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 » Un océan en mutation : la prise de décisions face à la multiplication des facteurs de stress dans l’océan
08.06.2018 - Commission océanographique intergouvernementale

Un océan en mutation : la prise de décisions face à la multiplication des facteurs de stress dans l’océan

© Meredith Kurz

Dans ce troisième article de notre série dédié aux points de vue de femmes scientifiques sur les problématiques émergentes relatives aux sciences océaniques, Meredith Kurz et le Dr Elizabeth “Libby” Jewett (Etats-Unis) abordent la question de l’acidification de l’océan – « l'autre problème du CO2 », qui menace la santé et la productivité de l'océan.

Plongez au cœur des problématiques les plus importantes dans le domaine des sciences océaniques à travers les yeux de femmes qui ont consacré leur vie à l'océanographie et qui partagent leurs dernières découvertes scientifiques lors du 4e Symposium international sur les effets des changements climatiques sur l’océan, ECCWO (Washington DC, États-Unis, 4-8 juin) – un rassemblement d’éminents chercheurs de plus de 50 pays spécialistes de l’océan et du climat.

Les personnes interrogées nous montrent à quel point la conservation et l'exploitation durable de l'océan dans un contexte de changement climatique représentent un enjeu vital, mais soulignent également le rôle important que peut jouer la communauté scientifique pour combler le fossé entre les connaissances et l’action.

Grâce à un milieu scientifique en plein essor, à des innovations et à des découvertes passionnantes, nous comprenons mieux à présent le système climatique de notre planète – mais comment pouvons-nous transformer ces connaissances pertinentes pour la prise de décision en mesures concrètes qui nous mèneront vers l’océan dont nous avons besoin pour le futur que nous voulons ? Nous avons demandé à Meredith Kurz et au Dr Elizabeth "Libby" Jewett de l’Agence américaine d'observation océanique et atmosphérique (US-NOAA) d'expliquer pourquoi cette transformation est si cruciale pour les décideurs et la société dans son ensemble.

Quels sont aujourd’hui les principaux facteurs de changement d’état (chimique, physique, etc.) de notre océan ?

Les émissions de CO2 d’origine anthropique (induites par l'homme) représentent le principal facteur responsable de la diminution globale du pH moyen de l’eau de mer et de l’augmentation globale de la température de l’océan. Plus la concentration en CO2 augmente dans l’atmosphère, plus la quantité absorbée par l'océan augmente. L'océan a absorbé plus d'un quart des émissions de CO2 depuis le début de l'industrialisation. Un résultat prévisible de cette augmentation des taux de CO2 dissous dans l'eau de mer est une réaction chimique qui fait chuter le pH de l'eau. Par conséquent, l’acidité moyenne de l'eau de mer a déjà augmenté de près de 30% depuis le début du XXe siècle.

A eux deux, le réchauffement et l'acidification de l’océan constituent les deux « problèmes de CO2 » ainsi que les principaux facteurs responsables du changement de l'état global de l'océan.

Cependant, les émissions de CO2 ne sont pas les seules activités humaines dont les conséquences altèrent la chimie de l'eau de mer, qui peut varier à travers le temps et l'espace. Par exemple, l'acidification de l’océan le long de la côte varie plus qu’en pleine mer. Les ruissellements provenant des terres peuvent contenir des nutriments qui, par divers mécanismes, peuvent affecter la chimie de l'eau de mer au niveau local et ainsi entraîner à la fois un manque d'oxygène et l’acidification. La quantité de pluie dans une région donnée influe également sur le pH local car l'eau douce a un pH naturellement faible. D'autres gaz industriels tels que l'acide sulfurique peuvent également acidifier les eaux côtières par dépôt local. Identifier les multiples facteurs de stress qui varient à travers le temps et l’espace est une priorité majeure pour les chercheurs qui s’intéressent à l’acidification de l’océan.

Comment expliqueriez-vous le phénomène d’acidification de l’océan et la menace que cela représente à un politicien ou encore à votre conseiller municipal ?

