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Les ressources culturelles, le bien commun et les futurs du droit l’éducation

Patrice Meyer-Bisch — 15 février 2021

Patrice Meyer-Bisch - FR - Quote Card - Ideas LAB

« Les futurs du droit l’éducation » signifient avant tout que soient analysés les manques de l’éducation présente, au regard des nouvelles opportunités. Une étape qualitative peut être franchie aujourd’hui grâce à la récente prise en compte des « communs » au sein même des droits de l'homme, ainsi que par le développement du sens culturel du droit à l’éducation. Il s’agit d’un élargissement indispensable de droit compris comme relation éducative permettant de répondre aux nouveaux défis actuels, en y intégrant une « culture numérique ».

La Commission internationale sur les futurs de l'éducation de l'UNESCO a fait valoir dans sa publication de juin 2020 L'éducation dans un monde post-COVID: neuf idées pour l'action publique que « Au cœur de tout processus éducatif se situe la relation humaine entre l’élève et l’enseignant ». Cette proposition humaniste n’est pas suffisante, il manque le troisième terme dans la relation : une matière de qualité, une ressource culturelle, que se partagent les deux « apprenants ». La matière en jeu garantit la qualité intime de leur lien tout en les invitant à partager une communauté de savoirs, essentielle pour connaître le monde et y participer. C’est cette relation tripartite culturelle qui constitue la vie éducationnelle en tant que bien commun avec toute sa portée politique pour un développement inclusif des personnes et des domaines.

Un bien est « commun » lorsqu’il lie l’intime de chacun
à des valeurs partagées à l’intime d’autres personnes

Le bien commun est beaucoup plus exigeant que le bien public

Le rapport « Repenser l’Éducation. Vers un bien commun mondial ? » (2015) a montré les limites de la théorie des biens publics, limitée à une visée essentiellement instrumentale. Mais son approche du bien commun reste partielle. Le texte indique « il ne s’agit pas d’un bien personnel ni d’un bien appartenant à un groupe restreint » et quelques lignes plus loin : « La notion d’éducation considérée comme un ‘ bien commun’ réaffirme sa dimension collective en tant qu’entreprise sociale commune avec une responsabilité partagée et un engagement en faveur de la solidarité ». Ce focus sur le collectif - très juste tout en étant classique - n’est pas une raison pour passer sous silence le pôle individuel intime essentiel de la notion de « bien commun ». Un bien est « commun » lorsqu’il lie l’intime de chacun à des valeurs partagées à l’intime d’autres personnes. Telle est l’éducation, au-delà de la dichotomie entre individuel et collectif. 

Elinor Ostrom, politiologue américaine, prix Nobel d’économie en 2009, est une des auteures majeures dans la définition des « communs ». En partant des ressources naturelles, elle considère que trois conditions définissent un bien commun : 

  • une ressource, 

  • une communauté qui en assure la responsabilité

  • les règles de gouvernance que cette communauté se donne.

Ainsi l’eau est une ressource qui, pour être vécue comme un bien commun, doit inclure des communautés qui en assument la responsabilité avec des règles communes de gouvernance. Une langue est vécue comme un bien commun si elle est comprise comme : 1) une ressource orale et écrite, intime à chacun et moyen d’expression /impression/communication ; 2) une communauté de locuteurs et 3) des règles d’entretien, de protection de l’acquis ainsi que des espaces de créativité. C’est une valeur politique à laquelle le droit à l’éducation participe.

Le droit de pratiquer une ou plusieurs langues de qualité implique des libertés, responsabilités et droits individuels en même temps que des obligations communes de protection. Relevant du patrimoine commun de l’humanité, ces langues parmi les autres, demandent une « protection publique ». Mais en démocratie, cette expression signifie une « protection du public », c’est-à-dire de tous, dépositaires et acteurs de la langue, sous garantie de l’état de droit. Cela ne se réduit pas à l’action, forcément limitée des institutions publiques. L’État garant est en seconde ligne derrière l’ensemble des acteurs culturels.

