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12.09.2016 - Sciences exactes et naturelles

La Communauté économique de l’ANASE susceptible de stimuler la coopération scientifique

© Banque mondiale bibliothèque d’images / Curt Carnemark. Rizière en Indonésie

Les dirigeants de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) se sont donné rendez-vous dans la capitale laotienne du 6 au 8 septembre. Le thème du sommet de cette année était Transformer la vision en réalité pour une Communauté de l’ANASE dynamique.

La Communauté économique de l’ANASE, qui a été lancé en novembre de l’année dernière, regroupe 622 millions de personnes dans un marché d’une valeur de 2,6 mille milliards de dollars, selon le site web de l’ANASE. En 2014, cette communauté était la troisième d’Asie et la septième du monde. L’ANASE regroupe dix pays : Brunei Darussalam, Cambodge, Indonésie, République démocratique populaire lao, Malaisie, Myanmar, Philippines, Singapore, Thaïlande et Viet Nam.

Le Rapport de l’UNESCO sur la science (2015) estime que la création de la Communauté économique de l’ANASE « devrait favoriser la croissance économique dans la région ». Les pays de l’ANASE ont déjà traversé avec succès la crise financière mondiale de 2008, bon nombre des pays réussissant même à eviter la récession, grâce à l’essor du marché des commodités. Entre 2005 et 2013, le PIB a grimpé de 72% en République démocratique populaire lao, par 61% au Cambodge et par 53% en Indonésie.

Selon le rapport, la Communauté économique de l’ANASE est également susceptible de stimuler à la fois les mouvements transfrontières de chercheurs et une spécialisation accrue. Cette tendance devrait s’accompagner d’une plus grande coopération scientifique.

La région peut-elle être compétitive sur le plan technologique d’ici 2020 ?

Bien que la mission de l’ANASE ait toujours été de créer un marché unique comparable au modèle européen, les dirigeants admettent depuis longtemps que la réussite de l’intégration économique dépendra de la manière dont les États membres parviennent á assimiler la science et la technologie. Le Comité des sciences et des technologies de l’ANASE a été instauré en 1978, seulement 11 ans après la création de l’ANASE par l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines, Singapour et la Thaïlande.

Depuis, divers plans d’action ont été élaborés afin de favoriser la coopération entre les États membres et d’assurer un meilleur équilibre dans le domaine de la STI. Lorsque la Vision 2020 de l’ANASE a étée adoptée en 1997, son objectif déclaré consistait à assurer la compétitivité technologique de la région d’ici 2020.

Pour l’heure, ce n’est pas encore le cas. L’innovation est généralement faible dans la région, qui totalise 6,5 % des publications scientifiques (2013) mais à peine 1,4 % des brevets (2012) dans le monde ; de plus, 95 % de ces brevets ont été déposés par quatre pays seulement : l’Australie, Singapour, la Malaisie et la Nouvelle-Zelande.

À Singapore, en Malaisie et aux Philippines, « les entreprises assurent une part comparativement élevée de la R&D. Dans le cas des deux derniers d’entre eux, il faut y voir très probablement un effet de la forte présence de sociétés multinationales sur leurs territoires ».

Entre 2008 et 2013, les exportations de produits de haute technologie ont quasiment été multipliées par dix au Viet Nam, selon la base de données Comtrade, mais le rapport rappelle également que « la majorité des produits concernés a été conçue ailleurs et simplement assemblée au Viet Nam ».

Le défi pour des économies de l’ANASE ayant une forte présence de sociétés multinationales sur leurs territoires sera de mettre à profit les connaissances et les compétences des grandes entreprises étrangères qui y sont implantées, pour doter les entreprises et fournisseurs locaux d’un niveau de professionnalisme identique.

Depuis 2008, de nombreux pays de l’ANASE ont augmenté leur effort de recherche, y compris dans le secteur des entreprises. « Le défi pour beaucoup d’entre eux sera d’approfondir et de diversifier la participation des entreprises à la recherche dans un large éventail de secteurs d’activité, compte tenu notamment de ce que la baisse cyclique des cours des matières premières exige d’adopter d’urgence des politiques fondant la croissance sur l’innovation ».

