AKRAB! (S’alphabétiser, c’est pouvoir)
Profil de pays: Indonésie
Population | 249.866.000 (2013) |
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Langue officielle | Bahasa Indonesia |
Autres langues parlées | Javanais, soundanais, batak et bugis |
Ratio de la population pauvre disposant de 2 $PPA par jour (% de la population) | 43,3 (2013) |
Taux net d’admission dans l’enseignement primaire (TNA total, %) | 96% (2006) |
Taux d’alphabétisme total des jeunes (15 – 24 ans, 2015) |
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Taux d’alphabétisme des adultes (15 ans et plus, 2015) |
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Sources |
Présentation générale du programme
Titre du programme | AKRAB! (Aksara Agar Berdaya – S’alphabétiser, c’est pouvoir) |
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Organisation chargée de la mise en œuvre | Gouvernement indonésien (approche interministérielle intégrée) ; coordonnée par la Direction du développement de l’éducation communautaire, Direction générale de la petite enfance, de l’éducation non formelle et informelle, ministère de l’Éducation et de la culture, République d’Indonésie |
Langues d’enseignement | Langues locales et bahasa Indonesia (langue nationale) |
Partenaires | Centres d’apprentissages communautaires, ONG, institutions religieuses et universitaires. |
Date de création | 2008 |
Historique et contexte
L’Indonésie compte plus de 234 millions d’habitants, répartis sur environ 6000 îles. Cette immense population se compose de plus de 300 groupes ethniques parlant environ 680 langues locales. Fournir une infrastructure éducative à une population aussi diverse sur les plans ethnique, linguistique et géographique constitue un énorme défi. Pourtant, le système d’enseignement public indonésien se classe troisième mondial en terme d’effectifs, avec plus de 50 millions d’apprenants répartis entre environ 490 municipalités. C’est grâce à ce vaste système d’enseignement primaire que le pays a atteint un taux net de scolarisation (TNS) de 94,41 % en 2011. Ainsi, le taux d’alphabétisme des jeunes est estimé à près de 98,51 % (2010), avec peu de disparités entre les sexes.
Comparé au taux d’alphabétisme des jeunes, celui des adultes est relativement faible, avec 94,98 %. Avec 24,87 dollars par habitant par mois, 11,96 % des Indonésiens vivent sous les seuils de pauvreté alimentaire et non alimentaire. Le gouvernement a identifié l’analphabétisme des adultes parmi les causes principales de cette prévalence relativement élevée de la pauvreté.
Les efforts coordonnés de lutte contre l’analphabétisme en Indonésie remontent à la période 1945-1965. Ces efforts ont été consolidés en 1970, avec le lancement du Package A, un programme de 100 modules, dont les dix premiers (A1-A10) portent sur l’alphabétisation de base, et le reste (A11-A100) sur l’alphabétisation axée sur les compétences de la vie courante. Au cours des trois décennies suivantes, le taux d’analphabétisme a baissé de moitié, passant de 21 % environ en 1970 à près de 11 % en 2000, tandis qu’une amélioration de la productivité des néo-alphabètes dans les secteurs primaires et secondaires a été notée.
Les gains de productivité observés dans les différents secteurs ont stimulé l’intérêt de diverses parties prenantes pour l’alphabétisation, y compris le secteur privé et de nombreux ministères. Ainsi, les derniers objectifs éducatifs de l’Indonésie sont le fruit d’une approche intégrée de nombreux départements ministériels et parties prenantes de la société civile. Depuis 2000, l’accent est mis sur l’accélération des efforts d’alphabétisation, conformément au programme LIFE (Literacy Initiative for Empowerment) de l’UNESCO. L’éducation et l’alphabétisation constituent des objectifs prioritaires de la planification stratégique nationale, et l’objectif était d’atteindre un taux d’alphabétisme des adultes de 95,8 % en 2014, soit 8,5 millions de néo-alphabètes par rapport à 2008.
Le programme AKRAB!
En 2006, le gouvernement indonésien a initié le mouvement national pour accélérer la concrétisation de l’éducation de base obligatoire et combattre l’analphabétisme, NMHFAI (National Movement to Hasten Compulsory Nine-Year Basic Education Accomplishment and Fight Against Illiteracy). Aksara Agar Berdaya (AKRAB!), ou « S’alphabétiser, c’est pouvoir », en est la composante Éducation des adultes. Ce programme offre des cours d’alphabétisation initiale et avancée en langues locales et en bahasa Indonesia.
