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 » Pourquoi le nombre de lauréats japonais de prix Nobel augmente-t-il depuis 2000 ?
24.10.2016 - Sciences exactes et naturelles

Pourquoi le nombre de lauréats japonais de prix Nobel augmente-t-il depuis 2000 ?

(CC BY 4.0) Yoshinori Ohsumi, 2016 Nobel Prize winner for Medicine or Physiology

Ce mois-ci, Yoshinori Ohsumi (photo) a reçu le prix Nobel de physiologie ou de médecine pour avoir élucidé les mécanismes de l’autophagie, processus de dégradation et de recyclage des composants des cellules. Les mutations des gènes de l’autophagie pourraient être impliquées dans des affections telles que le cancer ou le diabète. Né en 1945, Yoshinori Ohsumi est professeur à l’Institut de technologie de Tokyo.

« Chaque année, les Japonais attendent avec impatience l’annonce des lauréats des prix Nobel par la Suède », font remarquer les auteurs du chapitre sur le Japon dans le Rapport de l’UNESCO sur la science, paru en novembre 2015. « Le choix de scientifiques japonais déclenche l’enthousiasme des médias et de l’opinion publique ». Les auteurs observent qu’ « entre 1901 et 1999, le public a dû se montrer extrêmement patient : seuls cinq Japonais se sont vu décerner la prestigieuse récompense au cours de cette période ». En revanche, depuis 2000, 17 chercheurs japonais ont été lauréats, dont deux ont opté pour la nationalité américaine.

Pourquoi une telle accélération ? « Cette situation ne témoigne cependant pas d’une soudaine amélioration de l’environnement de la recherche au Japon », rappelle les auteurs, « puisque l’essentiel de leurs travaux est antérieur aux années 1980. Le financement public et privé de la recherche-développement (R&D) a néanmoins fait la différence dans certains cas. Ainsi, les travaux de Shinya Yamanaka dans les années 2000 ont été amplement financés par la Société japonaise pour la promotion de la science et l’Agence japonaise pour la science et la technologie. Yamanaka a reçu le prix Nobel de physiologie ou médecine 2012 pour sa découverte des cellules souches pluripotentes induites. Quant à Shuji Nakamura (prix Nobel de physique 2014), il a inventé dans les années 1990 des diodes luminescentes (LED) bleues grâce au généreux appui de son entreprise, Nichia Corporation.

Quels autres facteurs expliquent cette augmentation du nombre de lauréats japonais de prix Nobel ? « Il semblerait que les critères d’attribution aient récemment changé. Bien que le processus de sélection demeure secret, l’impact social de la recherche semble avoir pris de l’importance ces dernières années. En dehors des trois physiciens (Yoichiro Nambu, Toshihide Maskawa et Makoto Kobayashi) lauréats du prix Nobel de physique en 2008 pour leurs travaux purement théoriques sur la physique des particules, les [neuf] prix Nobel décernés à des scientifiques japonais depuis 2010 récompensent des découvertes qui ont exercé un impact démontrable sur la société ».

Les auteurs suggèrent que « le fait que le Comité Nobel reconnaisse davantage l’impact social de la recherche pourrait bien refléter le nouvel état d’esprit de la communauté universitaire internationale. La Déclaration sur la science et l’utilisation du savoir scientifique et l’Agenda pour la science : cadre d’action issue de la Conférence mondiale sur la science de 1999 a peut-être été le signe annonciateur de cette évolution. Organisée à Budapest (Hongrie) par l’UNESCO et le Conseil international pour la science, la Conférence mondiale sur la science a produit des documents qui insistent explicitement sur l’importance de « la science dans la société et la science pour la société » ainsi que de la « science pour la connaissance ».

La jeune génération assurera-t-elle la relève ?
Le Japon a l’un les taux de chercheurs les plus élevés au monde : 70,2 par 10 000 habitants en 2013. Cependant, ce taux est quasiment le même qu’en 2008. Le nombre de chercheurs a bien progressé jusqu’en 2009 mais, par la suite, « les entreprises privées ont commencé à réduire leurs dépenses de recherche en réaction à la crise financière mondiale ».

Dans le secteur universitaire, il y a légèrement plus de chercheurs aujourd’hui (+3,7%) qu’en 2008. Mais ils ont désormais moins de temps à consacrer à la recherche : 900 heures en 2013, contre 1 142 heures en 2008. Leurs horaires de travail ont été amputés et ils doivent remplir beaucoup plus de taches qu’avant. Entre 2007 et 2014, la part des publications japonaises dans le Web of Science a rétréci de 7,9% à 5,8%. « Bien que cette situation résulte en partie de la croissance continue de la Chine, la performance médiocre du Japon donne à réfléchir », observent les auteurs. « Le nombre des publications dans le monde a augmenté de 31,6 %, alors que la production japonaise déclinait de 3,5 % ». Par ailleurs, la baisse s’observe dans toutes les disciplines scientifiques.

