé. Dans le cas du projet pilote en question, la limite en mer va jusqu’au rebord de la pente continentale, où l’eau devient trop profonde pour la pêche artisanale (c’est-à-dire à l’exclusion de la pêche industrielle de haute mer, à grande échelle, recherchant des espèces péla giques et démersales) et la limite terrestre englobe les bassins-versants.

Si les zones côtières doivent rester productives, il faut les gérer de façon globale. Pour cela un programme de gestion multi-sectorielle doit être élaboré de façon à y intéresser toutes les parties prenantes et toutes les agences gouvernementales concernées. On ne saurait trop insister sur la nécessité d’obtenir le concours de tous pour la conception et la mise en place des dispositions de la gestion.

Voici les principaux usages de la zone côtière, qui soulignent la nécessité d’un cadre de gestion intégrée :

Gestion des côtes à Haïti

Il existe plusieurs types d’actions pour contribuer directement à améliorer la situation socio-économique de la population et à garantir un développement globalement durable d’Haïti, si on les met en oeuvre efficacement. Il s’agit de (sans ordre particulier) :

Pour mettre en oeuvre la gestion des ressources côtières, il faut engager plusieurs actions au niveau national :

Les programmes de GIC portent sur la gestion des processus du développement physique et utilisent les méthodes de la planification et les règlements administratifs. Les planificateurs du développement doivent tout spécialement comprendre que toute modification de la zone côtière peut avoir des répercussions indésirables sur l’ensemble de la zone (marine et terrestre).

La gestion des ressources (pêche, agriculture, etc.) a déjà été confiée à divers organismes, il est inutile d’en changer. La GIC devrait plutôt être perçue comme un processus pluri-sectoriel destiné à améliorer la planification du développement et la gestion des ressources par l’intégration des activités, la coopération et la coordination.

Dans la zone du projet pilote, la gestion des côtes doit résoudre deux problèmes spécifiques : la communauté des biens et les ressources en libre disposition, qui entraînent la surexploitation. En effet, les mesures d’incitation à l’exploitation durable sont mises à mal car :

Une utilisation durable suppose qu’une ressource ne sera pas moissonnée, extraite ou utilisée au-delà de la quantité qui peut se régénérer. La ressource devrait être considérée en fait comme un investissement en capital, qui produit un rapport annuel. C’est ce produit qui peut être utilisé et non le capital. Ce dernier est la base de la ressource, dont la pérennité assure des rentrées annuelles.

Les habitats menacés d’extinction et leur gestion

Les ressources en propriété collective qui devront être gérées dans le cadre du projet pilote sont les pêcheries et les forêts. Ces deux domaines abritent plusieurs habitats en situation critique, qui réclament un soin particulier, du fait de leur importance. Ce sont :

La forêt d’altitude

La forte pluviosité et l’escarpement des versants font que le déboisement aggrave encore l’érosion. Les habitats de cette forêt jouent par ailleurs un rôle capital en interceptant la nébulosité, autre source non négligeable d’eau. Ils sont si importants qu’il est indispensable de prévoir immédiatement leur restauration par un plan de reboisement intensif. Dans l’idéal, leur gestion devrait en limiter l’exploitation.

La forêt de moyenne altitude

Il convient d’entretenir et de favoriser la végétation de cette zone mais elle devrait être gérée, à l’avenir, en mode d’exploitation durable, c’est-à-dire en tenant compte des besoins de combustible, de construction, de fabrication de meubles et autres usages commerciaux.

