La Culture : un tremplin pour l’avenir du travail
La fermeture des salles de concert, des musées, des sites du patrimoine mondial, des galeries d’art, des cinémas, des restaurants et des théâtres témoigne de l’ampleur de la crise sur le secteur culturel et les professionnels. Dans son dernier rapport, la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs (CISAC) estime que ses membres font état de pertes pouvant atteindre 3,5 milliards d'euros – soit une baisse globale de 20 à 35 % – ce qui reflète clairement les menaces qui pèsent sur les moyens de subsistance des artistes. L’UNESCO avait également mis en évidence il y a quelques mois l'impact massif sur les professionnels des musées, en particulier les indépendants, dont trois sur cinq ont perdu leur emploi. Une enquête menée par l’UNESCO sur l’impact de la pandémie sur le patrimoine culturel immatériel a révélé, de même, que les moyens de subsistance de nombreux artisans étaient fragilisés, les mesures de confinement entravant leur capacité à distribuer leurs produits. Les répercussions de la pandémie de COVID-19 sur l’emploi dans le secteur culturel ont de larges ramifications, y compris dans le secteur du tourisme et dans les services auxiliaires tels que l’hôtellerie et l’alimentation, ou encore dans le secteur de la construction - directement lié à la restauration du patrimoine bâti. En provoquant une mise à l’arrêt de l’économie, la pandémie a mis en évidence que de nombreux emplois sont liés, directement ou indirectement, au secteur culturel, tout en révélant plus largement les failles et les vulnérabilités du système économique mondial.
Si le poids et la contribution du secteur culturel à l’emploi sont aujourd’hui largement reconnus, il est essentiel de valoriser pleinement ce potentiel. Le 4 novembre 2019, les ministres de la Culture des pays du G20 se sont réunis et ont inscrit pour la première fois la culture à l’ordre du jour du sommet du G20. Les participants des vingt pays, qui représentent 80 % de l’économie mondiale, ont clairement réaffirmé l’importance de la culture pour ouvrir la voie à de nouveaux modèles économiques. Les ministres ont souligné l'impact dévastateur de la pandémie sur l'emploi culturel, plusieurs pays insistant pour leur part sur la nécessité de nouveaux modèles économiques, notamment pour le tourisme culturel. Les pays ont également abordé d'autres questions connexes, préconisant des synergies plus fortes entre la culture et l'éducation pour permettre aux apprenants de développer de nouvelles compétences et de s'adapter à un marché du travail en évolution rapide. S'exprimant lors de la réunion, la directrice générale de l'UNESCO, Audrey Azoulay, a également mis l'accent sur la dimension anthropologique de la culture, soulignant que « re- penser l'avenir de la culture signifie la considérer comme bien plus qu'un secteur économique. Il s'agit d'un besoin primordial, qui sous-tend tous les aspects de nos sociétés. Ce n'est pas un coût, c'est un but. Elle ne doit pas être en marge des efforts de relance, elle doit être au centre de ceux-ci ».
La crise actuelle a pour toile de fond la transformation profonde du monde du travail engendrée par la « quatrième révolution industrielle », l'automatisation, l'intelligence artificielle et d'autres technologies numériques en plein essor. En outre, les modèles économiques actuels ont conduit à l'aggravation des inégalités dans un marché du travail de plus en plus polarisé en fonction du niveau de qualification, et largement marqué par le chômage et le sous-emploi, en particulier chez les jeunes. La migration et ses effets sur l'emploi sont également devenus une question politiquement sensible dans de nombreux pays, malgré la contribution économique importante des populations migrantes. La complexité des questions liées à l'emploi dans nos sociétés a conduit l'Organisation internationale du travail à s'engager en 2013-2016 dans une réflexion globale sur l'avenir du travail, qui a conclu qu'à l'échelle mondiale, nous devons « renouveler le contrat social » et veiller à ce que le monde du travail soit davantage centré sur les personnes. Certains des chiffres du rapport « Travailler pour un avenir meilleur » de 2019 sont alarmants : 344 millions d'emplois doivent être créés d'ici 2030, en plus des 190 millions d'emplois nécessaires pour lutter contre le chômage (dont 64,8 millions de jeunes) ; 2 milliards de personnes travaillent dans l'économie informelle ; 300 millions de travailleurs vivent dans la pauvreté ; 36 % de la main-d'œuvre mondiale travaille un nombre d'heures excessif (plus de 48 heures par semaine) ; et un écart de rémunération de 20 % entre les hommes et les femmes persiste. En outre, le rapport « Capital Humain » de 2019 de Deloitte estime que 85 % des employés dans le monde ne sont pas engagés dans leur travail, ou sont même activement désengagés, ce qui souligne la nécessité de promouvoir un « travail décent » en écho à l'objectif de développement durable 8.