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Grand angle

Trois dilemmes fondamentaux

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« Il faut abandonner les conceptions absolutistes de l'individu, de l'État et de la communauté mondiale », affirme Quincy Wright.

« Les droits de l'homme doivent être énoncés en tenant compte de leur relativité, et la mise en application de chaque droit doit se développer indépendamment et graduellement, à mesure que la communauté mondiale s'organise et que sa solidarité se développe. » C’est par ces mots que le politologue américain Quincy Wright (1890-1970) conclut sa réponse à l’enquête de l’UNESCO les fondements philosophiques des droits de l'homme, envoyée en juin 1947 sous le titre « Relationship between different categories of Human Rights » (Rapports entre différentes catégories de droits de l’homme).

Quincy Wright

Qui dit « droits de l'homme » dit « droits identiques pour tous les êtres humains ». Pourtant, on reconnaît généralement que, dans une large mesure, la nature humaine est le produit de la culture particulière au sein de laquelle l'individu s'est développé. Donc, si tous les hommes ont quelque chose en commun qui puisse servir de fondement à une déclaration universelle des droits, ce quelque chose doit résider soit dans des caractéristiques biologiques, psychologiques ou spirituelles communes qui persistent en dépit des différences culturelles, soit dans les éléments communs des cultures, que l'on peut considérer comme constituant une culture universelle.

On peut donc aborder le problème des droits de l'homme soit par l'analyse de l'individu pris en soi, abstraction faite de toute culture – c'est la notion de 1'« état de nature » au XVIIe siècle –, soit par l'analyse de la culture mondiale que l'on obtient en pratiquant l'abstraction des éléments communs de toutes les cultures.

Du premier point de vue, les biologistes nous disent que tous les hommes partagent avec les animaux supérieurs des désirs d'une intensité variable : instinct de conservation, désir de la nutrition, désir sexuel, désir de dominer. Les psychologues y ajoutent le désir d'une place sur la Terre, d'une certaine liberté individuelle, d'une certaine faculté de mouvement, enfin le désir de la société. Les théologiens et les philosophes maintiennent souvent que l'homme possède aussi un sentiment religieux et une faculté de pensée abstraite, quoique certains veuillent faire dériver ce sentiment et cette faculté de la culture plutôt que de la nature humaine originelle.

Du second point de vue, les sociologues et les historiens trouvent dans la plupart des cultures les germes de la reconnaissance de l'être humain comme digne de respect ; d'après eux, c'est aux cultures qu'il faut attribuer l'idée que chaque personne doit avoir une certaine sphère de liberté pour développer ses possibilités, que les hommes peuvent découvrir la vérité par l'observation et la raison, et qu'un compromis avec des représentants d'autres cultures est possible. Au fur et à mesure que la civilisation progressait, ces principes ont été de plus en plus clairement reconnus. La valeur d'une certaine forme d'égalité humaine, d'une certaine proportion de liberté individuelle, de l'application de la méthode scientifique et du respect des différences culturelles et personnelles, constituent autant d’éléments de la civilisation mondiale qui sont apparus avec le développement des contacts entre toutes les parties de l'espèce humaine après le XVIe siècle. Ces valeurs avaient aussi été reconnues, en partie ou intégralement, par des civilisations plus anciennes. La plupart d'entre elles figurent aussi dans les croyances des grandes religions, quoique les religions aient davantage mis l'accent sur la valeur spécifiquement religieuse de l'identité mystique de l'individu avec l'Univers, ou avec l’entité qui règne sur l'Univers, que sur les valeurs purement humanistes. 

Affirmer que les hommes sont des hommes et que toutes les cultures ont quelque chose en commun, c'est être loin encore d'une définition des droits qui puisse protéger les besoins et les désirs des hommes et leur assurer la jouissance des valeurs reconnues par la culture mondiale. Une telle définition se heurtera à des circonstances dans lesquelles les besoins et les désirs de l'individu seront en contradiction les uns avec les autres ou avec les valeurs universelles, et même à des circonstances dans lesquelles les valeurs universelles seront en contradiction les unes avec les autres.