Parmi les pays de l’ANASE, seul Singapour a un niveau d’intensité de la recherche comparable à celui de l’Australie : 2,18% du PIB en 2014. Le succès de Singapour « repose en grande partie sur la mise en oeuvre concomitante de politiques visant à tirer profit de la forte présence internationale afin de soutenir le développement national, d’une part, et de politiques destinées à promouvoir l’innovation locale, d’autre part ». Son investissement dans la recherche semble avoir pâti de la crise financière mondiale, puisque les entreprises se sont serré la ceinture depuis 2008. Il paraît peu probable que Singapour arrive à investir 3,5% du PIB dans la recherche-développement d’ici 2015, malgré ses ambitions affichées.

Quant aux autres pays de l’ANASE pour lesquels des données sont disponibles, les Philippines consacrent 0,14% du PIB à la recherche (2013), le Viet Nam 0,19% (2011) et l’Indonésie seulement 0,08% (2013), selon l’Institut de statistiques de l’UNESCO.

Les deux pays ayant fait un bond en avant dans ce domaine sont la Malaisie et la Thaïlande. La Malaisie consacre désormais 1,26% du PIB à la recherche (2014), contre 0,79% en 2008, alors que la Thaïlande a doublé son propre effort à 0,48% du PIB depuis 2009.

Vers une plus libre circulation de personnel qualifié

« La mobilité accrue du personnel qualifié à l’intérieur de la région devrait être bénéfique pour le développement des compétences, les placements et les capacités de recherche des États membres de l’ANASE, et renforcer le rôle du Réseau universitaire de l’ANASE, qui compte 30 membres », selon le rapport.

Les pays de la région collaborent déjà entre eux, comme en témoigne l’évolution de la collaboration scientifique internationale. Dans les économies les moins développées, la copaternité représente même 90 à 100% des articles. Ces pays devront relever le défi d’orienter leur collaboration scientifique internationale vers les priorités des politiques scientifiques nationales, plutôt que vers les priorités de leurs partenaires plus aisés.

Les pays de l’ANASE collaborent surtout avec les principaux pôles de connaissances mondiaux (États-Unis, Royaume-Uni, Chine, Inde, Japon). Toutefois, on assiste à l’émergence d’un pôle de connaissances Asie-Pacifique. L’Australie, par exemple, est l’un des cinq premiers collaborateurs de 17 pays sur 20 dans la région.

L’Association de coopération économique Asie-Pacifique (APEC) envisage d’accompagner le développement de ce nouveau pôle de connaissances. L’APEC a achevé en 2014 une étude sur la pénurie de compétences dans la région, en vue de créer un système de suivi pour répondre aux besoins de formation, avant que la pénurie n’atteigne un stade critique.

L’amélioration de la circulation des personnes qualifiées entre les États membres de l’ANASE tient notamment au souhait de la Malaisie et de Singapour de pouvoir recruter facilement du personnel technique dans les autres pays de la région. Les économies plus mûres de l’Australie et la Nouvelle-Zélande comptent plus de mille techniciens par million d’habitants (en équivalents plein temps), contre seulement 162 en Malaisie, 170 en Thaïlande et 462 a Singapour. La plus grande liberté de circulation dont jouissent désormais les travailleurs qualifiés au sein de l’ANASE devrait bénéficier à la fois aux pays d’origine et aux pays recruteurs. La Malaisie et le Singapour remplissent les deux cases, alors que la République démocratique populaire lao est uniquement un pays recruteur. Pour l’heure, ce pays « possède la plus faible proportion de chercheurs de tous les États membres de l’ANASE », remarque le rapport, qui prédit que « l’intégration économique au sein de cette organisation régionale devrait offrir au pays davantage d’opportunités de coopération scientifique régionale ».