« Le déclin du nombre de publications de chercheurs japonais est peut-être aussi lié à l’évolution du financement public de la R&D », suggère le rapport. « Un nombre croissant des bourses accordées à des chercheurs et à des universités mettent désormais l’accent sur l’innovation, et la rédaction d’articles théoriques n’est plus considérée comme suffisante ». Les activités de R&D a visée innovante donnent elles aussi lieu à des publications, mais les chercheurs japonais concentrent peut-être moins leurs efforts sur la simple production d’articles. Dans le même temps, il semble que la diminution du financement privé de la R&D ait entrainé une baisse des publications des chercheurs dans le secteur privé.

De graves problèmes de financement pour de nombreuses universités
De nombreuses universités rencontrent actuellement de graves problèmes de financement, explique le rapport. Sur les huit années entre 2007 et 2014, les dépenses universitaires de recherche n’ont augmenté que d’1,3 % en prix constants. Alors que leurs budgets réguliers déclinent à un rythme d’environ 1% depuis plus d’une décennie, elles se voient contraintes de consacrer énormément de temps et d’énergie à constituer les dossiers de demande de subventions institutionnelles.

Le temps consacré à cette activité, aux tâches administratives et à l’évaluation des projets génère des effets secondaires de plus en plus visibles : lourde charge sur le corps professoral et le personnel administratif, brièveté des cycles d’évaluation susceptible de nuire à une vision à long terme de la recherche et de l’éducation, difficulté à faire perdurer les activités, les équipes et l’infrastructure après la fin des projets.
La recherche du meilleur équilibre possible entre financement ordinaire et financement par projets est donc en train de devenir une question de politique de premier plan au Japon.

Les jeunes titulaires d’un doctorat peinent à trouver des emplois stables
Par conséquent, « les jeunes Japonais titulaires d’un doctorat peinent à trouver des emplois à durée indéterminée dans les universités ou les instituts de recherche. Le nombre de doctorants baisse, car de nombreux étudiants en master n’osent pas s’embarquer dans une carrière apparemment peu gratifiante dans la recherche ».

Face à cette situation, le gouvernement japonais a pris depuis 2006 une série de mesures visant à diversifier les carrières des jeunes chercheurs. Il a mis en place des dispositifs qui facilitent les échanges entre les universités et l’industrie, subventionnent les stages et élaborent des programmes de formation élargissant les perspectives et les compétences des personnes inscrites en doctorat. Il a également encouragé la réforme des programmes de doctorat afin que les diplômés puissent s’adapter plus facilement à un environnement non universitaire.

Dans le même temps, le gouvernement a entamé une réforme des systèmes de ressources humaines des universités. En 2006, il a commencé à subventionner l’introduction d’un mécanisme de prétitularisation conditionnelle, traditionnellement absent du monde universitaire japonais. Cette subvention a été revue à la hausse en 2011. En 2006 également, un programme de bourses a été mis en place pour les chercheuses de retour d’un congé maternité. Les femmes ne représentaient que 14,6% des chercheurs en 2013, mais ce pourcentage est en progression (13,0% en 2008).

Le nombre de chercheurs étrangers est également faible mais en progression. Le secteur universitaire comptait 5 875 professeurs étrangers à plein temps (soit 3,5 % du total) en 2008 et 7 075 (4,0 %) en 2013. Le gouvernement a pris des mesures visant à internationaliser les universités japonaises. Les critères de sélection de la plupart des grosses subventions versées aux universités prennent désormais en compte la proportion d’étrangers et de femmes dans le corps professoral et parmi les chercheurs.
Selon le rapport cependant, « le nombre décroissant de jeunes âgés de 18 ans constitue sans nul doute le problème de fond auquel sont confrontées les universités japonaises. Après avoir culminé en 1991 à 2 049 471, cette population a été presque divisée par deux en 2014. Le nombre d’inscriptions a néanmoins progresse en raison de l’augmentation de la proportion de jeunes entrant à l’université : 26,4 % en 1992 et 51,5 % en 2014.

Cependant, « la plupart des parties prenantes décèlent des signes de saturation et conviennent de l’imminence d’une réforme radicale du système universitaire national ».

Source: Sato, Y. et Arimoto, T. (2015) Japon . Dans Rapport de l’UNESCO sur la science : vers 2030, paru en 2015




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