Firdausi Qadri : combattre les maladies liées aux crises humanitaires et au changement climatique
La recherche de la Docteur Firdausi Qadri est axée sur la compréhension et la prévention des maladies infectieuses touchant les enfants des pays en voie de développement, et pour la mise en place d’un diagnostic précoce et d’une campagne de vaccination ayant un impact sur la santé mondiale. Elle reçoit cette année le Prix L’Oréal-UNESCO Pour les Femmes et la Science en reconnaissance de l’excellence de ses travaux, avec quatre autres scientifiques exceptionnelles.
Dans le monde, plus de 800 000 enfants meurent de diarrhée chaque année et 56 % des enfants vivant dans les pays à faible revenu ne reçoivent pas le traitement recommandé. Au Bangladesh, le choléra et la typhoïde sont les deux causes principales de maladies entériques alors que de nombreuses personnes ne bénéficient pas des connaissances ou des moyens d’éviter ces affections invalidantes, voire mortelles. Il est fondamental de démocratiser l’accès à la vaccination et de favoriser un diagnostic précoce pour réduire la mortalité dans le pays et contribuer à ce que davantage d’enfants et d’adultes vivent plus longtemps et en meilleure santé.
La Docteure Qadri mène des travaux novateurs pour comprendre la base microbiologique et immunologique des maladies bactériennes et pour traiter les maladies infectieuses entériques (gastro-intestinales) et diarrhéiques qui affectent les enfants, au Bangladesh et ailleurs dans le monde, en optimisant les vaccins pour les jeunes enfants souffrant de malnutrition. Grâce à son excellence scientifique et à sa passion de l’aide à l’autre, des études capitales ont été menées sur un vaccin anticholérique oral administré à près d’un million de personnes à risque dans les communautés vulnérables du Bangladesh – vaccin lancé très prochainement.
Pour identifier rapidement les cas de choléra et de typhoïde, elle a également développé des outils de diagnostic novateurs et supervisé avec succès leur transposition du laboratoire à une réalité pratique et viable commercialement. « La souffrance de milliers de patients atteints de diarrhée provient des mauvaises conditions dans lesquelles ils vivent et de leur consommation d’eau et d’aliments contaminés et très contagieux. Rester proche de mes racines bangladaises m’a permis de mieux comprendre les besoins des gens et de trouver des solutions qui changent leur vie. »
En tant que scientifique œuvrant pour un centre unique en son genre, le Centre international pour la recherche contre les maladies diarrhéiques (ICDDR,B) situé à Dhaka, au Bangladesh, la Docteure Qadri conjugue biochimie, immunologie et approche moléculaire pour étudier les bactéries à l’origine du choléra (Vibrio cholerae) et de la typhoïde (Salmonella typhi), mais aussi de l’entérotoxinogène Escherichia coli (ETEC).
Elle s’intéresse à la capacité qu’ont les muqueuses de se protéger contre ces agents pathogènes et examine ces différentes bactéries à l’échelle génétique pour mieux comprendre leurs caractéristiques infectieuses. Elle continue ainsi à étoffer ses connaissances sur le Vibrio cholerae et sur l’ETEC, et sur leur capacité à provoquer une épidémie de choléra au Bangladesh, sujet qui lui tient à cœur depuis longtemps : « Je savais que je voulais découvrir une méthode de diagnostic et travailler à l’instauration d’un mécanisme de prévention. » Les travaux novateurs du Docteure Qadri sur la vaccination anticholérique ont déclenché un bel effet de ricochet et permis des avancées significatives dans le domaine des vaccins contre diverses maladies, dont le choléra, la typhoïde et la diarrhée à ETEC.
Elle se concentre aujourd’hui sur la conception d’un vaccin contre la typhoïde pour les bidonvilles de Dhaka et ses recherches, comme ses études sur le vaccin anticholérique, sont reproduites en Asie, en Afrique et en Haïti : « J’aimerais que notre travail soit étendu à plus grande échelle pour traiter beaucoup plus de gens, notamment là où le risque de maladies liées aux crises humanitaires et au changement climatique est particulièrement élevé. »
En 2014, la Docteure Qadri a fondé l’Institut pour le développement de la science et des initiatives de Santé (ideSHi) afin de contribuer à l’élaboration de nouvelles approches de diagnostic des maladies génétiques et de former des experts en sciences biomédicales et des cliniciens en immunologie et en recherche biomoléculaire. Sous sa direction, l’ideSHi mène également des programmes de recherche à vocation humanitaire pour trouver des solutions pertinentes aux problèmes de santé publique que connaît le Bangladesh, et participe aux discussions sur la santé au niveau mondial.
La Docteure Qadri s’engage activement pour la création d’un environnement propice à l’innovation biotechnologique et son expertise est sollicitée tant dans son pays que sur la scène internationale, par le ministère de la Santé bangladais et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Son intérêt pour les sciences de la vie est apparu dès son plus jeune âge : « Je sentais qu’il était extrêmement important de comprendre les mécanismes biochimiques et immunologiques de l’être vivant. J’étais fascinée par la façon dont les micro-organismes se développent et aident les humains à vivre sur cette planète. Mais je suis tout aussi consciente de leur capacité à mettre la vie des gens en danger. »
La famille du Docteure Qadri a été une réelle source d’inspiration et de soutien au début de sa carrière scientifique, l’encourageant à pousser ses ambitions toujours plus loin. Pourtant, la vie de scientifique au Bangladesh n’a pas toujours été facile. Pour surmonter le manque de financement, de ressources et de chercheurs, et pour lutter contre les préjugés culturels très ancrés sur les rôles respectifs des hommes et des femmes, elle a dû faire preuve de courage et de persévérance avant de parvenir à l’excellence grâce à sa rigueur et sa polyvalence et au travail d’une fabuleuse équipe.
« Je rêve que des pays comme le nôtre accueillent des établissements de pointe indépendants qui favorisent le mentorat et développent les compétences des jeunes, en particulier des jeunes femmes, dans le domaine de la recherche scientifique. » Après avoir travaillé avec de grands noms de la recherche aux États-Unis, en Suède, en France, au Royaume-Uni, en République de Corée et en Inde, elle considère que les collaborations internationales sont « les pierres angulaires de [ses] réalisations ».
Trouver un juste équilibre entre les exigences de la recherche scientifique et la vie de famille demeure pour la Docteure Qadri le plus gros défi que les femmes aient à relever. Elle estime que les femmes scientifiques ont un double rôle à jouer pour faire avancer la cause de la science : réussir dans leur domaine et servir d’exemple aux générations futures. Car parvenir à la parité dans le milieu scientifique, c’est aussi faire briller les yeux des filles et des garçons et les encourager à se saisir de la science pour changer le monde.
Plus d’informations :
Le Prix international L’Oréal-UNESCO pour les femmes et la science distingue cinq chercheuses dans les sciences de la vie
* Organisation mondiale de la Santé : https://www.who.int/maternal_child_adolescent/documents/9789...
Photos : © Fondation L’Oréal