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Environnement et développement
dans les régions côtières et les petites îles
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Le sablier du temps…

Dans les Caraïbes, ouragans et orages tropicaux finissent par détruire les plages. Des plages que des pratiques raisonnées peuvent reconstituer, alors que le développement touristique, lui, n’est pas toujours raisonnable.

Tous les Antillais se souviennent de « Lenny le gaucher ». Lenny, c’est cet ouragan arrivé du mauvais côté, en novembre 1999. Aux Antilles, la plupart des ouragans prennent naissance dans l’océan Atlantique et se déplacent à travers les îles d’est en ouest. Lenny, lui, se souvient Gillian Cambers, une spécialiste de l’érosion des plages qui vit à Puerto Rico, « est parti de la côte colombienne à l’ouest des Caraïbes mais au lieu de se déplacer en direction du nord ou de l’ouest, comme les météorologues le prédisaient, il s’est mis à avancer vers l’est. Au fur et à mesure qu’il grossissait, les vagues devenaient de plus en plus grosses. »

En deux jours, il a causé dans les îles des dégâts matériels estimés à 269 millions de dollars, sans parler des pertes de revenus. Pour la seule Grenade, une des îles les plus touchées, le coût des dommages dépassait 94 millions de dollars, soit l’équivalent de 27% du PNB 1.

« Aucune alerte n’avait été donnée, aucun bateau tiré sur la plage, rappelle Cambers. Et, plus étrange encore, il n’y avait pas de vent. Ce sont les vagues qui ont tout détruit. La plus grande partie des infrastructures touristiques est concentrée sur les côtes ouest des Antilles, où elles sont protégées des vents d’est prédominants. Mais là, Lenny les a eues. Des maisons ont disparu, des hôtels et des routes ont été endommagés et inondés, des bateaux de pêche perdus en mer. Les plages situées sur la côte ouest des îles allant de Tobago (au sud) aux Iles Vierges (au nord) ont été érodées, juste un mois avant le début de la haute saison touristique. Les pertes économiques ont été énormes et les hôtels ont dû fermer pendant des mois, parfois pendant plus d’un an, pour réparer les dégâts et nettoyer leur plage. »

Si les insulaires ont été pris par surprise par Lenny, ils n’en ont pas moins l’habitude des ouragans. Dans les Caraïbes, ces phénomènes ont leur « saison », entre juin et novembre. Avant le boom du tourisme, la sagesse insulaire poussait les gens à construire à l’intérieur des terres ou, au moins, à une distance raisonnable des côtes. « Lenny n’a d’ailleurs pas fait grand mal à l’infrastructure de l’île, remarque Arlington James, de la Division des parcs, de la faune et des forêts de la Dominique, mais les vagues qu’il a provoquées ont terriblement affecté le littoral. Certaines plages venaient à peine de se remettre de la tempête Iris, de l’ouragan Marilyn et de l’ouragan Luis, qui ont frappé en l’espace de deux semaines en 1995. Avant, en 1989, nous avions déjà eu l’ouragan Hugo. »

Et encore, la Dominique n’a qu’une petite activité touristique, contrairement à la plupart des îles des Antilles qui, de plus en plus, dépendent du tourisme. En 2000, par exemple, les visiteurs ont dépensé quelque 277 millions de dollars à Sainte-Lucie, soit l’équivalent de 40 % du PNB2. Or, tourisme rime souvent avec hôtels et buvettes « les pieds dans l’eau ». Quand une plage disparaît, on perd aussi, le plus souvent, les hôtels, routes, conduites d’eau

DYNAMIQUE DES PLAGES

De nombreux dégâts pourraient être évités, estiment les spécialistes. « Les gens pensent qu’ils doivent absolument construire sur la plage, et les services de l’urbanisme ont toutes les peines du monde à les convaincre du contraire », explique Gillian Cambers. « Les plages sont des éléments dynamiques, qui changent continuellement de forme. Sur les cartes, les côtes sont représentées par des traits nets et définitifs. En fait, ces zones où la mer rencontre la terre sont mouvantes ; leur position varie en fonction des marées, des vagues, des tempêtes et de nombreux autres paramètres comme la saison, les sédiments, etc. »«

Si on laissait aux plages la possibilité de bouger, il y a fort à parier qu’à long terme, elles arriveraient à se maintenir », ajoute-t-elle. Mais les entrepreneurs persistent à construire trop près de l’eau, par ignorance ou par excès d’optimisme. En plus, pour protéger le littoral et les infrastructures, on construit souvent des digues de protection ou des brise-lames destinés à atténuer l’impact des vagues. Or, ces mesures sont contre-productives dans de nombreux cas. Les digues augmentent invariablement l’érosion, tandis que le sable a tendance à s’accumuler d’un côté des brise-lames et à disparaître de l’autre côté.«

