Environnement et développement dans les régions côtières et les petites îles |
Dossiers régions côtières et petites îles 2
ANNEXE 2
Hispaniola : un patrimoine commun
PAR JOSÉ A. OTTENWALDER
Possibilités de coopération bilatérale en matière de gestion et de développement des régions côtières dHaïti et de la République dominicaine
Hispaniola est la seule île des Caraïbes à être partagée entre deux pays indépendants (la République dominicaine et Haïti). Elle a la plus forte population humaine (15 millions) de toutes les îles des Antilles. Hispaniola représente, à elle seule, un microcosme des Caraïbes avec ses différences culturelles, sociales, politiques, économiques et linguistiques, qui reflètent lhistoire de la région et la fragmentation des sociétés qui en résulte. Les deux pays connaissent cependant la même biodiversité, le même type décologie, le même écosystème insulaire. Ils partagent aussi les effets désastreux des catastrophes naturelles qui frappent fréquemment la région (ouragans, tremblements de terre, inondations, par exemple), provoquant des pertes considérables en vies humaines et en biens matériels dans les deux pays. La vulnérabilité des économies et des populations locales aux effets des tempêtes tropicales (dont la fréquence et lintensité ont augmenté depuis quelques décennies) est souvent aggravée par laffaiblissement de la sécurité des tampons naturels par suite dune mauvaise gestion des zones côtières et des bassins-versants.
Si elle couvre une plus grande superficie que la moyenne des îles qui lentourent, Hispaniola nest cependant pas à labri des revers économiques et des défis imposés par le développement aux petites îles des Caraïbes et dailleurs. Les deux pays ont un besoin urgent de programmes de développement à long terme pour résoudre des problèmes multiples et réduire les pressions qui sexercent sur lenvironnement terrestre et marin. Lélaboration et la mise en oeuvre, à léchelle de lîle toute entière, de plans doccupation des sols et de stratégies de gestion des zones marines et côtières sont urgentes immédiatement. Pour atteindre ces objectifs, il ne faut pas se limiter à linterface terre-eau mais aussi englober toutes les sources terrestres des désordres provoqués par les activités humaines à terre (telles que déboisement, érosion des bassins-versants, sédimentation) qui sont en train de modifier les conditions naturelles, de dégrader et de réduire la productivité des écosystèmes côtiers. Il ne faudrait pas, par ailleurs, négliger la possibilité de prendre les frontières écologiques comme paramètres de la planification pour la protection de la biodiversité et les projets de développement.
Les ressources côtières constituent une part importante des patrimoines économiques de la République dominicaine, dHaïti et de toutes les îles de la région en général. Deux des plus grandes industries génératrices de revenus, le tourisme et la pêche, en sont tributaires. Leur bonne gestion est donc essentielle si les deux pays veulent atteindre leurs objectifs de développement économique et déquilibre écologique. Bien quils aient jusquici coexisté relativement bien sur Hispaniola et continueront à le faire, ils ont peu collaboré, jusquà présent,pour laménagement de lenvironnement. Car si la question de lenvironnement est un point de conver-gence, le souci de lenvironnement na pas été historiquement perçu comme un élément distinct dans les programmes prioritaires des deux pays. On peut sattendre à ce que des accords bilatéraux de commerce se concrétisent, dans le climat actuel de globalisation et de création de marchés à léchelle dune région ou dun hémisphère. On ne saurait refuser de voir les nombreuses raisons valables dincorporer les considérations et les problèmes de lenvironnement dans des accords éventuels sur le commerce ou concernant dautres domaines.
