<
 
 
 
 
×
>
You are viewing an archived web page, collected at the request of United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization (UNESCO) using Archive-It. This page was captured on 14:28:17 Sep 24, 2021, and is part of the UNESCO collection. The information on this web page may be out of date. See All versions of this archived page.
Loading media information hide
Article

Usage des réseaux sociaux et bien-être psychosocial des jeunes en Haïti à l'ère de la Covid-19

13/08/2021

« […] je trouvais pas mal de vidéos d'humour qui  m’aidaient à supporter le stress et je prenais du temps à partager des informations crédibles dans le but d'aider les gens à mieux prendre les mesures de prévention. », confie un participant à l’entretien de recherche d’un groupe de jeunes haitien·ne·s. Recrutés par l’UNESCO dans le cadre de l’initiative "Youth as Researchers:, plus de trois cents jeunes de par le monde entier explorent les impacts multiformes de la pandémie de Covid-19 tout en proposant des solutions et des recommandations.

L’annonce officielle des premiers cas de Covid-19 en Haïti au mois de mars 2020 fut accueillie avec émoi, panique et incertitude. Pour plus d’un, une catastrophe sanitaire sans précédent s’annonçait vu la défaillance de notre système de santé et l’incapacité de l’État haïtien à œuvrer en faveur du bien-être collectif. La catastrophe annoncée n’a pas eu lieu, il est peut-être trop tôt de s’enorgueillir, mais les impacts de cette pandémie sont remarqués dans les sphères économiques et particulièrement au niveau psychosocial. La société haïtienne n’a même pas eu le temps de se relever des conséquences économiques et psychosociales des épisodes de « Pays lock » amorcés 2018 quand elle a été forcée de se soumettre à des restrictions (couvre-feu, fermeture des écoles, universités, entreprises, bar/resto, etc.)  imposées par le gouvernement dans le but d’éviter la propagation du virus. Dans ce contexte, les réseaux sociaux sont devenus des espaces privilégiés où particulièrement les jeunes s’engouffrent pour trouver de nouvelles perspectives. Dès lors, il était devenu une préoccupation majeure pour les jeunes chercheurs haïtien·n·e·s d’établir le lien entre l’usage des réseaux sociaux et le bien-être psychosocial des jeunes en Haïti à l’ère de la Covid-19.

C’est ainsi que, sous la direction de l’Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture (UNESCO), une recherche conduite par un groupe de jeunes chercheurs volontaires haïtiens s’est intéressée à l’utilisation des réseaux sociaux dans l'atténuation ou l'aggravation des conséquences psychosociales imposées par la pandémie chez les jeunes en Haïti. Le groupe est constitué de Antenor Peterson qui joue le rôle de chef d'équipe, Cadet Ernst Dimitry, Grand Jean Marline Bilgaï, Jean-Baptiste Nem, Pierre Nephtalie, Prévilon Nishina, Telusmon Ludwika. Ils/elles sont tous·te·s des jeunes universitaires dans le domaine du droit, la psychologie et l’anthropologie, l’éducation et la philosophie.

Cet article se propose donc de reprendre les principales conclusions et recommandations assorties de cette étude tout en mettant l’accent sur le sens d’une telle initiative dans la vie des jeunes.

Le stress, l’angoisse, l’incertitude au centre des ressentis

L’étude concernait les jeunes haïtien·ne·s âgés de 18 à 35 ans. Un questionnaire d'enquête bilingue (français-créole), publié sur les réseaux sociaux, a permis d’obtenir les points de vue de 173 participants, dont cinq interrogés, par entretien individuel. La question principale de recherche à laquelle nous voulions répondre était la suivante : comment les réseaux sociaux ont-ils contribué à atténuer les conséquences psychosociales imposées par la pandémie de Covid-19 ?

Analysés du point de vue de l’impact de la pandémie sur les activités sociales et la santé mentale des participants, nos principaux résultats montrent que la crise sanitaire a fortement affecté le quotidien des jeunes. Notre recherche a toutefois présenté une légère disproportion en faveur des activités sociales. Les données quantitatives ont montré que les jeunes sont plus affectés au niveau de leurs activités sociales qu’au niveau de leur santé mentale.

