État de conservation
Réserve naturelle intégrale du mont Nimba
(Côte d'Ivoire, Guinée)
Facteurs affectant le bien en 2018*
- Activités illégales
- Exploitation minière
- Identité, cohésion sociale, modifications de la population locale / des communautés
- Modification du régime des sols
- Ressources financières
- Ressources humaines
- Système de gestion/plan de gestion
Facteurs* affectant le bien identifiés dans les rapports précédents
- exploitation minière
- afflux de réfugiés
- empiètement agricole
- déforestation
- braconnage
- capacités de gestion insuffisantes
- manque de ressources
- coopération transfrontalière défaillante
Menaces pour lesquelles le bien a été inscrit sur la Liste du patrimoine mondial en péril
- Concession pour l'exploitation de minerai de fer dans l'enceinte du bien, en Guinée
- Afflux d'un grand nombre de réfugiés en provenance du Libéria dans et autour de la réserve
- Insuffisance de structure institutionnelle
Mesures correctives pour le bien
Adoptées, voir page https://whc.unesco.org/fr/decisions/4982
Calendrier pour la mise en œuvre des mesures correctives
En cours d'identification
Fonds extrabudgétaires de l’UNESCO jusqu'en 2018
Montant total accordé: 25.282 dollars EU du Fonds de Réponse Rapide en janvier 2012 (voir page https://whc.unesco.org/fr/actualites/830/)
Assistance internationale : demandes reçues pour le bien jusqu'en 2018
Demandes approuvées : 20
(de 1981-2015)
Montant total approuvé : 482 588 dollars E.U.
Missions sur le bien jusqu'en 2018**
Octobre/novembre 1988 : mission Centre du patrimoine mondial ; 1993 : mission conjointe Centre du patrimoine mondial/UICN ; 1994 : mission UICN ; 2000 : mission Centre du patrimoine mondial ; 2007 : mission conjointe Centre du patrimoine mondial/UICN en Guinée ; 2008 : mission conjointe Centre du patrimoine mondial/UICN en Côte d’Ivoire ; 2013 : mission conjointe Centre du patrimoine mondial/UICN
Problèmes de conservation présentés au Comité du patrimoine mondial en 2018
Le 3 mars 2018, l’État partie de la Côte d’Ivoire a soumis un rapport sur l’état de conservation du bien, disponible à http://whc.unesco.org/fr/list/155/documents, fournissant des informations comme suit:
- Aucun système de suivi conjoint n’existe à ce jour depuis l’avènement de la maladie à virus Ebola en 2014. Les contacts entre les deux pays restent informels faute d’un manque de financement. Une mission d’échanges entre la Guinée et la Côte d’Ivoire, prévue en 2017 en vue d’une extension du protocole de collaboration des gestionnaires entre la Guinée et le Libéria afin d’y inclure la Côte d’Ivoire, n’a pas pu se dérouler pour des raisons diverses ;
- L’application de l’outil SMART (Spatial Monitoring and Reporting Tool) a permis le suivi de certaines espèces de faunes ainsi que les activités anthropiques ;
- L’Office Ivoirien des Parcs et Réserves (OIPR) prévoit, en 2018, la réactivation du projet transfrontalier des monts Nimba, élaboré lors d’un atelier de réflexion tenu en 2013 à Danané, dans le cadre de la deuxième phase du projet Nimba en association avec le PNUD et le Fonds pour l’Environnement Mondial (FEM) ;
- La redéfinition des limites du bien, rapportée au Comité lors de sa 41e session, n’a exclu aucune zone dégradée du bien ;
- Une proposition d’État de conservation souhaité en vue du retrait du bien de la Liste du patrimoine mondial en péril (DSOCR) n’a pas encore été élaborée, mais l’État partie exprime sa volonté de lancer ce processus en partenariat avec la Guinée, l’UNESCO et l’UICN ;
- Un financement a été obtenu pour les cinq prochaines années dans le cadre du programme Filières Agricoles Durable de Côte d’Ivoire (FADCI) qui assurera la mise en œuvre des fonctions de gestion du bien. Certains bureaux de l’OIPR à Danané et Yaleu sont en cours de réhabilitation. L’état de dégradation des postes de surveillance et des pistes d’accès au bien demeure une difficulté pour la mise en œuvre des mesures correctives.
Le 2 mars 2018, l’État partie de la Guinée a soumis un rapport sur l’état de conservation du bien, également disponible à l’adresse Internet susmentionnée, faisant surtout référence aux activités mises en œuvre par l’Etat partie en 2012 et ne mettant pas en exergue les efforts consentis depuis la 41e session du Comité. Concernant les permis d’exploration minière, ce rapport confirme que la société West Africa Exploration (WAE) a élaboré une étude d’impact environnementale et sociale (EIES), dont une copie a été envoyée au Centre du patrimoine mondial en 2015. Il est indiqué que toutes les activités sur le terrain de la société ont cessé suite à une plainte par le Directeur Général du service du programme UNESCO de l’homme et la biosphère (MAB) compte tenu des impacts négatifs constatés sur le terrain. La société des mines de fer de Guinée (SMFG) n’a pas encore réalisé une EIES. Ses activités de terrain sont également actuellement arrêtées. Le permis octroyé à la société SAMA Resources lui a été retiré depuis 2014. Le rapport mentionne que le Ministère de l’Environnement des Eaux et Forêts a donné des instructions fermes au centre de gestion de l’environnement des Monts Nimba et Simandou (CEGENS) pour empêcher toutes les sociétés minières sus mentionnées de poursuivre leurs activités sur le terrain.