Toutes les définitions déjà données des droits de l'homme soulèvent une série de questions : de l'homme contre le groupe ; du groupe contre le groupe ; du groupe contre le monde. Ces questions se posent nécessairement dans l'élaboration d'une déclaration des droits de l'homme et plus encore dans la création d'institutions et de méthodes destinées à en assurer l'application. Si, en dernier ressort, l'interprétation des droits de l'homme est laissée à l'individu, la société peut sombrer dans l'anarchie. Si on la laisse au groupe, la société mondiale peut sombrer dans la guerre internationale ou la guerre de classe. Et si on la laisse au monde, les groupes plus restreints peuvent disparaître et ce sera peut-être la tyrannie universelle. Examinons ces trois dilemmes fondamentaux.

L'homme contre le groupe

Le cas de l'homme contre le groupe a été exposé avec force à la première session de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, en janvier et février 1947. Selon M. Ribnikar, représentant de la Yougoslavie :

« Les nouvelles circonstances de notre vie économique, sociale et nationale tendent de nos jours à développer l'esprit de collectivité et la conscience et la solidarité des masses populaires. Nous comprenons de plus en plus qu'une véritable liberté individuelle n'est possible que s'il y a parfaite harmonie entre l'individu et la collectivité. Il devient tout à fait clair que cet intérêt commun est plus important que l'intérêt individuel et que l'homme ne peut se libérer que lorsque la masse de la population est libre. »

« À notre époque, le principe social se place au premier rang. Il a un but : créer les conditions nécessaires pour sauvegarder les intérêts de chaque individu. L'idéal social est l'idéal de l'immense majorité du monde et il réside dans l'identité des intérêts de la société et de l'individu. Ainsi, lorsqu'il s'agit comme aujourd'hui des droits de l'homme, de l'homme moderne, il ne faut pas penser à l'idéal politique d'une autre époque. Cet idéal appartient au passé et, s'il subsiste dans certains pays, il est l'idéal d'une seule classe de la société... »

D'autre part, M. Malik, représentant du Liban, a déclaré: « L'expression même “droits de l'homme” se rapporte évidemment à l'homme et, par “droits” il faut entendre exclusivement ce qui a trait à l'homme, c'est-à-dire ce qui n'est pas accidentel, ce qui ne fait pas qu'apparaître pour disparaître avec le temps, avec la succession d'engagements, de modes et de systèmes passagers. Il faut que ce soit quelque chose qui appartienne à l'homme en propre. Nous soulevons donc cette question essentielle : “qu'est-ce que l'homme ?” et nos divergences refléteront évidemment les divergences de nos conceptions de l'homme, c'est-à-dire de nous-mêmes...  »

« L'être humain individuel, vous et moi, n'a peut-être pas besoin aujourd'hui de protection contre le despotisme de l'individu. L'époque des dictateurs et tyrans est peut-être révolue. Mais si l'homme n'a plus besoin de protection contre la tyrannie des rois et des dictateurs, il a grandement besoin de protection contre un autre genre de tyrannie qui, à mon avis, est aussi regrettable. »

« Au cours des dernières décades, une nouvelle tyrannie est née, celle des masses, qui semble avoir une tendance inévitable à s'identifier finalement avec ce que je pourrais appeler la tyrannie de l'État. Si les droits essentiels de l'homme sont aujourd'hui menacés, le danger vient certainement de là. »

« Puis-je souligner que ce que je veux dire est en fait ceci : je n'établis pas une antithèse artificielle entre l'individu et l'État. Je pose cette question : lequel doit servir les intérêts de l'autre ? L'État servira-t-il les intérêts de la personne humaine, ou la personne humaine ceux de l'État ? Telle est, à mon avis, la question qui se pose en dernière analyse, à l'heure actuelle. J'estime que l'État doit servir l’intérêt de l'individu et, par conséquent, notre déclaration des droits doit poser ce principe dans l'intérêt duquel tout le reste existe, y compris les États. »

Ces débats indiquent clairement que, malgré les efforts des sociologues pour synthétiser la personnalité individuelle et la culture du groupe, le conflit latent entre l'individu et le groupe, souligné dans Man versus the State d'Herbert Spencer, n'a pas été résolu. Ceux qui acceptent l'opinion socialiste exprimée par M. Ribnikar mettent l'accent sur les droits sociaux et économiques, tels que le droit au travail, le droit à des conditions équitables de travail, à la sécurité sociale, à l'éducation, ou, en termes plus généraux, le droit d'être à l'abri de la crainte et du besoin. 