En effet, les jeunes ont vécu des situations d’isolement où ils étaient incapables de participer à leurs activités régulières en présentiel. Par ailleurs, ils ont enduré beaucoup de frustrations à cause, entre autres, de la paralysie de leurs études, de leur projet professionnel, mais aussi en raison de la détérioration des tissus familiaux, la perte d’emploi ou encore la faillite des petites entreprises. Il y a lieu de préciser que ces conclusions font écho avec les mises en garde de l'OMS qui avait déclaré que la Covid-19 pouvait apporter du stress chez les individus.

Les participants ont décrit leur situation d’inconfort et de désillusion bien avant la pandémie à cause des crises multidimensionnelles dont fait face le pays. Ce qui nous a permis de comprendre que la Covid-19 a augmenté le stress et la frustration des jeunes en Haïti qui vivaient déjà une situation compliquée.

On avait déjà un climat de désespoir provoqué par la précarité de la situation socio-économique qui s'augmente de jour en jour, avec cette pandémie qui fait rage, c'était compliqué, disait un participant à la recherche.

nous déclare David. D'où une utilisation plus importante des réseaux sociaux durant la pandémie en v

Les réseaux socionumériques : une nouvelle voie vers des horizons divers

Les données collectées ont fait ressortir une importante augmentation de la fréquence d’utilisation des réseaux sociaux par les jeunes durant les premières vagues du nouveau coronavirus (Sars-Cov-2) en Haïti. En effet, avant la Covid-19, 28% des participants déclarent avoir passé entre 3h à 5h de temps sur les réseaux sociaux tandis que, pendant la pandémie ce pourcentage est à 47% pour le même temps d’usage ; alors que 27% allaient au-delà de 5h de temps.

Interrogés sur ce qui a motivé cet usage intensif des réseaux sociaux, la majeure partie des participants a reconnu que l’usage des réseaux sociaux leur a permis de mieux supporter la pandémie via des activités : d’apprentissage, de loisir, et de socialisation. 32,95% des jeunes avouent que les réseaux sociaux les ont beaucoup aidés plus encore 23,29% déclarent que cette contribution à supporter les contraintes a été énorme.

Toutefois, de même que l’OMS qui suggérait de réduire le temps passé sur les réseaux sociaux à cause de certains effets néfastes, notre étude a révélé que les réseaux sociaux augmentaient aussi le stress chez les jeunes à cause des désinformations ou intox sur le virus qui circulaient sur la toile.

Face à tout cela et en fonction des paradoxes que notre étude a pu soulever, nous avons formulé plusieurs recommandations.

Recommandations assorties de l’étude

Pour la recherche

Pour mieux expliquer la faible affectation de la santé mentale des jeunes haïtiens par la pandémie en dépit de l’aggravation des vulnérabilités sociales, les Universités haïtiennes devraient envisager la conduite d’une recherche approfondie puisque l'échantillon utilisé ici est peu représentatif.

Pour la politique

Face à l’intensification de l’utilisation des réseaux sociaux en temps de crise, certaines instances étatiques devraient implémenter des programmes novateurs d’information et d'éducation qui exploitent pleinement le pouvoir des réseaux sociaux.

Pour la pratique

Les jeunes devraient mieux exploiter le temps passé sur internet en développant et optimisant un réseau d'échange et d'apprentissage sur les réseaux sociaux ;

Des organisations de la société civile haïtienne, engagées dans l’accompagnement des jeunes, devraient organiser des programmes de soutien et d’assistance psychosociale en ligne pour les jeunes en détresse ainsi que des activités récréatives.

Si notre étude n’a pas pu mobiliser un échantillon plus important en raison de nombreuses contraintes dues en grande partie aux crises sociopolitiques grandissantes en Haïti, elle a le mérite d’initier une investigation dans un champ jusque-là peu exploité. De plus, elle met en évidence combien les jeunes peuvent participer à des initiatives porteuses de changement de paradigme. Rappelons que la fin de l’initiative « les jeunes en tant que chercheurs » est prévue pour septembre 2021 et que les principaux résultats de la recherche menée par l’équipe haïtienne devraient être rendus publics lors de la commémoration virtuelle de la journée internationale de la jeunesse par l’UNESCO, le 13 août 2021.