Analyse et Conclusion du Centre du patrimoine mondial et des Organisations consultatives en 2018
Les efforts continus par l’OIPR pour conduire des patrouilles de lutte contre le braconnage et pour assurer un suivi écologique sont accueillis favorablement. Toutefois, l’État partie de la Côte d’Ivoire n’a pas fournis de données actualisées sur les tendances observées des populations des espèces clés du bien et les données fournies sur les activités anthropiques ne permettent aucune évaluation de la tendance globale du braconnage, bien qu’elles suggèrent une baisse des indices de chasse en 2017. Il est recommandé que le Comité demande aux deux États parties de fournir de plus amples informations sur l’analyse des données récoltées afin de permettre une évaluation des tendances des activités anthropiques, y compris le braconnage, ainsi que des populations des espèces clés du bien.
Le financement obtenu dans le cadre du programme FADCI permettant la mise en œuvre des fonctions de gestion de la composante ivoirienne du bien est accueilli favorablement. Notant l’importance de développer une gestion transfrontalière du bien et notamment l’harmonisation nécessaire du suivi écologique et de la mise en place des opérations conjointes de surveillance, il est recommandé que le Comité réitère sa demande aux deux États parties d’élaborer une suite au projet Nimba portant sur l’intégralité du bien. La confirmation de l’État partie de la Côte d’Ivoire qu’aucune zone dégradée n’est exclue de la composante ivoirienne du bien lors de la redéfinition des limites est notée. Il est recommandé que le Comité demande à l’État partie de la Côte d’Ivoire de soumettre une carte en haute résolution des limites actualisées.
Il est regrettable que le rapport de l’État partie de la Guinée présente des informations qui concernent la situation telle qu’elle était en 2012. Les informations fournies sont très ambigües. L’information selon laquelle toutes les activités minières des sociétés WAE et SMFG sont désormais suspendues et que le permis octroyé à la société SAMA Resources lui a été retiré depuis 2014 est bien notée. Cependant, le Centre du patrimoine mondial a reçu des informations selon lesquelles la suspension des activités dans la concession de WAE serait plutôt liée à des difficultés financières de sa société-mère, Sable Mining. Il faut aussi rappeler que l’examen par l’UICN de l’EIES entreprise par WAE et soumise par l’Etat partie en 2015 a constaté que celle-ci n’avait pas été menée conformément aux normes internationales comme demandé par le Comité dans sa décision 37 COM 7A.3.
En ce qui concerne la concession de SMFG, un de ses responsables a confirmé au Centre du patrimoine mondial que les préparatifs de l’EIES continuent mais que le projet minier était dans un état d’ « entretien et de maintenance » (« care and maintenance ») en attendant une décision du Gouvernement concernant la voie d’évacuation des minerais.
Il convient de noter que le Centre du patrimoine mondial et l’UICN ont reçu des informations concernant un projet d’aménagement de routes et de facilitation des transports au sein de l’Union du fleuve Mano, qui comprendrait le bitumage de la route Lola (Guinée) – Danané (Côte d’Ivoire) en passant par le Mont Nimba. Le résumé de l’EIES du projet, datant d'août 2014 et disponible sur le site web de la Banque africaine de développement (BAD) ne prend pas en compte la présence d’un bien du patrimoine mondial dans la zone d’influence du projet, mais reconnait que la Réserve du Mont Nimba serait touchée par des impacts indirects, notamment la pollution par les déchets des visiteurs, le braconnage et les coupes illégales. Il est regrettable que les Etats parties n’aient pas informé le Centre du patrimoine mondial de ce projet conformément au paragraphe 172 des Orientations. Une lettre a été envoyée le 14 mai 2018 par le Centre du patrimoine mondial demandant à l'Etat partie de la Guinée de fournir davantage d'informations, et il est recommandé que le Comité demande aux États parties de fournir également une EIES complète évaluant les impacts potentiels de ce projet sur la valeur universelle exceptionnelle (VUE) du bien, conformément à la Note consultative de l’UICN sur le patrimoine mondial et l’évaluation environnementale.
Il convient également que le Comité réitère sa demande aux deux États parties d’établir, en coopération étroite avec le Centre du patrimoine mondial et l’UICN, la proposition de la DSOCR et la série d’indicateurs correspondants.
Considérant la problématique minière, la question de la route, le besoin de développer un DSOCR et que la dernière mission de suivi réactif date de 2012, il est recommandé que le Comité demande aux États parties d’inviter une mission conjointe de suivi réactif Centre du patrimoine mondial/UICN.