En institutionnalisant les centres d’apprentissage communautaires (CLC) et les autres réseaux d’éducation non formelle existants, le programme a pu rapidement réaliser une très large couverture, avec 7 073 sites desservant plus de 75 000 villages. AKRAB permet à l’apprenant de s’alphabétiser tout en se formant dans des domaines comme les compétences de la vie courante, la santé et la nutrition, l’agriculture, l’environnement, l’entrepreneuriat, l’identité nationale, la tolérance religieuse, le renforcement de la paix et la prévention du comportement destructif et de la traite des êtres humains.
Le programme AKRAB se compose des volets parallèles suivants :
- Accélération de l’alphabétisation
- Alphabétisation de base des individus et alphabétisation familiale combinée avec l’alphabétisation basée sur le folklore en langues locales.
- Alphabétisation mixte pour l’entrepreneuriat (« apprendre pour entreprendre »)
- Activités génératrices de revenus et entrepreneuriat au profit d’individus et de groupes communautaires, avec apprentissage et renforcement de l’alphabétisation dans le cadre d’un plan dénommé « apprendre pour entreprendre ».
- Renforcement de la culture de la lecture
- Jardins de lecture communautaires et infrastructures TIC dans les espaces publics pour l’accès aux supports post-alphabétisation et la promotion de la culture de la lecture et de l’écriture.
Buts et objectifs
Le ministère de l’Éducation et de la culture de la République d’Indonésie a identifié les objectifs suivants :
- accélérer l’alphabétisation ;
- améliorer l’entrepreneuriat et les activités génératrices de revenus ;
- renforcer la culture de la lecture ;
- renforcer l’égalité des sexes ;
- améliorer l’autonomisation des femmes et les partenariats communautaires ;
- améliorer la formation des tuteurs ;
- institutionnaliser et coordonner les centres d’apprentissage communautaires et les autres initiatives communautaires ;
- améliorer les équipements et infrastructures éducatifs
Mise en œuvre du programme : Approches et méthodes
Dispositif organisationnel
Un des points forts du programme AKRAB réside dans sa coordination et sa mise en œuvre à travers une approche holistique fortement intégrée impliquant diverses parties prenantes. Il tire cette grande force de la diversité des idées et des sources de financement ainsi que de la multiplicité des efforts des différents secteurs. Cette approche intégrée comporte aussi de nombreux défis, notamment en termes d’identification et d’accord sur des objectifs communs. La conception réussie d’un système intersectoriel intégré par le programme AKRAB devrait inspirer les autres structures de gestion intersectorielle intégrée, pour lesquelles une telle approche apparaît de plus en plus incontournable pour la prise en charge de nombreux autres enjeux, tels que la gestion des ressources environnementales. De ce point de vue, le programme AKRAB comporte de multiples leçons précieuses pour les décideurs des différents secteurs.
La conception et la coordination du programme AKRAB relèvent du ministère de l’Éducation et de la culture. Les autres départements ministériels assument les rôles suivants :
- Ministère de l’action sociale – définit le rôle de chaque ministère dans le mouvement et aide à coordonner le programme.
- Ministère de l’Intérieur – promeut l’adoption d’un cadre juridique pour les administrateurs provinciaux, municipaux et locaux et la participation du secteur privé, des organisations féminines et de jeunes, des ONG et des organisations communautaires au mouvement.
- Ministère des Affaires religieuses – identifie des lieux de culte et aide à mettre en œuvre AKRAB dans les institutions religieuses.
- Ministère des Finances – planifie le budget d’AKRAB sur proposition du ministère de l’Éducation.
- Ministère de l’Autonomisation des femmes – crée des réseaux sociaux et promeut les institutions ou ONG qu’ils regroupent.
- La coordination de la mise en œuvre d’AKRAB est décentralisée jusqu’au niveau provincial et municipal, dans le cadre d’un protocole d’accord entre le ministère de l’Éducation et de la culture et les présidents de collectivité locale.
Diverses organisations participent à la mise en œuvre du programme :
- ONG, en particulier les groupements féminins
- Centres d’apprentissage communautaires (CLC)
- Institutions religieuses
- Mouvements écologistes
- Universités (dans le cadre d’un protocole d’accord entre la Direction générale de l’éducation non formelle et informelle → actuelle Direction générale de la petite enfance et de l’éducation non formelle et informelle et 87 universités, signé en 2007 pour améliorer l’accès à l’alphabétisation).
Ces organisations déposent leur projet de budget auprès du coordonnateur désigné au niveau local pour prendre part au programme. S’appuyant sur l’accord spécifique entre les autorités centrales et locales, le coordonnateur municipal peut approuver et budgétiser directement le projet ou le recommander aux autorités provinciales. Le budget est alloué en fonction du nombre d’apprenants prévu. En général, le budget de chaque organisation de mise en œuvre est financé par les gouvernements central (50 %), provincial (30 %) et municipal (20 %). Le programme coûte environ 62 dollars par apprenant.