D'autre part, ceux qui admettent la thèse individualiste de M. Malik soulignent l'importance des droits civils et administratifs, tels que le droit à la liberté de conscience et à la liberté de parole, le droit d'association et le droit à la propriété du mouvement, au choix du métier, le droit de l'individu à être jugé sans retard et avec équité lorsqu'il est accusé de désobéissance à la loi et le droit d'être gouverné par des lois qui n'instituent pas une discrimination arbitraire, droits qui contribuent à la liberté individuelle de religion, d'opinion, d'expression et d'action, garantie en général dans les déclarations des droits du XVIIIe siècle. Il faut remarquer que ces droits ont été en général exprimés de façon universelle, alors que les droits sociaux et économiques, qui ont souvent figuré dans les déclarations de droits des constitutions du XXe siècle, ne s'appliquent en général qu'aux ressortissants de l'État concerné. Ceci indique peut-être que les droits économiques et sociaux sont moins susceptibles d'être universalisés que ne le sont les droits individuels.

L'une et l'autre de ces catégories figurent dans les déclarations internationales des droits proposés par des organismes privés au cours des quelques années écoulées, et il se peut que leur prétendue incompatibilité ait été exagérée. Il est vrai que les États qui mettent l'accent sur les droits sociaux et économiques ont fréquemment négligé les droits civils et administratifs, en pratique.

Les États modernes ont, en général, reconnu la nécessité d'un compromis entre les intérêts individuels et les intérêts de la société, et ils ont cherché à les protéger les uns et les autres dans une certaine mesure par la loi. Les constitutions du XXe siècle garantissent en général ces deux catégories de droits à leurs citoyens. Elles leur ont cependant, en général, donné un caractère relatif plutôt qu'absolu. Elles ont reconnu, en outre, que les méthodes d'application de ces différentes catégories de droits doivent être différentes.

Les droits individuels sont, en général, en corrélation avec les devoirs négatifs de l'État, et les droits sociaux avec les devoirs positifs de l'État. Les droits individuels exigent que l'État s'abstienne d'empêcher le libre exercice de ses facultés par l'individu, alors que les droits sociaux exigent que l'État entrave un certain nombre des activités auxquelles l'individu voudrait se livrer, par la perception des impôts, l'exercice des pouvoirs de police, la réglementation des activités économiques et l'administration des services publics. Les droits individuels peuvent donc, dans une large mesure, être assurés par l'action judiciaire, en déclarant nuls et non avenus les lois et les décrets administratifs qui les violent. Les droits sociaux, d'autre part, exigent des mesures législatives, administratives et exécutives pour promulguer de nouvelles lois et les appliquer. Les droits individuels pourraient donc être exprimés dans une déclaration internationale des droits sous forme de règlement législatif dont l'application est susceptible d'être garantie judiciairement, alors que les droits sociaux ne peuvent s'exprimer que sous forme de buts ou de principes destinés à inspirer la législation nationale ou internationale, la coopération internationale, ou l'activité administrative. En conséquence, si ces deux catégories de droits figurent dans une déclaration commune , il faut qu'il soit bien entendu qu'aucun mode commun d'application n'est possible. Plutôt que d'avoir véritablement force de loi, la déclaration internationale des droits serait plutôt une déclaration des buts.