La Malaisie s’efforce d’atténuer la fuite des cerveaux

Singapour attire à elle seule 57 % de la diaspora malaisienne, tandis que les autres migrants optent pour l’Australie, le Brunei Darussalam, les États-Unis et le Royaume-Uni. La fuite des cerveaux reste une source de préoccupation pour le gouvernement malaisien, malgré l’augmentation du nombre d’étudiants ces dernières années. Le Plan stratégique pour l’enseignement supérieur après 2020 fixe pour objectif d’accroitre le taux de participation dans l’enseignement supérieur de 40 % à 50 %, et de former 100 000 titulaires de doctorat d’ici 2020, grâce au financement des études de troisième cycle. Le nombre d’étudiants inscrits en programme de Master a ainsi augmenté de 35 000 à 64 000 entre 2007 et 2010, tandis que le nombre de doctorants a doublé à 22 000. Parmi les nouveaux entrants aussi, le nombre d’inscrits a progressé de 47% à 495 000 au cours de cette période.

Le gouvernement souhaite développer les capacités de recherche endogènes afin de réduire la dépendance du pays vis-a-vis de la recherche industrielle menée par les multinationales étrangères, qui pour beaucoup sont spécialisées dans l’électronique et les produits électriques. Entre 2008 et 2012, la Malaisie a réussi à tripler le nombre de chercheurs (en équivalents plein temps) à 52 000. Depuis 2011, un programme ciblé de retour des experts, qui propose des mesures incitatives, a ainsi approuvé le dossier de 2 500 rapatriés.

Huit chercheurs sur dix en Malaisie sont employés dans le secteur universitaire, ce qui suggère que les multinationales étrangères installées sur place n’emploient qu’une minorité de malaisiens, ou bien font l’économie de la recherche en interne.

Dans la plupart des pays de l’ANASE, plus de la moitié des chercheurs travaillent dans le secteur de l’éducation supérieure. L’exception notable est le Singapour, où la moitié des chercheurs travaillent dans l’industrie, contre 30% à 39% ailleurs dans la région. En Indonésie et au Viet Nam, le gouvernement est un des principaux employeurs. Les femmes constituent la moitié des chercheurs dans trois pays : Malaisie, Philippines et Thaïlande.

Le gros investissement de la Malaisie et de Singapour dans l’éducation supérieure

Ce n’est pas un hasard si la Malaisie et Singapour comptent les plus grandes densités de chercheurs parmi les pays de l’ANASE : 1 780 (Malaisie) and 6 440 (Singapour) par million d’habitants, contre une moyenne mondiale de 1 083. Comme le Viet Nam, ces deux pays se distinguent par la taille de leur investissement dans l’éducation supérieure. Au cours de la dernière décennie, la part du budget consacrée à l’éducation supérieure est passée de 20 à 35% à Singapour (1,04% du PIB) et à 37% (2,20%) en Malaisie. Ces deux pays comptent également la plus grande proportion de doctorants parmi les étudiants.

C’est pourtant le Myanmar qui compte la plus grande proportion d’étudiants inscrits en programmes scientifiques (23%) parmi les membres de l’ANASE, suivi de Singapour (14%) et de la Malaisie (13%).

Le Myanmar compte également la plus grande proportion de femmes inscrites à l’université, tous programmes confondus. Il sera intéressant de voir si le Myanmar réussit à maintenir cette proportion élevée d’étudiantes au cours de sa transition vers la démocratie.

En attendant, la Malaisie compte bien se transformer en pôle mondial de l’éducation. Le pays s’est fixé pour objectif d’attirer 200 000 étudiants étrangers d’ici 2020. Ils étaient plus de 56 000 en 2012, quasiment deux fois plus nombreux qu’en 2007. Ceci dit, seuls 17 % sont originaires de pays de l’ANASE. Bien que l’Indonésie fournisse le plus gros contingent d’étudiants (6 222), ce nombre est stable depuis 2007.

L’ANASE propose une approche intégrée de la science et l’innovation

Le comite Science et Technologie de l’ANASE a lancé l’Initiative de Krabi en 2010, qui a depuis élaboré le Plan d’action de l’ANASE pour la science, la technologie et l’innovation (APASTI) qui couvre la période 2016-2020. APASTI a été approuvé formellement par les pays de l’ANASE en novembre 2015.