La forêt de mangroves

Les mangroves jouent un rôle déterminant par la production de feuilles mortes et de détritus qui enrichissent le milieu marin en carbone. Elles fournissent aussi un habitat pour les stades juvéniles de plusieurs espèces commerciales (poissons, crabes et homards), des aires de nidification pour les oiseaux et des surfaces d’affouillement pour des juvéniles et des espèces qui se nourrissent dans les vasières intertidales. Ce sont aussi d’excellents amortisseurs des vagues de tempête et des stabilisateurs du rivage. Dans la zone d’étude, les mangroves ont une croissance réduite (surtout par absence d’estuaires) et jouent un rôle moindre que dans d’autres régions. Elles protègent toutefois le rivage et c’est peut-être pourquoi on en trouve encore au bord de quelques-unes des régions côtières cultivées de façon plus intensive. Les gestionnaires devront s’efforcer de prévenir leur suppression et, si possible, de replanter les zones dépouillées.

Les herbiers de phanérogames

On les trouve dans les eaux peu profondes. Ce sont des formations très productives en raison à la fois de leur propre croissance et des nombreux épiphytes qui leur sont associés. Les herbiers de phanérogames jouent un rôle écologique éminent en fournissant une masse considérable d’aliments, d’éléments nutritifs et d’habitats. Ils abritent un biotope diversifié et sont un lieu de reproduction et de développement de juvéniles. Ils servent aussi à piéger et à retenir les sédiments mais ils ne résistent pas à un excès de turbidité et de pollution. Dans la zone d’étude, les habitats d’herbiers proches du rivage sont gravement menacés par la sédimentation et leur gestion future consistera , dans une large mesure, à combattre ce phénomène.

Les récifs coralliens

Ils font aussi partie des systèmes les plus productifs du monde, essentiellement par leur capacité de s’accommoder des ressources très limitées contenues dans les eaux environnantes et de recycler dans le système leurs productions. Les récifs coralliens ont une forte valeur économique : ils constituent des habitats et des ressources importantes pour les pêcheries, soutiennent l’industrie touristique, servent de barrière naturelle contre les vagues de tempête et fournissent des matériaux aux plages. Leurs ennemis sont les excès de la pêche, la sédimentation, la pollution, les arrivées massives d’eau douce, les dommages physiques (tourisme et ouragans) et l’eutrophisation (égouts et effluents agricoles). Les récifs coralliens ne sont pas très bien représentés sur le rivage de la zone d’étude bien que plus denses aux îles des Arcadins. Les récifs qui ont été observés montraient de sérieux dommages dûs à la sédimentation et l’on en a vu mourir un certain nombre. Ils se caractérisaient aussi par une absence presque complète de poissons comestibles. Leur gestion devra s’attacher à réduire le stress provoqué par la sédimentation et à améliorer le régime des pêches.

Classement des habitats marins dans la zone du projet pilote

Il faudra explorer les possibilités de l’imagerie satellitaire pour établir un inventaire cartographique des ressources de la zone étudiée. Les satellites recueillent des données en mesurant le rayonnement électro-magnétique. Lorsque ce rayonnement (produit par le soleil, le radar ou le laser) touche la surface de la terre, une certaine quantité de son énergie est réfléchie. Les surfaces elles-mêmes émettent aussi un rayonnement, surtout sous forme de chaleur (rayons infra-rouges). Le rayon réfléchi et le rayon émis sont enregistrés soit sur pellicule photographique soit par des capteurs digitaux, fixés sur un satellite ou un avion. Étant donné que l’intensité et la longueur d’onde de ce rayonnement sont fonction de la nature de la surface, chaque surface est caractérisée par sa "signature spectrale". Si un capteur est capable de distinguer des signatures spectrales différentes, il est possible de cartographier les contours des surfaces correspondantes.

Malheureusement, telles qu’elles sont produites par les satellites, les données ne sont pas fournies avec des étiquettes indiquant que ceci est un récif corallien et cela une forêt pluviale. En fait, les données digitales doivent être d’abord étalonnées grâce aux données recueillies au sol, décrivant les habitats spécifiques. En analysant par ordinateur les données numériques du satellite, l’informaticien devra intégrer les données de terrain, laissant l’ordinateur reconnaître toutes les autres zones portant la même signature spectrale.