L’érosion des plages est un phénomène complexe, poursuit Gillian Cambers. Et comme chaque littoral est différent, on ne peut pas appliquer les mêmes remèdes partout ». Une étude de l’UNESCO sur l’évolution des plages a montré que sur dix ans, les deux tiers des plages surveillées s’érodaient, tandis que le tiers restant s’agrandissait ou restait stable. Avec dix administrations insulaires des Antilles, l’UNESCO a élaboré une série de brochures « sur mesure » pour provoquer une prise de conscience. Ces brochures proposent des solutions précises, plage par plage, pour la mise en oeuvre de mesures de précaution. « Nous les utilisons pour nos étudiants, les ONG et les défenseurs de l’environnement », assure Benjie Farrell, du ministère de l’Environnement, à Saint Kitts.

« La majeure partie de notre population connaît bien les problèmes, poursuit-il, mais il faut continuer à les inciter à changer leurs pratiques dans la zone côtière. » Encore récemment, déplore-t-il, « un port de dix hectares a été gagné sur la mer et comblé avec de gros rochers. Il s’y trouve maintenant un centre commercial. Cet aménagement perturbe les courants, ce qui, à son tour, nuit aux plages environnantes ». Ironie du sort, le sable marin est souvent utilisé dans la fabrication du béton nécessaire à ces travaux de construction. Avec le temps, il y retournera probablement, et finira par former des plages.

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1. USAID, 17 avril 2000
2. Précis de statistiques sur le tourisme, 2000, Organisation mondiale du tourisme


Photo © (ci-dessus) Gillian Cambers: La baie de Maunday (Anguilla) après le passage de Lenny

Photo © (N° 1 and N° 2) Gillian Cambers: La plage de Pinney, à Nevis, avant et après le passage de l’ouragan Luis.

Photo © (ci-dessous) Gillian Cambers: construction de palisades pour retenir les dunes

Les bonnes pratiques contre l’érosion

  • Environ 20 % de la population mondiale (quelque 1 147 millions de personnes) habitent à moins de 30 km du littoral. Dans certains pays insulaires en développement, comme les Seychelles ou certaines îles des Antilles, cette proportion peut atteindre 90 %. La zone côtière possède la plus grande diversité d’espèces végétales et animales, et un grand nombre de petites îles sont entièrement dépendantes de leurs ressources côtières, comme la pêche, le tourisme, etc. Pourtant, partout dans le monde, le littoral est menacé par des agressions diverses : montée du niveau de la mer liée au réchauffement planétaire, disparition des barrières de corail de protection et des forêts de palétuviers (qui jouent le rôle de brise-lames), érosion des plages, tempêtes de plus en plus violentes, pollution terrestre, projets de développement non durables.
  • Les plages sont dynamiques par nature, constamment érodées et renflouées. Elles sont capables d’absorber le choc des flots et des tempêtes, de se retirer à l’intérieur des terres puis de retrouver leur position initiale quelques mois ou années plus tard. Mais les constructions en dur – routes, digues et fondations de bâtiments –, lorsqu’elles sont trop près de la grève, empêchent ce processus et provoquent l’érosion. Certains États africains comme le Nigeria perdent ainsi des pans entiers de littoral au rythme de 20 à 30 mètres par an.
  • Les dunes constituent également une barrière de protection contre les vagues. Leur disparition accélère l’érosion du littoral de façon spectaculaire. Certaines techniques peuvent encourager leur réapparition, comme l’installation de palissades pour piéger le sable. Mais tout cela demande du temps. Des plages érodées peuvent être reconstruites artificiellement grâce à du sable extrait des fonds marins. Les hôtels les plus riches du littoral antillais procèdent souvent de cette façon après le passage d’un ouragan. Mais cette technique est coûteuse et peut causer d’autres ennuis.
  • L’érosion du littoral n’est pas un problème réservé aux îles de petite taille et aux pays en développement. Pour y faire face, la Floride aux États-Unis dépense environ 8,6 millions de dollars chaque année (y compris les frais d’observation de la côte). Dans les îles des Caraïbes, grâce à ce type de surveillance, souvent effectué par des bénévoles, des profils de chaque plage ont été dressés sur plusieurs années, mettant en évidence les plus vulnérables. Ce travail est indispensable si l’on veut identifier des « bonnes pratiques », comme le font les brochures de l’UNESCO.

Par Peter Coles

Source: pp 17-19 dans le Nouveau Courrier n°3, UNESCO, Octobre 2003

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