Selon le Rapport de l’UNESCO sur la science, « un des aspects intéressants de ce plan d’action est son approche intégrée de la science, de la technologie et de l’innovation. Il vise à renforcer la compétitivité dans la région en contribuant à la fois à l’inclusion sociale et au développement durable. Il couvre huit domaines thématiques : priorité aux marchés mondiaux ; communication numérique et réseaux sociaux ; technologie verte ; énergie ; ressources en eau ; biodiversité ; science ; et « innovation pour la vie ».

Dans le cadre du processus de négociation relatif à la création de la Communauté économique de l’ANASE, chaque État membre peut marquer sa préférence pour un champ de recherche particulier. Le gouvernement de la République démocratique populaire lao, par exemple, a souhaité donner la priorité à l’agriculture et aux énergies renouvelables. D’autres propositions sont davantage controversées, comme la construction d’un barrage hydroélectrique sur le fleuve Mekong, compte tenu des inconvénients de ce type d’ouvrage.

S’associer aux progrès de la science realisés sur le plan international

Les pays de l’ANASE cherchent des moyens d’associer leurs connaissances nationales aux progrès de la science realisés sur le plan régional et mondial. L’une des raisons pour laquelle la région cherche à renforcer ces échanges est sa vulnérabilité aux catastrophes naturelles. Le pourtour de l’ocean Pacifique est l’une des régions du monde les plus vulnérables à la montée du niveau de la mer et à un climat de plus en plus capricieux. En partie pour garantir la viabilité de son agriculture, le Cambodge a adopté un Plan stratégique de lutte contre le changement climatique couvrant la période 2014-2023.

L’indépendance technologique au service de la réduction des risques de catastrophe s’inscrit dans l’approche adoptée par le gouvernement philippin. Chaque année, entre six et neuf cyclones tropicaux frappent le pays. En 2013, le cyclone Haiyan (appelé Yolanda dans la région), l’un des cyclones tropicaux les plus violents connus, a durement frappe les Philippines, avec des vents atteignant 380 km/h. Pour atténuer le risque de catastrophe, les Philippines ont investi massivement dans des infrastructures critiques et des outils de mesure de la vitesse, tels que les radars Doppler, et produit des modèles de simulation de catastrophe en 3D grâce à la technologie LiDAR (détection et localisation par la lumière) et à l’installation à grande échelle de capteurs fabriqués localement, afin de disposer à tout moment d’informations précises concernant l’ensemble du territoire. Parallèlement, le pays a renforcé les capacités locales afin de mettre en oeuvre, de dupliquer et de produire un grand nombre de ces technologies.

La fin du boom des matières premières en 2013 a conduit les pays riches en ressources naturelles à élaborer des politiques de S&T de manière à redynamiser certaines de leurs spécialités économiques, comme les sciences de l’ingénieur en Malaisie. Cette tendance place, dans une certaine mesure, la science et, plus particulièrement, les scientifiques, face à un dilemme. D’un côté, il est impératif de produire des travaux de recherche scientifique de qualité : le critère majeur utilisé en la matière est le nombre d’articles publiés dans des revues spécialisées. Pourtant, de nombreux plans nationaux de développement insistent sur la nécessaire pertinence de la recherche.

Ces deux impératifs sont, de toute évidence, importants pour promouvoir le développement et la compétitivité à l’international. Les pays les plus riches ont le loisir de réaliser des progrès dans le domaine de la science fondamentale et de se constituer un capital scientifique de plus en plus large et riche. Les pays à revenu faible, quant à eux, sont de plus en plus contraints de privilégier le critère de pertinence. Le défi pour ces pays sera donc de permettre à leurs scientifiques de faire carrière dans la recherche en combinant qualité et pertinence des travaux.

Source: Rapport de l’UNESCO sur la science : vers 2030 (2015), version française à paraître fin 2016 ; voir les chapitres 26 sur la Malaisie et 27 sur l’Asie du Sud Est et l’Océanie.




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