Finalement, il est recommandé que le Comité maintienne le bien sur la Liste du patrimoine mondial en péril.
Décisions adoptées par le Comité en 2018
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Adoptée
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Projet de décision
Projet de décision : 42 COM 7A.46
Le Comité du patrimoine mondial,
- Ayant examiné le document WHC/18/42.COM/7A.Add,
- Rappelant la décision 41 COM 7A.6, adoptée lors de sa 41e session (Cracovie, 2017),
- Accueille favorablement les efforts continus de l’État partie de la Côte d’Ivoire pour conduire des patrouilles de lutte contre le braconnage ainsi qu’un suivi écologique et demande aux États parties de Côte d’Ivoire et de Guinée de fournir de plus amples informations sur l’analyse des données récoltées lors des patrouilles de surveillance et de suivi écologique, afin de permettre une évaluation des tendances des activités anthropiques, y compris le braconnage, ainsi que des populations des espèces clés du bien ;
- Accueillant aussi favorablement le financement obtenu qui permettra la mise en œuvre des fonctions de gestion de la composante ivoirienne du bien, exprime sa préoccupation quant au niveau de collaboration transfrontalière formelle et réitère sa demande aux États parties de développer une gestion transfrontalière du bien et notamment l’harmonisation nécessaire du suivi écologique et de la mise en place des opérations conjointes de surveillance, et d’élaborer une suite au projet Nimba portant sur l’intégralité du bien, afin de promouvoir la mise en œuvre des mesures correctives ;
- Prend note de la confirmation de l’État partie de la Côte d’Ivoire qu’aucune zone dégradée n’est exclue de la composante ivoirienne du bien lors de la redéfinition des limites de la réserve et demande également à l’État partie de la Côte d’Ivoire de soumettre au Centre du patrimoine mondial une carte en haute résolution des limites actualisées ;
- Regrette que le rapport de l’État partie de la Guinée ne distingue pas clairement les informations obsolètes des informations actuelles concernant la mise en œuvre des mesures correctives ;
- Prend note de l’information fournie par l’État partie de la Guinée que toutes les activités minières des sociétés WAE et SMFG sont désormais suspendues et que le permis octroyé à la société SAMA Resources lui a été retiré depuis 2014 et réitère également sa demande qu’aucun nouveau permis d’exploration ou d’exploitation minière située autour du bien ne soit accordée sans qu’une Etude d‘impact environnementale stratégique (EIES) soit réalisée afin d’évaluer les impacts sur la valeur universelle exceptionnelle (VUE) du bien, y compris les effets cumulatifs de ces projets ;
- Regrette également que les Etats parties n’aient fourni aucune information concernant le projet d’aménagement de routes et de facilitation des transports au sein de l’Union du fleuve Mano, qui comprendrait le bitumage de la route Lola (Guinée) – Danané (Côte d’Ivoire) en passant par le Mont Nimba, et demande en outre aux États parties :
- de fournir de plus amples informations sur ce projet,
- d’assurer que les impacts du projet sur la VUE du bien sont évalués dans le cadre d’une EIES complète, conformément à la Note consultative de l’UICN sur le patrimoine mondial et l’évaluation environnementale,
- de soumettre, dès que disponible, une copie de cette EIES au Centre du patrimoine mondial pour examen par l’UICN ;
- Réitère en outre sa demande aux États parties de développer, en consultation avec le Centre du patrimoine mondial et l’UICN, une proposition d’État de conservation souhaité en vue du retrait du bien de la Liste du patrimoine mondial en péril (DSOCR) et l'ensemble d’indicateurs correspondants ;
- Demande par ailleurs aux Etat parties d’inviter une mission conjointe de suivi réactif du Centre du patrimoine mondial/UICN, afin d’évaluer l’état de conservation du bien, d’actualiser les mesures correctives, de proposer un calendrier pour leur mise en œuvre, de développer une proposition de DSOCR, et d’évaluer l’état actuel des différents projets miniers autour du bien ;
- Demande enfin aux États parties de soumettre au Centre du patrimoine mondial, d’ici le 1erfévrier 2019, un rapport conjoint actualisé sur l’état de conservation du bien et sur la mise en œuvre des points ci-dessus mentionnés, pour examen par le Comité du patrimoine mondial à sa 43e session en 2019 ;
- Décide de maintenir la Réserve naturelle intégrale du mont Nimba (Côte d'Ivoire / Guinée) sur la Liste du patrimoine mondial en péril.
* : Les menaces mentionnées sont présentées par ordre alphabétique ; cet ordre ne constitue nullement un classement selon l’importance de leur impact sur le bien. De plus, elles sont présentées de manière indifférenciée, que le bien soit menacé par un danger prouvé, précis et imminent (« péril prouvé ») ou confronté à des menaces qui pourraient avoir des effets nuisibles sur sa valeur universelle exceptionnelle (« mise en péril »).
** : Tous les rapports de mission ne sont pas toujours disponibles électroniquement.