Le Ministère de l’Artisanat, de la Culture, de l’Industrie Hôtelière et du Tourisme du Mali a organisé du 12 au 13 octobre 2022 à Tombouctou un atelier de formation qui a permis de renforcer les capacités de plus de soixante-dix maçons traditionnels de Tombouctou et autres acteurs de la gestion des bâtiments protégés de Tombouctou sur la maitrise des outils et méthodes de conservation du patrimoine culturel bâti. Cette activité a été conduite par la Mission Culturelle de Tombouctou et le Bureau de l’UNESCO au Mali en collaboration avec le Fonds au Profit des Victimes (FPV) de la Cour Pénale Internationale (CPI), l’ONG CFOGRAD, l’Association des ressortissants pour le Développement du cercle de Tombouctou (ARDCT) ainsi que la Corporation des maçons de Tombouctou. Cette formation constitue une des mesures de réparation prononcées par la CPI pour réparer les préjudices subis par la communauté de Tombouctou.
En 2012, dans le contexte de l’occupation d’une partie du territoire malien par des groupes armés, des mausolées de Saints musulmans et la porte secrète de la mosquée Sidi Yahia ont été délibérément endommagés dans la ville de Tombouctou. En réponse à ces destructions, un élan inédit de solidarité et de mobilisation s’est manifesté à travers le monde en faveur du patrimoine culturel malien classé pour d’une part, sauver les biens culturels épargnés par les attaques des groupes extrémistes et d’autre part, reconstruire ceux qui avaient été endommagés. La mobilisation de la Communauté de Tombouctou, de l’Etat malien et de la communauté internationale, et notamment de l’UNESCO, a permis la reconstruction et la réhabilitation des biens culturels victimes de dommages et de destruction.
Parallèlement aux actions de reconstruction et de réhabilitation des biens culturels, en janvier 2013, à la suite de la saisine par le Gouvernement malien de la Cour Pénale Internationale, le Bureau du Procureur a ouvert une enquête sur les crimes commis depuis janvier 2012. Cette enquête a conduit à un premier procès à l’encontre d’Ahmad Al Faqi Al Mahdi, chef de la police des mœurs d’Ansar Eddine pendant l’occupation de la ville. Le 27 septembre 2016, M. Al Faqi Al Mahdi a été reconnu coupable par la Cour Pénale Internationale de crime de guerre consistant en la destruction de bâtiments protégés et condamné à neuf ans de prison. La Cour Pénale Internationale a consécutivement reconnu les préjudices découlant de ce crime et estimé la responsabilité de Monsieur Al Mahdi à hauteur de deux millions sept cent mille euros (2,7 millions d’euros). L’Ordonnance de réparation a été rendue le 17 août 2017 et prévoit une série de mesures complémentaires telles que l’indemnisation, le soutien psychologique, la commémoration, la réhabilitation et l’entretien des bâtiments protégés pour réparer les descendants des Saints, la communauté de Tombouctou, la population malienne ainsi que la communauté internationale.
L’UNESCO collabore avec le Fonds au Profit des Victimes (FPV), chargé par la CPI de la mise en œuvre du programme de réparations, pour la mise en œuvre des réparations ayant trait à la restauration du patrimoine culturel avec sept mesures précises dont la formation des membres de la corporation des maçons.
À travers cette mesure, la CPI vise aussi bien à réparer le mal commis par le passé qu’à prévenir de nouvelles destructions. Pour ce faire, elle met au cœur des processus les acteurs de l’entretien et de la protection des bâtiments protégés notamment les maçons et les gardiens de ces biens (surtout leurs femmes et leurs filles) ainsi que l’ensemble de la communauté de Tombouctou, car chacun d’entre eux joue un rôle crucial pour assurer la préservation et le respect de ces biens culturels dans la durée.
C’est dans ce cadre que l’UNESCO et ses partenaires ont organisé à Tombouctou les 12 et 13 octobre 2022 un atelier de renforcement des capacités des maçons traditionnels de Tombouctou sur les enjeux de la conservation du patrimoine culturel bâti avec l’appui financier de l’Allemagne à travers le FPV. Soixante-dix acteurs culturels ont participé à cet atelier dont 25 maçons traditionnels qualifiés, 20 apprentis maçons, plus de 20 femmes maçonnes, ainsi que d’autres acteurs de la gestion des bâtiments protégés de Tombouctou, des autorités administratives, politiques et coutumières. Cette activité a eu lieu en présence du Chef de Bureau et Représentant de l’UNESCO au Mali.