Recrutement et formation des animateurs
Chaque année, une personne par municipalité est choisie et formée pour devenir un tuteur. Les candidats doivent avoir au moins le niveau secondaire, résider dans la localité, faire preuve d’un degré élevé d’abnégation et d’un sens du devoir, être en mesure de maîtriser les supports d’enseignement-apprentissage et savoir élaborer des méthodes d’apprentissage participatives. Chaque tuteur reçoit un salaire de base de 1,20 dollars de l’heure.
Mobilisation des participants
Conscient du problème de l’inégalité des sexes et des bienfaits de l’égalité des sexes sur le bien-être familial et le développement économique au sens large, le programme AKRAB met fortement l’accent sur la participation féminine dans le but de renforcer la capacité institutionnelle pour l’intégration des politiques de genre.
La participation au programme est libre, mais les femmes sont encouragées à y prendre part grâce à des curricula adaptés à leurs besoins courants et à ceux de la cellule familiale.
Méthodes et approches d’enseignement-apprentissage
L’enseignement est généralement dispensé en groupes de dix apprenants par tuteur, sur une période de six à dix mois. Même si le programme a une structure spécifique, les tuteurs sont formés pour le rendre souple et identifier les besoins d’apprentissage de chaque apprenant à travers l’observation et les entretiens.
Le programme s’appuie sur trois approches d’enseignement principales :
- Approche participative – intégration des compétences de la vie courante pertinentes au programme
- Approche axée sur la langue maternelle – le programme commence en langue maternelle et s’ouvre progressivement au bahasa Indonesia
- Approche de translittération – l’aptitude à lire le Coran et l’alphabet arabe est transformée en aptitude à lire l’alphabet latin.
Les supports d’apprentissage sont en majeure partie mis au point par une équipe de tuteurs et de spécialistes de l’éducation non formelle et alignés sur les supports du programme national. En outre, le programme innove par le fait que les apprenants créent, pendant les leçons d’écriture, leurs propres livrets et journaux qui serviront de supports d’apprentissage pour d’autres participants.
Le programme est généralement mis en œuvre en cinq phases de compétence :
Alphabétisation | Entrepreneuriat | |
Phase 1 | Comprendre des textes courts sur un sujet connu. Tirer des informations à partir de signes et symboles généraux. | |
Phase 2 | Comprendre de courts textes simples sur un sujet connu, de façon correcte et autonome. Tirer des informations à partir de courts documents connus. Tirer des informations à partir de diverses sources courantes. | Identifier les types d’entreprise à développer dans le contexte local. Rédiger et communiquer la conception d’une entreprise individuelle ou collective. |
Phase 3 | Comprendre des textes courts et longs sur divers sujets. | Maîtriser la réalisation du produit ou service de l’entreprise choisie. Commercialiser le produit ou service conçu. |
Phase 4 | Comprendre des textes complexes sur divers sujets, de façon correcte et autonome. Tirer des informations détaillées à partir de diverses sources. | Effectuer une analyse bénéfice/perte. Nouer des partenariats pour l’essor et la viabilité de l’entreprise. |
Phase 5 | Utiliser les infrastructures TIC et jardins de lecture communautaires pour consolider et améliorer l’alphabétisme. | Consolider et développer en permanence les compétences en lecture, écriture et communication en bahasa Indonesia (langue nationale) dans le cadre de la gestion de l’entreprise. |
Après avoir achevé la phase 4 avec succès, les apprenants reçoivent un certificat d’alphabétisation (Surat Keterangan Melek Aksara - SUKMA). La cinquième étape du programme est une phase d’apprentissage continu et de consolidation des acquis. Il ne s’agit pas d’une phase à achever, mais d’une étape proposée en permanence aux citoyens pour leur développement personnel.
Impact et défis
Suivi et évaluation
Le Bureau national de validation de l’éducation non formelle et informelle évalue l’aptitude de toutes les institutions et organisations impliquées dans l’exécution d’AKRAB à participer au programme et délivre les certificats d’alphabétisation. Cette évaluation porte sur la qualité et les normes du curriculum, le processus d’enseignement-apprentissage, la compétence des sortants, le personnel, les infrastructures, la gouvernance et les finances. Ce processus d’agrément constitue un élément fondamental des projets et demandes de financement des organisations auprès des autorités municipales. Par ailleurs, le ministère de l’Éducation et de la culture collabore étroitement avec le Bureau national de la statistique pour le suivi et évaluation des retombées générales du programme.
Impacts
Entre 2008 et 2012, le programme a obtenu les résultats suivants :
- Plus de 4 millions de personnes ont pris part au programme d’alphabétisation.