Même à ce point de vue cependant, les différences entre les deux catégories de droits peuvent être exagérées. Les droits individuels, s'ils sont essentiellement corrélatifs du devoir qu'a l'État de s'abstenir, peuvent aussi exiger une action positive de l'État, qui établirait et maintiendrait des tribunaux avec des pouvoirs appropriés, et instituerait une législation criminelle et une administration chargée d'empêcher les autres individus de la communauté de porter atteinte à ces droits. Le respect de tous les droits de l'homme, dans un monde aussi interdépendant que le monde moderne, exige également des institutions internationales et des méthodes capables d'assurer que les États accomplissent leurs devoirs, tant négatifs que positifs, à l'égard de ces droits. Ces considérations permettent de penser que la déclaration initiale des droits de l'homme doit aussi avoir la forme d'une déclaration des autorités compétentes de la communauté mondiale énonçant ces droits, mais sans dispositions formelles au sujet de leur application. Il doit être admis qu'en ce qui concerne l'application des droits, ceux-ci doivent être considérés comme étant fonctions les uns des autres, et que chacun d'eux doit être appliqué par des méthodes nationales et internationales appropriées et peut-être différentes.

Le groupe contre le groupe

Le cas du groupe contre le groupe a été moins longuement examiné à la session de la Commission des droits de l'homme que ne l'a été la question de l'individu contre le groupe, mais ce conflit latent influençait toute la discussion, comme l'indique la déclaration de M. Mora, représentant de l'Uruguay : « Les déclarations des droits ont toujours eu un caractère national. Il me semble qu'au XXe siècle, nous devrions mettre l'accent sur les droits internationaux de l'homme… »

« Selon la doctrine classique, seuls les États sont soumis à la loi internationale. Il faut maintenant déclarer que l'homme est l'élément le plus important de toute loi, nationale ou internationale. »

Pourquoi cette idée s'est-elle répandue que seuls les États sont soumis à la loi internationale et que les individus ne sont soumis qu'à la loi nationale ? Ce n'est pas en raison de l'opinion socialiste, selon laquelle le groupe doit dominer l'individu, mais parce qu'il est nécessaire que l'État exerce le contrôle suprême sur ses sujets afin de se protéger contre les États étrangers. […]

Il est évident que cet argument, qui s'oppose aux droits de l'homme du fait que leur mise en application par une autorité mondiale restreindrait la liberté de l'État dans ses relations internationales, prévaudra probablement tant que persisteront les conditions dans lesquelles s'exercent les politiques de puissance et la volonté d'assurer l'autonomie absolue du gouvernement national, de l'économie et de la culture. La certitude que les Nations Unies sont capables d'assurer la sécurité à tous les États peut être une condition de la mise en application effective des droits de l'homme. Tant que des événements internationaux peuvent se produire qui obligent un État, s'il veut survivre, à s'appuyer sur sa propre unité, l'État hésitera à abandonner le contrôle suprême de la loi applicable sur son territoire.

Mais dans un monde solidaire, la sécurité est peut-être impossible, même par le jeu de la politique de puissance, si habile soit-elle. Il se peut que la sécurité ne s'obtienne que par la sécurité collective, et que celle-ci ne s'obtienne elle-même que par l'intuition de la communauté mondiale. Celle-ci, à son tour, peut impliquer la reconnaissance et le respect universels des droits de l'homme. L'organisation d'institutions mondiales chargées de la sécurité est peut-être impossible à moins que la communauté mondiale ne donne naissance à une culture commune et à des droits communs et semblables. 

Le respect universel des droits de l'homme peut créer des conditions dans lesquelles ces relations entre groupes pourront aboutir à la collaboration et à la paix éventuelle. Les règles du droit international, qui fixent les relations d'État à État, doivent s'adapter à cette nouvelle situation. Les droits des États doivent être considérés dans leurs relations avec les droits des individus. L'État, comme l'individu, doit être considéré comme soumis à la loi internationale et il ne faut pas que l'État exerce une souveraineté absolue, mais une autorité définie par cette loi. Une telle adaptation implique, cependant, que la communauté mondiale soit suffisamment bien organisée et suffisamment puissante pour assurer la sécurité des États par la loi.

Le groupe contre le monde

La question du groupe contre le monde est posée par les dispositions quelque peu contradictoires de la Charte des Nations Unies. D'une part, la Charte interdit l'intervention des Nations Unies dans des questions qui relèvent essentiellement des affaires intérieures d'un État (article 2, paragraphe 7), et d'autre part, elle oblige tous les membres à prendre, conjointement ou séparément, des mesures en collaboration avec l'Organisation, afin d'assurer le respect universel et l'application des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion (article 55, paragraphe C, et 56).