L’acidification de l’océan est parfois surnommée « l’autre problème du CO2 » car il s’agit d’un phénomène directement causé par les émissions de CO2, et nous constatons d’ores et déjà d’importants changements dans l’océan à travers le monde. Pour comprendre pourquoi l’acidification est mauvaise pour l’océan, regardons simplement pourquoi votre dentiste vous dit que les boissons gazeuses sont mauvaises pour vos dents : ajouter du dioxyde de carbone dans de l'eau réduit son pH. L'eau de l'océan ne sera jamais aussi acide que le soda, cependant les chercheurs craignent que les écosystèmes marins n'aient pas le temps de s'adapter à ce changement rapide du pH. L’acidification de l’océan implique que les coquillages et les coraux ont plus de difficulté à construire leurs coquilles et leurs squelettes car les particules nécessaires à leur fabrication (ions carbonate) sont moins présentes. Dans certaines parties les plus acidifiés de l'océan, nous avons déjà vu des trous se former sur les coquilles de minuscules organismes appelés ptéropodes. Ces organismes se trouvent à la base de la chaîne alimentaire qui comprend des poissons et mammifères marins importants pour les humains.

Les récifs coralliens constituent un habitat essentiel pour de nombreux organismes marins et ont donc une valeur économique considérable, sans compter leur valeur en tant que destinations touristiques et écosystèmes d’importance culturelle. Bien que leur plus grande menace à court terme soit le blanchiment, causé par la chaleur, l'acidification de l’océan peut rendre plus difficile la régénération des récifs ayant déjà subi un épisode de blanchiment. L'acidification de l’océan pourrait aussi avoir des effets très surprenants, comme changer le goût des crevettes !

En fin de compte, l'acidification de l’océan n'est pas seulement une menace pour les bébés huîtres et les coraux. C'est une menace pour la sécurité alimentaire de l’homme et, par conséquent, pour notre bien-être.

Comment les scientifiques du monde entier mesurent-ils les changements dans l’océan ? Quels sont les principaux systèmes mis en place ? Sont-ils suffisants ?

Depuis 2012, des scientifiques du monde entier se sont rencontrés à Seattle, aux États-Unis, puis à St. Andrews, au Royaume-Uni, pour envisager la création d'un Réseau mondial d'observation de l'acidification de l’océan (‘Global Ocean Acidification Observing Network’ – GOA-ON), mis en place depuis. Le but de ces réunions était de convenir d'une approche internationale basée sur la collaboration et la cohésion pour suivre l’évolution de l'acidification de l’océan et comprendre ses impacts. Les chercheurs qui étudient l'acidification ont convenu que la meilleure approche consiste à travailler à l’échelle locale, régionale et mondiale.

Les chercheurs qui se sont rencontrés dans le cadre du réseau GOA-ON ont convenu que quatre types de mesures liées au carbone fournissent le niveau minimum d'information nous permettant de comprendre la chimie des carbonates de l’océan : pH, carbone inorganique dissous, alcalinité totale et pression partielle du dioxyde de carbone (ou fugacité). Les scientifiques doivent mesurer au moins deux de ces éléments pour pouvoir calculer les quatre mesures. Lorsque celles-ci sont associées à des données sur la salinité, température, pression et concentration en oxygène, les scientifiques peuvent créer une image complète de l'état physique et chimique d’un lieu particulier dans l'océan à un moment donné.[1]

Les chercheurs sur l'acidification de l’océan utilisent diverses plateformes pour recueillir des données sur la chimie de l’océan : l’échantillonnage sur des navires de recherche ou « navires d’opportunité », les plateformes fixes comme les jetées et les amarrages, ou encore les plateformes mobiles comme les planeurs sous-marins robotisés. Sur ces plateformes, les scientifiques peuvent fixer des capteurs pour recueillir des données clés. Dans l’idéal, les scientifiques prennent ces mesures fréquemment au fil du temps, car la chimie de l’océan peut varier d’une saison à l’autre ou même au cours d'une journée ; une seule mesure ne suffit donc pas à fournir une image précise. L'un des objectifs du réseau GOA-ON est de fournir un portail de données qui indique les outils de surveillance de l'acidification de l’océan dans le monde.[2] Il montre que même si les observations de l'acidification de l’océan se développent, il reste d’importantes lacunes dans plusieurs régions, en particulier dans les zones plus difficiles d’accès pour les chercheurs, telles que l'océan Austral ou l'Arctique.

