En janvier dernier, le Centre a chargé un consultant de se rendre à Tyr pour évaluer les conséquences négatives possibles de deux projets : la construction d'un grand marché aux poissons dans le vieux port nord et la construction d'une autoroute côtière reliant Beyrouth à Nakoura et passant à proximité immédiate de Tyr.
1) Le port
Les conséquences néfastes de la construction du marché aux poissons seraient considérables :
a) l'aspect du vieux quartier du port serait défiguré, sinon détruit à jamais ;
b) la ville ancienne et le port seraient définitivement séparés par une grande construction moderne et l'unité historique brisée ;
c) les vestiges archéologiques les plus anciens de Tyr, notamment sous-marins, seraient détruits et le site du patrimoine mondial coupé en deux, entre la presqu'île et la partie continentale à l'est.
2) Le projet d'autoroute
Ce projet menace directement trois sites archéologiques de première importance :
a) un grand échangeur est prévu sur la nécropole de Ramayel, riche en caveaux funéraires dont certains sont ornés de fresques ;
b) dans son tracé, l'autoroute rase au passage une partie de l'aqueduc romain, parfaitement conservé à cet endroit ;
c) l'autoroute détruira également, en deux endroits, de longs tronçons d'une très vaste muraille, vraisemblablement d'époque hellénistique, et dénommée "rempart d'Alexandre".
Action requise
Après avoir pris connaissance du rapport du Secrétariat sur le site de Tyr, le Bureau exprime aux autorités libanaises ses vives préoccupations sur les différentes menaces qui pèsent sur le site et leur demande de tout mettre en oeuvre pour le protéger.
En ce qui concerne le projet de grand marché aux poissons prévu dans le vieux port nord, qui défigurerait la vieille ville et couperait en deux le site tout en détruisant nombre de vestiges archéologiques, il conviendrait de lui trouver un emplacement plus approprié, par exemple à une certaine distance au nord du site du patrimoine mondial.
En ce qui concerne l'autoroute côtière reliant Beyrouth à Nakoura et passant à proximité immédiate de Tyr, il conviendrait de revoir d'urgence son tracé afin qu'elle contourne la nécropole de Ramayel, l'aqueduc romain et le "rempart d'Alexandre".
Enfin, d'une manière plus générale, et au moment où l'UNESCO consacre ses efforts à la préparation de la Campagne internationale de sauvegarde, il convient de procéder à toutes les fouilles et travaux de préservation et de mise en valeur archéologiques nécessaires, réaménager et conserver les zones historiques et les consacrer à leur vocation culturelle et historique, réglementer l'urbanisme et la construction et enfin, redéfinir de manière précise vers l'est les limites du site du patrimoine mondial, qui doivent inclure toutes les zones de vestiges archéologiques".
21e session extraordinaire du Bureau en 1997:
Notant que la Direction générale des Antiquités a déjà mené une série d’actions en faveur de la conservation, mais préoccupé par les menaces qui subsistent, le Bureau recommande au Comité d’adopter la décision suivante :
"Le Comité félicite les autorités libanaises pour la qualité de travail de protection menée à bien et recommande qu’une attention toute particulière soit apportée à la préparation rapide d’un schéma directeur couvrant toutes les zones archéologiques de Tyr et ses environs, incluant la ville de Tyr. Le Comité rappelle aux autorités libanaises que le Secrétariat leur avait déjà fait part de sa disponibilité à contribuer techniquement et substantiellement à la préparation de pareils schémas directeurs pour tous les sites libanais du patrimoine mondial."
Dans le cadre de la préparation de la Campagne internationale pour la sauvegarde de Tyr, la Division du patrimoine culturel de l'UNESCO a envoyé une série de missions chargées de la préparation des différents éléments de la Campagne. Dans ce cadre-ci, un certain nombre d'actions prioritaires ont été proposées (fouilles préventives de sites menacés, création d'un centre de conservation et de documentation, conservation de certains vestiges in situ, prospection systématique de la zone archéologique, amélioration des conditions de stockage, conservation et mise en valeur de la basilique).
Selon cette mission, il ressort que la Direction générale des antiquités a déjà mené à bien toute une série d'actions positives qui limitent de beaucoup de nouvelles destructions de vestiges archéologiques (mise en place d'une équipe de techniciens travaillant sur place, mobilisation de l'opinion publique en faveur de la protection du patrimoine, travaux de protection et fouilles de plus en plus systématiques).
Par contre, des menaces subsistent : abandon des sites pendant de nombreuses années, favorisant érosion et vandalisme ; existence de constructions sauvages aux abords des sites; manque de personnel et de moyens à la Direction générale des antiquités et enfin, absence d'un schéma directeur actualisé et adapté.