Bassin-versant déboisé et
desséché sur la côte sud entre Côte de Fer et Grosse Caye. Photo J. Ottenwalder |
Nombre de projets et programmes de développement sont en cours de rédaction ou de mise en oeuvre dans les deux pays, en réponse aux exigences socio-économiques croissantes des populations urbaines et rurales. Il manque encore des stratégies nationales pour lenvironnement, donnant un cadre politico-institutionnel à la protection des ressources de la biodiversité et au développement durable. Des informations inadaptées et souvent datées ne permettent pas de mettre en place une politique éclairée de protection et de développement durable. Les stratégies de mise en oeuvre dune gestion des écosystèmes nécessitent des analyses écologiques fiables. Les ressources et les capacités locales sont cependant limitées dans ce domaine. Il est indispensable de gérer et de planifier les activités ayant trait à la mer de manière globale, dans le contexte spécifique de la région, afin de maintenir dans le long terme lintégrité écologique dune part, et dautre part la productivité et le rendement économique des régions côtières. Lefficacité du dispositif de gestion destiné à protéger le milieu côtier et marin ne peut être obtenue sans lanalyse et le savoir scientifiques. Il faut donc intégrer des principes scientifiques aux stratégies de protection globale. Linteraction entre scientifique et décideurs est essentielle (GESAMP : Groupe mixte OMI, FAO, UNESCO, COI,OMM, OMS, AIEA, ONU, PNUE chargé détudier les aspects scientifiques de la protection de lenvironnement marin. 1) 1990 : Rapport de la 20è session, Genève, 7-11 mai 1990. Rapports et études (41), 32 p. 2) The contribution of science to coastal zone management, GESAMP Reports and Studies (61), 66 p.). On a souvent, par le passé, négligé daccorder toute leur place aux considérations et aux problèmes de lenvironnement, par ignorance de ces principes et à défaut de politiques et de connaissances spécifiques de lenvironnement. Pour les deux pays, il serait important pour la protection des ressources naturelles, la croissance économique durable et la préservation de la stabilité sociale, davoir enfin accès aux données scientifiques largement mises à la disposition de tous. En réalité, la négociation et la collaboration entre les deux pays sont entravées par labsence dun plan et dune stratégie unitaires pour lensemble de lîle, identifiant les attentes et les bénéfices communs concernant lenvironnement.
Les occasions de collaboration et déchanges sont déjà une réalité. Si elles viennent seulement dêtre entamées, des expériences sont cependant disponibles dans la République dominicaine. LOffice national du plan (ONAPLAN) a mis sur pied un projet dorganisation territoriale de la côte dominicaine. Un Conseil administratif côtier marin a été créé par décret pour prendre des dispositions réglementaires sur les zones côtières. On a aussi rédigé un projet de plan directeur et une stratégie pour la mise en valeur des régions touristiques. Quelques zones marines protégées sont déjà instituées. Un plan de gestion intégrée des côtes (GIC) a été élaboré pour Juan Dolio-Guayacanes, région touristique de la côte centre-sud, à lest de Saint-Domingue. Le Programme pour lenvironnement des Caraïbes (du Programme des Nations Unies pour lenvironnement) a accordé des fonds pour son extension. Plusieurs plans de GIC couvrant les régions côtières les plus intéressantes du pays (la baie et la péninsule de Samaná, une région proposée comme réserve de biosphère, et les parcs nationaux de Montecristi, Los Haitises et Jaragua) sont presque terminés. Ces activités dépendent du projet PNUD-FEM de la République dominicaine (Programme des Nations unies pour le développementFonds pour lenvironnement mondial) et mis en oeuvre sous lautorité du secrétariat technique de lOffice national du plan attaché à la présidence, par la mission locale du PNUD. Participent à la préparation de ces plans de gestion régionale les services gouvernementaux du sous-secteur des ressources naturelles, les autorités provinciales et municipales, des organisations régionales non gouvernementales, des instituts universitaires et des associations de simples particuliers et dutilisateurs.
Les besoins et les actions suivants devraient êtres considérés comme prioritaires : des stratégies et des politiques garantissant le développement national durable et prenant en compte les considérations communes aux deux nations ; le renforcement des règlements et des politiques concernant lenvironnement ; la création dune entité de conseils juridiques et dapplication des sanctions concernant lenvironnement ; le renforcement des organismes et des effectifs spécialisés ; lappel à une large participation, à la conscience communautaire et lenseignement de la protection et de la gestion des ressources ; la préparation de plans daménagement du territoire ; mener des études de base de lenvironnement côtier marin ; la préparation et/ou le soutien de plans de GIC ; adoption et application à la gestion et à la politique de principes basés sur les écosystèmes ; la diffusion de méthodes détudes dimpact ; la mise au point et lemploi de méthodes dévaluation des ressources en eau, de protection des basins-versants, de plans de gestion des eaux ; lamélioration des systèmes dégouts, de la technologie et de la réglementation du traitement des eaux ; lélaboration et la mise au point de moyens efficaces de lutte contre la pollution et de surveillance ; la lutte contre lérosion des plages ; la réduction de lutilisation du sable dans la construction ; lamélioration des inventaires de la pêche et des autres ressources marines, des plans dévaluation et de gestion, y compris ceux qui ont trait aux espèces menacées.
Le Dr. Ottenwalder est coordonnateur national de la République dominicaine pour le Projet sur la biodiversité marine côtière, parrainé par le PNUD-FEM.