« Il incombe aux parents et à l’Etat de garantir à l’enfant, la dignité, la santé, les soins, l’éducation et l’enseignement. L’Etat doit assurer toute forme de protection pour tous les enfants, sans discrimination et conformément à l’intérêt supérieur de l’enfant. » Article 46 de la constitution du 27 janvier 2014 

 

 

La législation Tunisienne interdit l’exploitation des mineurs et le travail des enfants avant l’âge de 16 ans. Pourtant, le travail des mineures rurales comme domestiques dans les zones urbaines est un phénomène ancien, profond, qui s’aggrave de jour en jour. Il est temps de le dénoncer et de faire appliquer la loi. 

 

Selon le ministère de l’Education, 100 000 élèves abandonnent l’école chaque année, dont 40 % sont des filles. A noter que ces abandons scolaires de milliers de petites filles ou de pré-adolescentes sont constatés en majorité dans les régions intérieures de la Tunisie.

 

Ces abandons sont certes liés à un échec scolaire, mais, des études et notamment celle réalisé en 2007 par l’UNICEF, soulignent que de nombreuses familles rurales déscolarisent leurs filles, soit pour les faire travailler dans les champs ou les envoyer vers les villes comme travailleuses domestiques. L’objectif de ces familles est de tirer un revenu supplémentaire par l’exploitation de leurs filles. Il y aussi une dimension culturelle que l’on ne peut ignorer. La société tunisienne est profondément patriarcale et dans l’esprit des familles, il est plus important d’éduquer les garçons que les filles.

 

Or, il existe en Tunisie toute une batterie de lois et de conventions qui interdisent le travail et l’exploitation des enfants. La constitution du 27 janvier 2014, consacre dans l’article 46 les droits de l’enfant tels que définis dans la Convention Internationale des Droits de l’Enfant ratifiée par l’Etat tunisien en 1991. Par ailleurs, le code du travail interdit le travail des enfants avant l’âge de 16 ans.

 

En dépit de toutes ces législations, on estime qu’environ 40 000 petites filles sont employées comme domestiques dans des familles urbaines, sans protection sociale, sans contrat et avec un salaire de misère deux fois inférieur au SMIG.

 

Comment éradiquer l’exploitation des petites filles ?

 

Tout d’abord, les autorités publiques (le ministère de l’Education et le ministère de la Femme et de la Famille, ainsi que le ministère des Affaires Sociales) devraient engager un travail de sensibilisation des familles afin de les convaincre qu’ils ont tout intérêt à permettre à leurs filles de poursuivre leurs études, car les retombées à long terme seront beaucoup plus positives que le placement de leurs filles comme domestiques. Ce travail de sensibilisation doit être entrepris par les autorités régionales des différents ministères concernés en collaboration avec la société civile qui comprend plusieurs associations impliquées dans la défense des droits de l’enfant. Il doit aussi comprendre un volet juridique pour expliquer aux familles qu’elles agissent dans l’illégalité et que leurs actions pourraient être sanctionnées par la loi.

 

Mouna M'saddak

 

Il est important aussi de travailler sur les familles qui exploitent ces petites filles et de les convaincre qu’elles pourraient être poursuivies pour infraction à la loi.

 

Enfin, il faut agir sur les intermédiaires. En effet, des individus se sont spécialisés dans le placement de petites filles dans les villes. Car, souvent les parents de ces jeunes domestiques n’ont aucun contact avec l’employeur. C’est l’intermédiaire qui perçoit le salaire en ponctionnant 10 à 20 % de ce montant, avant de le reverser aux familles. 

 

L’existence de cet intermédiaire efface totalement la relation avec la famille qui n’a plus aucune nouvelle de leurs filles. Or, celles-ci peuvent être sujettes à toutes formes d’abus psychologiques et corporels, tels que, le harcèlement verbal, violent et sexuel. Parfois, victimes de viol, elles peuvent se retrouver enceintes et renvoyés par les familles qui les exploitent. On trouve en effet, parmi ces jeunes filles de nombreuses mères célibataires qui, pour l’instant, n’ont que pour seul recours que quelques rares associations comme Beity, Al Sabil, Amal pour la famille et l’enfant et le réseau Amen Enfance Tunisie.

 

L’exploitation des petites filles liée au développement inégal

 

Le phénomène des jeunes travailleuses domestiques découle également des disparités régionales qui caractérisent notre pays. En effet, la majorité de ces jeunes domestiques viennent des régions intérieures (Sidi Bouzid, Kasserine, Jendouba, Kairouan) où résident les familles les plus pauvres, où le taux de chômage est le plus important (il frise parfois les 30 %, soit le double de la moyenne nationale à 15, 2 %), et où les infrastructures quasi inexistantes découragent les investisseurs. 

 

Tant que l’Etat n’aura pas rectifié les inégalités régionales, il y aura toujours des populations fragiles, en situation d’exploitation.

 

 

Cet article de plaidoyer fait partie de l'initiative du Réseau des Jeunes Créateurs du projet NET-MED Youth.

 

 

Mouna M'saddakMouna Msaddak a 26 ans. Elle est jeune étudiante en sciences politiques et spécialiste en traduction et reporting dans les domaines associatif et politique. Son expérience croise le monde médiatique et le monde politique. Elle a travaillé avec la HAICA en tant que monitrice des médias avant de rejoindre l’équipe de communication de l’ARP. Après cette expérience avec les institutions publiques elle a rejoint le monde associatif avec Jamaity en tant que chargée de la version arabe de la plateforme. Actuellement elle est responsable de communication à Tunisian Youth Forum qui est un réseau d’association de jeunes qui regroupe plusieurs associations dont Jamaity fait partie. Mona est membre de NET-MED Youth en Tunisie.

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