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L’interruption des activités d'observation de l’océan causée par le COVID-19 pourrait perturber les prévisions météorologiques et notre compréhension des changements climatiques

23/06/2020

Selon la Commission océanographique intergouvernementale (COI) de l'UNESCO, le COVID-19 menace de créer un angle mort pour les données océaniques, qui pourrait perturber les prévisions météorologiques et gêner notre compréhension des changements climatiques.

Le 15 mars 2020, alors qu'il se trouvait dans les eaux calmes du Cap, le navire de recherche océanographique Ronald H. Brown était sur le point d'être pris dans le tourbillon de l’éruption de l'épidémie de coronavirus. Le Dr Leticia Barbero de l'Université de Miami, Scientifique en chef du navire, fut informée par le capitaine de la réception d’instructions demandant le retour immédiat au port d'attache de Norfolk, en Virginie. « Ce fut un choc », a déclaré le Dr Barbero. « Du jour au lendemain, notre navire est passé d'un navire de recherche observant une décennie de changements océaniques à un simple retour express au port. »

A la suite de ce rappel sans précédent, l'équipe scientifique à bord du Brown s’est démenée pour déployer plus de cinquante instruments autonomes, comprenant des dériveurs océaniques et des flotteurs-profileurs, à travers le sud de l'Atlantique et les Caraïbes, pour s’assurer que les mesures essentielles pour les prévisions climatiques et météorologiques seraient maintenues pendant leur absence.

« Trois mois plus tard, il est clair que cette action rapide a aidé à maintenir un niveau de fonctionnement crucial pour deux des réseaux mondiaux d'observation océanique dans l’Atlantique », explique le Dr Emma Heslop, Spécialiste de programme au Secrétariat du Système mondial d'observation de l'océan (GOOS). « Nous devons agir collectivement si nous voulons maintenir un niveau correct de fonctionnement et de flux de données pour les services météorologiques, climatiques et d’observations océaniques à l'échelle mondiale. »

Le Dr Heslop fait partie de l'équipe du GOOS, qui a mené une enquête pour évaluer les impacts et prévoir le risque de la pandémie pour les observations océaniques mondiales. Elle a déclaré que « l’enquête a été envoyée aux onze réseaux mondiaux d'observation des océans du GOOS - chacun axé sur différentes façons d'observer l’océan ». Ces données océaniques mondiales sont essentielles pour élaborer des prévisions météorologiques fiables ainsi que pour comprendre et prévoir les changements climatiques. Un large éventail d'industries s'appuie quotidiennement sur ces données, de l'agriculture à la navigation mondiale.

« Les résultats de l'enquête et les problèmes découverts sont un élément clé des processus d'apprentissage et de partage entre les pays que nous soutenons », a déclaré Vladimir Ryabinin, Secrétaire exécutif de la Commission océanographique intergouvernementale de l'UNESCO, principal organisme des sciences océaniques de l'ONU qui coordonne également le GOOS. « Cela nous permettra de nous orienter vers la mobilisation des chefs de file en sciences océaniques dans des priorités communes et une action concertée pour soutenir les observations et les flux de données clés. »

Partout dans le monde, alors que les gouvernements et les instituts océanographiques ont rappelé presque tous les navires de recherche au port, l'impact sur nos capacités d’observation de l’océan a été considérable. Même lorsque sont utilisés des équipements autonomes, tels que des bouées de mouillage (instruments fixes qui analysent toute la « colonne d’eau » du fond à la surface et fournissent un large éventail de données océaniques), ou des flotteurs Argo (flotteurs à dérive libre qui fournissent des informations sur la température de l'océan, la salinité, les courants et les propriétés biologiques), la maintenance des équipements s’avère un défi en l'absence de missions scientifiques régulières.

Arvor float

ARVOR float at sea.

© Ifremer

« Il y a un risque réel que l'équipement tombe en panne, entraînant la perte des données et potentiellement de l'équipement lui-même, comme les mouillages », explique le Dr Johannes Karstensen, Codirecteur du réseau de séries chronologiques OceanSITES. La perte d'une seule des plus de 300 bouées de mouillage opérationnelles pourrait entraîner un écart de deux à cinq ans de données. Le Dr Karstensen a déclaré que « 30 à 50% des bouées seront touchées par la pandémie, et certaines ont déjà cessé d'envoyer des données. Étant donné que cet équipement surveille non seulement les informations vitales pour l'économie océanique, mais également les changements climatiques à long terme, il est clair que la priorité doit être donnée aux missions de maintenance en tant qu’activité essentielle dans le contexte de la réglementation COVID-19. »  

Les opérations d'observation au sein du « Ships of Opportunity Program », qui utilise des navires commerciaux et autres navires non scientifiques pour prendre des mesures océanographiques primordiales, ont peut-être été les plus durement touchées par la pandémie de COVID-19. Les « observateurs scientifiques » déploient normalement les instruments d'observation, mais les restrictions COVID-19 les empêchent d’opérer à bord. 