- Plus de 3 millions de personnes ont reçu le certificat d’alphabétisation officiel (SUKMA).
- Plus de 1 million de personnes ont pris part au programme d’entrepreneuriat.
- Plus de 3 500 tuteurs en alphabétisation des adultes ont été formés ou mis à niveau.
- Plus de 6 179 jardins de lecture communautaires ont été réalisés dans les espaces publics.
- Plus de 1 350 CLC ont été institutionnalisés.
- Le nombre d’analphabètes a reculé de 11,2 millions en 2007 à 6,73 millions en 2011.
- Le nombre de CLC a augmenté de 30 pour cent de 2007 à 2012.
- Les disparités entre les sexes ont diminué de 4,32 en 2007 à 2,7 en 2011.
Défis
- Le reste de la population analphabète est difficile à atteindre car il s’agit en majorité de personnes âgées de 45 ans et plus, de handicapés et de résidents des zones très éloignées. Pour beaucoup d’entre eux, l’absence de motivation ou la méconnaissance des bienfaits de l’alphabétisation constituent un obstacle au même titre que l’incapacité d’accéder à ces services.
- De nombreux participants éprouvent encore des difficultés avec le bahasa Indonesia, qu’ils n’ont pas appris en bas âge.
- De nombreux néo-alphabètes retombent dans l’analphabétisme, faute de pratique et, en particulier, à cause de leur non-fréquentation des jardins de lecture communautaires. Le budget pour les programmes de post-alphabétisation est maigre, hormis pour la mise en place de jardins de lecture communautaires simples.
- Le niveau de qualité et de capacité des infrastructures, des animateurs et des tuteurs des milliers d’organisations de mise en œuvre est très variable. Un niveau minimal doit être atteint pour garantir la pertinence des programmes d’alphabétisation et la validité des certificats.
- Certaines autorités locales semblent se désintéresser des activités de planification, de mise en œuvre et d’évaluation des programmes et créent, de ce fait, une inégalité de chances entre les régions.
Pérennité
- L’acquisition de compétences entrepreneuriales, en particulier pour les projets communautaires générateurs de revenus, aide les CLC à créer des sources de revenus susceptibles de favoriser leur indépendance financière.
- La pérennisation des acquis en alphabétisation sera réalisée, on l’espère, à travers l’expansion des jardins de lecture communautaires dans les espaces publics pour renforcer les environnements alphabétisés.
- La pérennité du programme est renforcée par le rôle des autorités locales dans la promotion des relations entre les CLC et le secteur privé.
Leçons apprises
- La synergie dans la préparation et la mise en œuvre du programme revêt une importance capitale. Il a été difficile de mettre en œuvre un programme intersectoriel intégré car chaque partie avait ses propres objectifs et priorités pour son action de développement sectoriel.
- Il est important d’associer les parties prenantes à la base à la conception du programme. Cela créera des objectifs clairs tournés vers le participant, qui doivent avoir la priorité sur ceux des autres parties prenantes et informer le processus de planification de façon à ce que le programme serve efficacement ses cibles.
- La transparence financière est essentielle pour le programme, en termes de création d’évaluations pertinentes et de promotion de la participation et du financement d’autres secteurs.
- Il convient de s’accorder sur un ensemble de normes plus contraignantes avec les autorités locales, dont certaines ne sont pas très efficaces en termes de mise en œuvre du programme à cause des lourdeurs administratives ou de leurs agendas politiques respectifs. Un tel accord doit inclure des mécanismes efficaces et la responsabilité communautaire.
Sources
- Jalal. F, Sardjunani. N (2005): Increasing literacy in Indonesia. Document de travail préparé pour le Rapport mondial de suivi sur l’Éducation pour tous 2006. UNESCO
- Ministère de l’Éducation nationale (2010): Country Paper: Status and Major Challenges of Literacy in Indonesia, Document de pays préparé pour la Huitième réunion de revue ministérielle E-9. Jakarta, Indonésie.
- Ministère de l’Éducation nationale (2010): Improving literacy for all: A national movement for empowering Indonesian community. Jakarta, Indonésie.
- Ministère de l’Éducation nationale (2011): Centrality of Women’s Literacy to Inclusive and Participative Development. International Conference on Women’s Literacy for Inclusive and Sustainable Development. New Delhi
- Ministère de l’Éducation nationale (non daté): Success Story: Illiteracy eradication model integrated in competitive funding program. Indonésie
- UNESCO (2010): Equivalency Education in Indonesia: National Experiences and Best Practice in Non-Formal Primary Education. Jakarta
- UNESCO (2012): Investing in society: Indonesia. Prix internationaux d’alphabétisation de l’UNESCO 2012
Contact
Ella Yulaelawati
Director of Community Education Development
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