Avant ce séminaire, l’auteur du présent document a effectué des travaux de terrain (avec Jean Wiener) pour relever des données servant à classer les habitats marins. Trois zones de mangroves et 19 zones marines (couvrant de 2 à 45 m2 ) ont été reconnues.

Télédétection et gestion des côtes

Les aspects des côtes qui intéressent le gestionnaire sont souvent repérables dans les images satellitaires. On peut en déduire, par exemple, des informations sur la distribution spatiale des différents habitats (végétation immergée et terrestre), paramètres écologiques (herbiers vivants de phanérogames, indice des zones de feuillage de mangroves), l'évolution de ces habitats et de leurs paramètres et une idée approximative de la bathymétrie.

Images obtenues par satellite au-dessus du golfe de la Gonâve, tirées d'un rapport (octobre 1996) du Centre d'étude de la gestion des côtes tropicales, de l'Université de Newcastle-upon-Tyne, au Royaume-Uni. Le rapport analyse la disponibilité et la pertinence de l'imagerie satellitaire (Landsat TM et SPOT XS) pour la gestion de la côte ouest d'Haïti.

Ces images ont été gracieusement offertes par l'auteur du rapport, le Dr. Edmund Green du Centre mondial de surveillance de la protection (ed.green@wcmc.org.uk), qui collabore à ces travaux. Pour connaître la documentation pertinente

Classement des données

Mangroves

Dans la zone de l’étude, les mangroves ne couvraient qu’une frange étroite, à cheval sur la zone intertidale. On n’y a observé que des variétés naines de l’espèce rouge, ce qui est normal dans un habitat essentiellement marin ; en l’absence d’eau douce les mangroves des Caraïbes atteignent rarement des hauteurs appréciables. C’est peut-être la faiblesse de leur hauteur et de leur densité qui limite leur intérêt commercial, en comparaison avec bien d’autres régions où elles servent de bois de construction, de combustible, etc. Elles jouent cependant un rôle important en stabilisant le rivage, surtout dans le cas des ondes de tempête.

Herbiers de phanérogames

Ils sont présents dans toute la zone d’étude. Le long de la côte, on ne les trouve que dans les eaux peu profondes (< 3 m), généralement en avant des zones de mangroves. C’est probablement la turbidité qui les empêche de coloniser les eaux plus profondes. Ces herbiers de faible profondeur sembleraient très affectés par la turbidité car ils sont recouverts d’une épaisse pellicule de sédiments. Dans les eaux plus profondes (jusqu’à 15 m), le benthos est dominé par des vases meubles et un assortiment d’algues calcicoles. Dans les eaux d’une profondeur supérieure à 12 m, la densité des algues était faible. Les fonds vaseux étaient caractérisés par de nombreuses traces (20/m2) de crustacés et polychètes fouisseurs. On a observé sur certains sites quelques squelettes d’éponges mortes ou mourantes.

Les herbiers de phanérogames étaient présents à des profondeurs légèrement supérieures autour des îles des Arcadins où les eaux sont plus transparentes. Ces herbiers étaient aussi peuplés, à des degrés divers, d’autres algues marines associées, qui devenaient prédominantes avec l’augmentation de la profondeur (< 18 m).

Récifs coralliens

Les récifs coralliens étaient peu représentés sur la côte de la grande île. Une seule petite colonie de coraux de faible profondeur (<  3 m) a été observée en eau très turbide. Le récif était couronné de diverses espèces de l’algue verte Caulerpa (qui préfère un substrat plus ferme) et les coraux durs encore vivants (des ordres de Milliporina et Scleractinia) présents étaient gravement stressés et/ou mourants sous la charge des sédiments. Curieusement, le récif comportait aussi quelques coraux mous (de l’ordre des Gorgones) ; il n’en a pas été observé ailleurs pendant cette phase des travaux de terrain.

Un petit récif frangeant a été examiné à Trou Forban, jusqu’à 45 m de profondeur. L’eau était très claire et le récif en excellent état.