Le ralentissement du déploiement et de la maintenance des instruments autonomes, tels que les bouées dérivantes, les flotteurs dérivants et les planeurs sous-marins, est tout aussi difficile. Bien que ces instruments soient plus résistants, fonctionnant de manière autonome pendant des mois ou des années après leur déploiement par des scientifiques, ils nécessitent une maintenance ou un redéploiement régulier, opérations également affectées par les restrictions pandémiques. 

Le système a fait preuve de résilience aux effets immédiats des arrêts dû à la pandémie, car les réseaux mondiaux d'observation étaient bien entretenus pendant la crise et dépendaient de plus en plus d'instruments d'observation autonomes. Cependant, les restrictions COVID-19 ont déjà réduit le niveau des déploiements nécessaires pour maintenir un flux soutenu de données météorologiques et climatiques (voir tableau). Sans une action internationale urgente pour soutenir les opérations d'observation des océans d'ici à la fin de l'année, nous pourrions connaître de nouvelles perturbations importantes, aux conséquences potentiellement dévastatrices.

Au cours du dernier mois, une inquiétante réduction de 10% du flux de données du réseau Argo a été détectée. « Il est trop tôt pour dire dans quelle mesure cela est dû à la COVID-19 », a déclaré M. Belbéoch, Chef de l'unité de surveillance du système d'observation JCOMMOPS, « toutefois le très faible niveau de déploiement récent du flotteur Argo aggrave la situation, et cette baisse dans le flux de données ne peut pas être immédiatement corrigée. » 


Data source: jcommops.org

© UNESCO

« Les systèmes de prévision météorologique vont dérailler s'ils ne disposent pas des informations de pression de surface sur l'océan pour les contraindre », a déclaré Lars Peter Riishojgaard, Directeur de la Direction générale du système Terre, à l'Organisation météorologique mondiale (OMM). « Nous ne pouvons pas faire de prévisions fiables sans que cette information vienne directement de l'océan via ces bouées dérivantes. » 

Même si les pays commencent à assouplir les restrictions de quarantaine et de confinement, les sciences océaniques ne sont pas nécessairement au sommet des priorités des décideurs. Parmi les pays qui prévoient de reprendre les activités des navires de recherche en juillet (Australie, Finlande, Belgique, Pays-Bas, Nouvelle-Zélande, Allemagne et États-Unis), d'importantes restrictions continueront de s'appliquer - comme l'exigence que les navires quittent et reviennent par le même port d'attache - ce qui diminue beaucoup la zone couverte par les navires de recherche.

Il est à craindre que les opérations des navires de recherche dans certaines régions ne reprennent pas du tout dans les mois à venir, avec des impacts prolongés jusqu'à la fin de 2020 et peut-être jusqu'en 2021, si l'on considère également les impacts connexes sur les chaînes d'approvisionnement pour certains des instruments d'observation.

« Malgré ses impacts importants sur le système d'observation des océans, la crise de la COVID-19 peut également être l'occasion pour nous de voir comment renforcer la résilience de notre système », affirme le Dr Toste Tanhua, Coprésident du Système mondial d’observation de l’océan (GOOS). « Les impacts de COVID-19 ont mis en évidence l'interdépendance des systèmes et certains points faibles clairs sur lesquels nous pouvons désormais travailler pour accroître l'efficacité et la robustesse du système. »

« La pandémie de COVID-19 nous a également montré l'importance de développer des passerelles de la science vers des solutions sociétales », a souligné le Secrétaire exécutif de la COI, le Dr Ryabinin. « Cela est vrai pour les sciences océaniques autant que pour les sciences de la santé, et même maintenant, la COI a solidifié les plans pour une Décennie des Nations Unies des sciences océaniques pour le développement durable 2021-2030, qui exploitera la recherche et développera des solutions transformatrices en sciences océaniques, reliant les hommes et l'océan. »

Des partenariats au-delà des frontières politiques et une flexibilité opérationnelle peuvent être ce qu'il faut pour organiser soigneusement les différents acteurs qui entreprennent des observations océaniques face aux perturbations en cours. En outre, un accord international pour classer les opérations mondiales d'observation de l'océan comme activités essentielles pourrait garantir que le système mondial d'observation fournira mieux les informations essentielles aux prévisions météorologiques, aux systèmes d'alerte, au climat et aux applications de santé des océans, à l'avenir.

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Pour plus d'informations, veuillez contacter :

Emma Heslop, Spécialiste de programme au Secrétariat du Système mondial d'observation de l'océan (GOOS), COI/UNESCO : (e.heslop@unesco.org)

 

Image de couverture : © NOAA