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Ce que l’élite contemporaine pense des droits de l’homme

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Human Rights by Nick Youngson CC BY-SA 3.0 Alpha Stock Images

L'un des projets les plus importants ‒ et les moins connus du public ‒ parmi ceux que l’UNESCO a mis en oeuvre au cours de ces derniers mois est celui d’un recueil universel d'articles sur les fondements philosophiques des droits de l’homme. Une entreprise de ce genre, dans un monde en proie à des problèmes aussi redoutables que la famine qui accable des millions d'êtres humains et que les conflits d'idéologies, parait revêtir un intérêt purement théorique. Pourtant, elle se présente à un moment particulièrement opportun, à l'issue de l'un des conflits les plus terribles de l'histoire, conflit au cours duquel les peuples du monde ont lutté contre la négation des droits de l’homme. Cette entreprise vient au moment où, à l'issue de cette lutte, les hommes et les femmes du monde entier se posent la question : « Quels sont les droits de l'humanité ». Dans l'article qui suit, Jacques Havet, membre de la Division de Philosophie et Civilisations de l’UNESCO qui a pris une part décisive à la préparation et à la composition de ce recueil, décrit brièvement ce projet actuellement en voie d’achèvement.

par Jacques Havet

C’est lors de la première session de la Conférence générale [du 20 novembre au 10 décembre 1946] qu'une enquête sur les origines et les fondements philosophiques des droits de l’homme fut incorporée au programme de l’UNESCO. A cette époque, un an à peine après la fin de la guerre, un projet de ce genre était particulièrement opportun car cette question s'était imposée à la conscience universelle. Toute notre structure sociale avait été ébranlée par les répercussions de la guerre totale. Partout, les hommes cherchaient un dénominateur commun au problème des droits essentiels de l'être humain. Sporadiquement au cours de l'histoire des affirmations de ces droits se sont fait jour. La Déclaration d’indépendance américaine en 1776, la Déclaration des droits de l’homme par l'Assemblée nationale française en 1789 et la Déclaration des droits des peuples travailleurs et exploités, adoptée par le Congrès des Soviets de toutes les Russies en 1918, sont trois exemples frappants de documents de ce genre.

Une déclaration universelle, toutefois, n'avait jamais été envisagée. Un document de ce genre devrait concilier des points de vue opposés ou divergents. Il devrait être suffisamment précis pour revêtir une réelle valeur tant du point de vue des aspirations que de l'action pratique ; mais assez général et assez souple, néanmoins, pour s'appliquer à tous les hommes, et pouvoir s'adapter à des populations se trouvant à des stades différents de l'évolution sociale et politique, sans rien perdre de sa valeur pour eux et pour leurs aspirations. 

Lors de la première session de la Conférence générale de l’UNESCO, en novembre 1946, il fut décidé de demander aux philosophes et aux penseurs de tous les pays leur opinion au sujet des droits de l'homme et de l'évolution de ces droits au cours du siècle dernier. Ils devaient indiquer aussi quelles étaient, à leur avis, les forces qui mettent ces droits en péril. Les délégués à la Conférence se rendirent compte qu'un projet de ce genre devait être mis en oeuvre en liaison avec les travaux de la Commission des doits des de l'homme des Nations Unies (CDH), et qu'une coordination s'imposait.

La CDH mettait au point, à cette époque, l'un des projets les plus importants de l'histoire sociale : celui d'une Déclaration universelle des droits de l'homme. Lors de la réunion du Conseil économique et social des Nations Unies tenue en janvier 1947, les représentants de l’UNESCO firent connaître l'intention de cette Institution spécialisée de coopérer à cette entreprise. Il fut convenu que le meilleur moyen d'assurer une aide de ce genre serait de mener une enquête internationale parmi les penseurs, les spécialistes des sciences sociales et les philosophes afin de trouver des terrains d'entente sur cette question, puis de soumettre l'ensemble des documents ainsi recueillis à la CDH pour servir à la préparation de la Déclaration universelle des droits de l'homme.

Ainsi, l’UNESCO assignait deux objectifs à cette enquête : présenter un exposé d'ensemble à la CDH et préparer les éléments d'une publication destinée au grand public. Un mémoire comprenant un questionnaire fut, en conséquences, préparé par un comité spécial et adressé à des philosophes, à des savants et à des hommes politiques dans le monde entier, soit par l'intermédiaire des Commissions nationales, soit directement.

Les quelque soixante-dix réponses reçues sont parfois des lettres très courtes, parfois de longues études de la question, mais comportent en moyenne de deux à quatre mille mots. Ces réponses reflètent les idées de presque tous les groupes nationaux et presque toutes les conceptions idéologiques du monde.

C'est ainsi que le professeur Tchechko (URSS.) a rédigé une analyse des droits de l'homme fondée sur les principes et les documents soviétiques officiels.

Le Conseil américain des Sociétés savantes avait désigné un comité qui a exprimé des vues allant d'un traditionalisme extrême jusqu'à des conceptions nettement progressistes.

Feu le Mahatma K. Gandhi fit une réponse d'une concision parfaite.

Un Comité d'Experts de l'UNESCO se réunit en juillet 1947 pour étudier ces réponses. Il se composait de personnalités représentant les opinions et les croyances les plus diverses. Ce Comité rédigea une série d'exposés sur les fondements philosophiques des droits de l'homme, soulignant l'influence des changements historiques et s'efforçant, en une perspective hardie, de montrer à quel point des conceptions en apparence fortement opposées tendent vers un idéal commun dans l'avenir.

Ces exposés furent envoyés à la CDH, qui les examina lors de sa reunion tenue à Genève au mois de décembre de l'année dernière. 

A la même époque, l'UNESCO réunissait une fois de plus son groupe d'experts qui tint une nouvelle réunion en juillet 1948, afin de préparer une publication d'un recueil des réponses. Celles-ci furent soigneusement étudiées ; et, des centaines de milliers de mots que comportaient les exposés, on a tiré, en vue de la publication, un manuscrit d'environ cent mille mots. Parmi les auteurs, citons : Harold Laski, Jacques Maritain, Benedetto Croce, E.H. Carr, Salvador de Madariaga, Aldous Huxley, Richard McKeon, Quincy Wright, F.G.C. Northrop et Humayun Kabir.

Jacques Maritain rédige actuellement une introduction à l'ensemble du recueil.

Le volume sera publié, cette année, en anglais, en français et en espagnol ; et, plus tard, espère-t-on, en d'autres langues. On peut s'attendre à ce qu'un ouvrage de ce genre, présentant des opinions diverses sur les droits de l'homme, rencontre un vif succès auprès du public et contribue à créer une meilleure compréhension entre des hommes de cultures différentes.

Découvrez ici d'autres articles et numéros consacrés aux droits de l'homme dans Le Courrier de l'UNESCO.

Jacques Havet

de la Division de Philosphie et Civilisation (UNESCO)