Plusieurs autres récifs ont été examinés aux îles des Arcadins. Ils se trouvaient à des profondeurs maximales de 12 m ; les coraux durs et les algues y prédominaient.

Observations générales

Pendant tout le travail de classement, les habitats marins ont manifesté une absence presque totale d’espèces de poissons comestibles de moyenne à grande dimension. Pour beaucoup d’espèces (par exemple mérous et vivaneaux) il manquait même les juvéniles. Ceci indique clairement la surexploitation, et l’absence atypique de juvéniles suppose qu’il y a aussi une lacune dans le recrutement. Un homard solitaire a été observé à Trou Forban et six sur un petit récif au nord des Arcadins (quatre d’entre eux étaient des juvéniles immatures, longueur du céphalo-thorax = 35 mm). Les conques étaient en général absentes, sauf sur un site au sud des Arcadins, où quelques juvéniles ont pu être observés. Aucune conque mature n’a été observée.

Mis à part l’habitat d’eau peu profonde qui entoure les Arcadins et le récif frangeant de Trou Forban, nous n’avons vu aucun récif en bon état. En fait, il semble que l’ensemble de la zone de l’étude manque d’habitats récifaux.

Perspectives de développement et contributions à la gestion

Développement du tourisme

Vu la rareté des récifs coralliens et des gros poissons, on ne peut pas compter sur un afflux de touristes amateurs de plongée. Si les Caraïbes sont un lieu de prédilection pour les plongeurs, la zone d’étude ne saurait en rien rivaliser avec les autres lieux de villégiature (ni même peut-être avec d’autres parties d’Haïti qui n’ont pas encore été étudiées).

Gestion des pêcheries

La rareté des habitats recherchés par la plupart des espèces de poissons comestibles et par les homards (malgré l’abondance relative des herbiers de phanérogames servant généralement de réserve alimentaire, suggère bien qu’un habitat amélioré pourrait jouer un rôle important. Des récifs artificiels constitués de carrosseries de voitures et de camions pourraient améliorer sensiblement la production de poisson. Port-au-Prince dispose abondamment de ce genre de matériel, dont l’enlèvement serait, de plus, bénéfique pour l’esthétique, la santé et la circulation sur les routes. On pourrait aussi essayer avec quelque succès des habitats artificiels pour homards. Dans la mesure où les récifs artificiels créeraient des habitats supplémentaires, il serait possible d’inciter les pêcheurs à ne pas pêcher autour de certains récifs, qui deviendraient de petites zones protégées pour tenter de reconstituer les stocks. Cette question mérite réflexion.

M. Ninnes a été consultant de l’UNESCO à Haïti. Il a aussi collaboré avec le Centre d’étude de la gestion des côtes tropicales, de l’Université de Newcastle-upon-Tyne, au Royaume-Uni.

La CSI de l’UNESCO et le Centre de Newcastle travaillent ensemble à l’élaboration de matériel de formation concernant l’utilisation de l’imagerie satellitaire pour résoudre les problèmes côtiers. Le Centre prépare un manuel intitulé "Remote Sensing Handbook for Tropical Coastal Management " qui sera édité en 1998. Ces travaux s’appuient sur le logiciel WinBILKO de l’UNESCO, disponible avec les modules de formation à l’adresse suivante : http://www.ncl.ac.uk/~ntcmweb/bilko/bilko.htm

Le Centre de Newcastle effectue, en collaboration avec d’autres organismes, des recherches, financées par le Department for International Development (du Royaume-Uni) sur l’intérêt économique potentiel des technologies de la télédétection. L’accent est mis sur le développement de l’aménagement des pays moins avantagés au plan économique (y compris ceux de la région des Caraïbes). Les activités du projet sont présentées sur le site internet de Newcastle : http://www.ncl.ac.uk/~ntcmweb/remote/ijrscasi.htm

 
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