Le cœur du droit à l’éducation se situe entre les « apprenants » dans les ressources culturelles communiquées

Les ressources culturelles que les apprenants (dans les deux sens du terme en français) apprennent à partager, sont au cœur de ce qu’on peut appeler « la vie éducationnelle », une vie d’admiration, de découverte et aussi de travail qui ouvre sur l’intime des rapports au monde, aux autres et à soi : une vie qui émancipe. 

Le droit à l’éducation, incluant sa « matière » partagée, ou ressource vécue, est ainsi très proche du droit de participer à la vie culturelle.

De même que l’exercice d’un droit de l’homme est une relation entre trois termes (le détenteur du droit, l’objet du droit et les porteurs d’obligations), une relation éducationnelle repose, non seulement sur un transfert de connaissances, mais sur une relation vivante entre deux types d’acteurs (des élèves y compris adultes et des maîtres avec leurs organisations – plus des acteurs associés) et des ensembles de connaissances qui forment leur ressource commune. 

L’originalité de la dimension culturelle est de comprendre qu’une œuvre de qualité (une langue, une science, un livre, une musique, une salle de classe,…) est un potentiel, sans lequel les deux autres acteurs ne peuvent rien. La vie éducationnelle est une mise en présence adéquate de trois types de ressource : enseignants, étudiants, œuvres culturelles (des disciplines et leurs objets).

Les ressources culturelles partagées sont facteurs indispensables d’inclusion

Les ressources culturelles, en tant que matières partagées sont porteuses d’un potentiel essentiel, « porteuses d’identité, de valeurs et de sens ». Outre la valeur spécifique à chaque discipline, elles apportent toutes leurs temporalités et leurs territorialités entrecroisées. Pour prendre un seul exemple, l’éducation scientifique, qui ne se réduit sûrement pas à une « alphabétisation scientifique » nous donne une toute autre compréhension des échelles temporelles et territoriales. Autrement dit, les ressources culturelles sont des facteurs nécessaires pour une éducation à la durabilité, mais aussi à l’inclusivité en précisant non seulement qui, mais aussi quoi est à inclure. En effet les personnes exclues ne le sont pas seulement du fait de la pauvreté ou de leurs origines ethniques, mais aussi parce que les mémoires, aspirations et disciplines dont elles sont porteuses, sont exclues. 

En conclusion, un développement ne peut être inclusif des personnes que s’il inclut aussi les différentes disciplines qui concernent leur vie et leurs chances de communiquer avec le monde.

La vie éducationnelle est inséparable de la vie informationnelle

Il est clair aujourd’hui que le droit à l’éducation, compris comme droit à la formation tout au long de la vie, est inséparable du droit à l’information tout au long de la vie. Les moyens actuels nous ont fait prendre conscience à quel point le droit à l’information ne se réduit pas à disposer d’une offre diversifiée des canaux d’information. Il se décline comme un droit d’accéder, de pratiquer et de contribuer à des modes variés et appropriés d’information, autrement dit de participer à une « vie informationnelle ».

C’est pourquoi l’éducation aux outils numériques, ne se réduit pas non plus à une alphabétisation, ni à une connectivité, mais à l’apprentissage et à la maîtrise de connexions choisies. 

Il s’agit d’accéder à une « culture numérique », en tant que discipline culturelle au même titre que les autres disciplines. Celle-ci bouscule et ouvre de façon encore plus visible de nouvelles perspectives temporelles et territoriales. Chaque apprenant est invité à trouver son mode de participation à cette culture, qui apporte certes une nouvelle « capillarité », mais qui n’est féconde que si elle s’accompagne d’une très grande capacité de tri, autrement dit d’une maîtrise par les individus et par les communautés éducationnelles et informationnelles des champs ouverts.