Comment distinguer les changements naturels de ceux induits par l'homme dans l'océan ? Dans quelle mesure le changement climatique aggrave-t-il les facteurs de stress naturels de l’océan ?

Distinguer les changements naturels des changements anthropiques dans l'océan est compliqué. Cependant, la chimie de l'acidification de l’océan est très simple et peut être démontrée dans une salle de classe en soufflant du CO2 (en expirant) dans un réservoir d'eau. La chimie de base nous dit que le CO2 se mélange à l’eau (H2O) pour former de l'acide carbonique (CH2O2) – c'est pourquoi nous appelons ce phénomène l'acidification de l’océan. Des recherches actives sont en cours pour séparer le dioxyde de carbone provenant de la combustion de combustibles fossiles et d'autres activités humaines du dioxyde de carbone qui résulte naturellement de la respiration biologique. Pour compliquer davantage le travail des scientifiques, les changements climatiques peuvent également intensifier la respiration biologique.

Les citoyens peuvent-ils faire quelque chose de particulier dans leur vie quotidienne pour aider ?

L'acidification de l’océan est causée par les émissions de CO2, ce qui signifie que la communauté mondiale peut y faire face de la même manière que pour le changement climatique : en réduisant les émissions de CO2. Les individus peuvent calculer leur empreinte carbone et identifier les meilleurs moyens de réduire leurs émissions personnelles, comme choisir d’aller au travail en vélo ou en transports en commun plutôt que de conduire un véhicule personnel. Les communautés ont davantage de marge de manœuvre : elles peuvent travailler ensemble pour trouver des solutions, comme demander à leurs élus de développer plus de sources d'énergie renouvelables pour remplacer l'énergie issue des combustibles fossiles dans leur communauté. Il y a d'autres moyens d'aider que de réduire les émissions, car les écosystèmes ont plus de difficulté à gérer l'acidification de l’océans lorsqu'ils sont combinés à d'autres facteurs de stress pour l'océan. S’efforcer de réduire la pollution des nutriments qui pénètre dans l'océan depuis les terres, en utilisant par exemple moins d'engrais sur les pelouses, peut réduire un stress gérable au niveau local et donner ainsi aux écosystèmes marins la capacité nécessaire pour faire face à l'acidification de l’océan.

***

La Commission océanographique intergouvernementale (COI) de l'UNESCO co-organise ce Symposium international quadriennal depuis 2008 en collaboration avec le Conseil international pour l'exploration de la mer (CIEM), l'Organisation des sciences de la mer pour le Pacifique Nord (PICES) et l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l’agriculture (FAO).

Suivez toutes les news du Symposium ECCWO sur Twitter @ECCWO !

Pour plus d'information, veuillez contacter :

Salvatore Arico (s.arico(at)unesco.org)

Libby Jewett (libby.jewett(at)noaa.gov)

Meredith Kurz (meredith.kurz(at)noaa.gov)

Ou visitez :

Site web du Symposium ECCWO

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[1] Further detail and justification is outlined in the GOA-ON Requirements and Governance Plan. Newton, J.A., Feely, R.A., Jewett, E.B., Williamson, P., and J. Mathis. 2015. Global Ocean Acidification Observing Network: Requirements and Governance Plan, 2nd Edition. http://goa-on.org/documents/resources/GOA-ON_2nd_edition_final.pdf

[2] http://portal.goa-on.org/Explorer




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