Cela signifie-t-il que les mesures prises par les Nations Unies pour protéger les droits de l'homme sont placées par la Charte hors de la sphère prohibée de la juridiction intérieure des États ? Ou la protection des droits de l'homme dépend-elle de la conception que chaque État a de sa juridiction intérieure et de la façon dont il l'exerce ?

La résolution adoptée par l'Assemblée générale, en décembre 1946, lorsque l'Inde a accusé l'Union sud-africaine de ne pas accorder les droits de l'homme aux Indiens qui habitent son territoire, implique la première interprétation. C'est également ce que suggèrent les dispositions du statut de Nuremberg considérées comme des principes généraux de droit par le Tribunal de Nuremberg, c'est-à-dire que « les lois de l'État » ne peuvent protéger les individus poursuivis pour offense contre le droit des nations.

L'expérience a montré qu'il ne faut pas compter qu'en toutes circonstances les États respectent les droits établis sur leur propre territoire. Les cruautés commises contre les minorités, au cours des années récemment écoulées, ont offensé la conscience de l'humanité. Pour que les droits de l'homme soient respectés, il faut conférer aux Nations Unies une certaine compétence et leur donner des moyens de coercition, afin de modifier les anciennes conceptions de la souveraineté de l'État dans la communauté mondiale. Il est évident que la loi de la Charte des Nations Unies, qui cherche à définir les rapports des États et de la communauté mondiale, doit favoriser les compromis nécessaires entre la juridiction intérieure des États et la compétence des Nations Unies pour sauvegarder les droits de l'homme. La responsabilité de l'État et le pouvoir des Nations Unies doivent être interprétés de façon à rendre les droits de l'homme accessibles à tous.

Les arguments exposés dans cet article laissent entendre que, dans l'élaboration des déclarations internationales des droits de l'homme, il faut abandonner les conceptions absolutistes de l'individu, de l'État et de la communauté mondiale. L'individu et l'État, bien que distincts, sont rattachés l'un à l'autre à un degré qui varie suivant les circonstances ; entre autres, suivant les relations de l'État avec les autres États et la communauté mondiale.

Il n'est possible de définir les droits de l'homme qu'en examinant soigneusement, à la fois, la nature originelle de l'homme et les normes contemporaines de la civilisation du monde. Toute définition des droits de l'homme ne peut avoir force de loi que si les relations entre chaque droit et les exigences de l'État et l'autorité des Nations Unies sont reconnues. Le rôle de l'État dans la protection des valeurs de la culture nationale, dans l'organisation des expériences sociales et dans le maintien de la solidarité nationale doit être reconnu. Le rôle des Nations Unies, dans la coordination des cultures nationales dans le cadre de la culture mondiale, dans l'organisation de la coopération internationale en vue du bien-être et du progrès de l'humanité et dans la protection des lois internationales et mondiales, ne peut se développer que graduellement. Les droits de l'homme doivent être énoncés en tenant compte de leur relativité, et la mise en application de chaque droit doit se développer indépendamment et graduellement, à mesure que la communauté mondiale s'organise et que sa solidarité se développe.

Philip Quincy Wright

Spécialiste en sciences politiques et en droit international, l’Américain Philip Quincy Wright  (1890-1970) est surtout connu pour ses travaux classiques sur la guerre et les relations internationales. Il a été universitaire pendant de nombreuses années, avant de devenir conseiller pour le Département d’État des États-Unis entre 1943 et 1945, et pour le Tribunal militaire international de Nuremberg en 1945. Il a été consultant de l’UNESCO en 1949 et a été le représentant américain de la Haute commission pour l’Allemagne occupée (1949-1950). Wright a publié A study of war (Une étude sur la guerre, 1942), en deux volumes, un ouvrage dans lequel il examine la guerre en tant qu’institution, sur les plans historique, légal et culturel, et où il conclut que la guerre pourrait être éliminée grâce à la mise en œuvre d’une organisation mondiale. Il a été un des promoteurs de la Société des Nations dans les années 1920 et 1930.