Une relation éducationnelle repose, non seulement sur un transfert de connaissances
mais sur une relation vivante

De même que l’exercice d’un droit de l’homme est une relation entre trois termes (le détenteur du droit, l’objet du droit et les porteurs d’obligations), une relation éducationnelle repose, non seulement sur un transfert de connaissances, mais sur une relation vivante entre deux types d’acteurs (des élèves y compris adultes et des maîtres avec leurs organisations – plus des acteurs associés) et des ensembles de connaissances qui forment leur ressource commune. 

L’originalité de la dimension culturelle est de comprendre qu’une œuvre de qualité (une langue, une science, un livre, une musique, une salle de classe,…) est un potentiel, sans lequel les deux autres acteurs ne peuvent rien. La vie éducationnelle est une mise en présence adéquate de trois types de ressource : enseignants, étudiants, œuvres culturelles (des disciplines et leurs objets).

Les ressources culturelles partagées sont facteurs indispensables d’inclusion

Les ressources culturelles, en tant que matières partagées sont porteuses d’un potentiel essentiel, « porteuses d’identité, de valeurs et de sens ». Outre la valeur spécifique à chaque discipline, elles apportent toutes leurs temporalités et leurs territorialités entrecroisées. Pour prendre un seul exemple, l’éducation scientifique, qui ne se réduit sûrement pas à une « alphabétisation scientifique » nous donne une toute autre compréhension des échelles temporelles et territoriales. Autrement dit, les ressources culturelles sont des facteurs nécessaires pour une éducation à la durabilité, mais aussi à l’inclusivité en précisant non seulement qui, mais aussi quoi est à inclure. En effet les personnes exclues ne le sont pas seulement du fait de la pauvreté ou de leurs origines ethniques, mais aussi parce que les mémoires, aspirations et disciplines dont elles sont porteuses, sont exclues. 

En conclusion, un développement ne peut être inclusif des personnes que s’il inclut aussi les différentes disciplines qui concernent leur vie et leurs chances de communiquer avec le monde.

La vie éducationnelle est inséparable de la vie informationnelle

Il est clair aujourd’hui que le droit à l’éducation, compris comme droit à la formation tout au long de la vie, est inséparable du droit à l’information tout au long de la vie. Les moyens actuels nous ont fait prendre conscience à quel point le droit à l’information ne se réduit pas à disposer d’une offre diversifiée des canaux d’information. Il se décline comme un droit d’accéder, de pratiquer et de contribuer à des modes variés et appropriés d’information, autrement dit de participer à une « vie informationnelle ».

C’est pourquoi l’éducation aux outils numériques, ne se réduit pas non plus à une alphabétisation, ni à une connectivité, mais à l’apprentissage et à la maîtrise de connexions choisies. 

Il s’agit d’accéder à une « culture numérique », en tant que discipline culturelle au même titre que les autres disciplines. Celle-ci bouscule et ouvre de façon encore plus visible de nouvelles perspectives temporelles et territoriales. Chaque apprenant est invité à trouver son mode de participation à cette culture, qui apporte certes une nouvelle « capillarité », mais qui n’est féconde que si elle s’accompagne d’une très grande capacité de tri, autrement dit d’une maîtrise par les individus et par les communautés éducationnelles et informationnelles des champs ouverts.
 

Patrice Meyer-Bisch est philosophe et président de l'observatoire de la diversité et des droits culturels de l'Université de Fribourg, en Suisse.

Citer cet article (format APA)
Meyer-Bisch, P. (15 février 2021) Les ressources culturelles, le bien commun et les futurs du droit l’éducation. LABO Idées de l'UNESCO - Les futurs de l'éducation. Repris à partir de https://fr.unesco.org/futuresofeducation/ideas-lab/meyer-bisch-ressources-culturelles-biens-communs-futurs-droit-education.

Citer cet article (format MLA)
Meyer-Bisch, Patrice. "Les ressources culturelles, le bien commun et les futurs du droit l’éducation". LABO Idées de l'UNESCO - Les futurs de l'éducation. 15 février 2021, https://fr.unesco.org/futuresofeducation/ideas-lab/meyer-bisch-ressources-culturelles-biens-communs-futurs-droit-education.

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