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« Artistique, créatif, visionnaire » Thandiwe Muriu photographie la renaissance créative de Nairobi

Thandiwe Muriu est une photographe kenyane de renom qui utilise son art pour raconter l’histoire de « son Afrique », pleine de couleurs et d’énergie. Le travail de Muriu, qui fait partie de sa série éditoriale CAMO (2015), a été sélectionné comme image de couverture du 13ème Comité intergouvernemental de la Convention de 2005. Muriu revient sur sa carrière et partage ses réflexions sur la scène créative en pleine croissance du Kenya.

 

Talent local

La photographie fait partie de ma vie depuis que j’ai 14 ans. Je finissais l’école, courais à la maison, prenais mon appareil et photographiais. À 17 ans, j’ai commencé à imiter les photos de mode des magazines en prenant ma sœur comme mannequin. Je les publiais en ligne et les gens ont commencé à me contacter pour des shootings. Mais c’était juste un moyen de gagner de l’argent de poche et non pas une option de carrière. J’étais toujours bonne à l’école et les gens s’attendaient à ce que les bons élèves deviennent médecins ou avocats. D’une certaine manière, c’était pareil pour moi.

Je me suis spécialisée en marketing à l’université parce que je voyais ça comme un travail « sérieux » avec un côté créatif. Mon activité de photographe s’est développée pendant mes années universitaires grâce à une grande campagne que j’ai menée pour une marque suédoise. Quand j’ai obtenu mon diplôme en tête de ma promotion, les offres d’emploi ont afflué, mais aucune ne m’a parlé. C’est à ce moment que mon père a dit « Mais tu aimes prendre des photos. Pourquoi est-ce que tu veux faire autre chose? ». Ça a été comme si toute la pression que j’avais sur moi s’était dissipée.

Ça n’a pas été facile de démarrer en tant que photographe professionnelle. L’entrepreneuriat est une voie relativement nouvelle au Kenya, les banques ne m’ont donc pas proposé de prêt. J’ai réinvesti l’argent que je gagnais grâce à mes shootings pour acheter de l’équipement. Il m’a fallu un certain temps pour rassembler tout ce dont j’avais besoin. Il y avait également une stigmatisation à combattre. Beaucoup de gens considéraient la photographie comme une activité complémentaire le temps de trouver une « vraie carrière », un plan C ou D au mieux. Ça a été difficile car les gens pensaient que ce n’était qu’un hobby et que je ne contribuais pas au développement du Kenya.

Heureusement, je n’étais pas seule. À la fin de mon adolescence, un groupe de jeunes photographes émergents a révolutionné la scène photographique. Ils ont fait se démarquer la photographie commerciale locale alors que la plupart des photographes travaillant à Nairobi étaient beaucoup plus âgés et souvent non-africains. Je suis entrée dans l’industrie au bon moment – au moment de son éveil. Ils m’ont pris sous leurs ailes.

« C’est le prix du marché ». « N’ayez pas peur de poser des questions ». Ces conseils pratiques m’ont donné la confiance nécessaire pour me faire ma place. Ils n’avaient que 5 ans de plus que moi, mais ça faisait une énorme différence. Aujourd’hui, ils continuent d’ouvrir la voie aux jeunes artistes en représentant la vision kenyane sur la scène mondiale.

 

Explorer la « beauté africaine »

Avec CAMO, c’était la première fois que je photographiais quelque chose qui était réellement pour moi. J’ai commencé par me demander : « qu’est-ce que j’aime? ». La réponse était simple – les couleurs. J’ai élargi le concept des couleurs africaines et j’ai joué avec les motifs. Ma styliste m’a donné l’idée d’utiliser

comme accessoires des objets du quotidien tels que des canettes de soda. Les images qui en résultent sont amusantes, ludiques et fièrement africaines.

C’était aussi important pour moi de travailler avec un mannequin à la peau noire foncée. J’ai grandi avec des standards de beauté qui ne valorisaient pas ma peau, qui rendaient ça dur d’être une femme à la peau foncée. CAMO a défié ces idéaux et exploré la véritable « beauté africaine ». Je voulais que les petites filles se voient dans mon travail, qu’elles reconnaissent la beauté de leur peau, de leurs lèvres et de leurs hanches.

J’ai depuis grandi en tant qu’artiste et en tant que personne. J’avais l’habitude de me sentir mal d’utiliser des mannequins à la peau foncée... Plus maintenant. Aujourd’hui, j’ai moins peur de mettre mon identité au premier plan. Je la porte fièrement comme une marque d’honneur.

Récemment, je me suis inspirée des objets africains du quotidien. Par exemple, j’ai découpé une passoire en plastique aux couleurs vives que j’utilise pour préparer le thé et elle est portée comme un accessoire par des Masaïs. Au Kenya, un objet a 20 autres utilisations, et il défie la classe ou le groupe social. Nous stylisons les choses de manière exaltante, d’une façon que vous ne verrez jamais en Occident et qui est en constante évolution.

 

Voix de Nairobi

Nairobi traverse une renaissance créative. Premièrement, nous avons plus de créatrices femmes. Mon dernier atelier avait plus de femmes parmi ses participants que d’hommes – j’étais ravie. Ensuite, il y a notre musique, plus expérimentale que jamais. La valeur de la production s’est également améliorée. Les festivals culturels et les festivals gastronomiques sont partout. Les stylistes se focalisent de plus en plus sur les goûts locaux plutôt que la norme mondiale. Tout cela éveille le public à la valeur de la créativité.

Il y a dix ans, les gens pensaient qu’être photographe voulait dire être photojournaliste. En 2020, nos photos sont artistiques, créatives et visionnaires. Je veux que les gens sachent que l’Afrique a une grande capacité créatrice et qu’elle l’exploite.

Quand j’ai commencé ma carrière, tout le monde m’a dit que tous les emplois étaient déjà pris. Cela ne peut être plus éloigné de la vérité – il y a assez de parts de gâteau pour tout le monde. Je me réjouis des gains de n’importe quel créateur, et c’est pourquoi je dis toujours aux personnes désirant le devenir : « Nous avons besoin de vos voix ». L’art du récit est ancré dans la culture kenyane. La photographie est une autre forme de récit – la vôtre.

Objectif(s) de la Convention 2005 de l'UNESCO