M. Alassane HASSEYE, Chef de la Corporation des maçons de Tombouctou a souligné que : « Cet atelier est la bienvenue car nous avons besoin des nouvelles connaissances en matière d’architecture pour mieux conserver le patrimoine architectural de Tombouctou connu à travers le monde entier et perpétuer les savoirs qui y sont associés ».
M. Edmond MOUKALA, Représentant de l’UNESCO au Mali a souligné que : « La transmission des savoirs aux jeunes générations est fondamentale pour la préservation du patrimoine culturel. A travers cette série de trois ateliers, l’UNESCO garantit la durabilité du métier de maçonnerie traditionnelle et facilite le partage des connaissances et des compétences techniques des maîtres maçons et des architectes aux maçons traditionnels de Tombouctou et notamment aux apprentis, aux jeunes ainsi qu’aux femmes maçons ».
Mme Aude Le Goff, Responsable des programmes, Fonds au Profit des Victimes a déclaré : « Ces ateliers mettent au cœur du processus de réparations les femmes et les hommes de Tombouctou, et notamment les maçons. La participation de chacun est fondamentale dans la reconstruction, l’entretien et la préservation du patrimoine. Cet atelier a permis de renforcer les compétences des différents acteurs, et de travailler à garantir la non-répétition de ce crime. Ensemble la communauté consolide la paix et affirme : plus jamais ça ! ».
Mme. Niamoye Alidji, Présidente de la CAFO, membre de la corporation des maçons et du comité de suivi des réparations collectives a fait savoir que : « L’atelier a permis aux femmes maçonnes de Tombouctou de valoriser leur rôle qui était auparavant essentiel dans la maçonnerie traditionnelle. De nos jours, les femmes sont de nouveau au cœur de tout ce qui se passe dans la ville en général et particulièrement dans la gestion, l’entretien et suivi des bâtiments protégés ».
M. Mahamoud Ben Kattra, 1er Adjoint au Secrétaire Exécutif de l’ARDCT, ancien ministre, déclare que « Je remercie l’UNESCO et ses partenaires pour leurs efforts dans la protection et la promotion du patrimoine culturel universel de Tombouctou. Ces efforts interviennent au moment où le patrimoine architectural de Tombouctou est soumis à de nombreux défis et menaces. Je salue la tenue de cet atelier et invite, donc, les participants, notamment les jeunes maçons, à plus d’assiduité afin d’aboutir aux résultats escomptés. »
À l’issue de l’atelier, les participants ont formulé des recommandations pour permettre une gestion et une conservation plus efficace du patrimoine architectural de Tombouctou. Ces recommandations sont, entre autres, (1) l’utilisation systématique de matériaux de bonne qualité (banco, terre de Bourem, Alhor, rônier, goélettes) dans les travaux de conservation des sites ; (2) la redynamisation des mécanismes endogènes d’entretien des mosquées et des mausolées ; (3) la création d’un comité de suivi pour l’entretien des bâtiments protégés ; et (4) la poursuite du renforcement des capacités des maçons notamment des femmes et des jeunes filles maçonnes de la corporation sur les pratiques endogènes pour assurer la transmission des savoirs et savoir-faire aux jeunes pour l’entretien du patrimoine bâti.
En marges des travaux de l’atelier, les résultats des trois études techniques réalisées pour permettre le lancement des réhabilitations des clôtures de cimetières et la reconstruction du mausolée Al Arawani, l’électrification solaire et la plantation d’arbres et de haies vives autour des bâtiments protégés, autres mesures de réparation prononcées par la CPI, ont été partagés avec la communauté et les partenaires.
Des rencontres bilatérales et collectives ont également été conduites avec des autorités administratives, des services techniques et des membres des communautés locales dans le cadre de l’étude de faisabilité de la mise en place d’un mécanisme de soutien à l’entretien des bâtiments protégés, mesure également ordonnée par la CPI.
Le second atelier de formation des maçons est prévu pour décembre 2022 à Tombouctou et portera plus particulièrement sur les techniques améliorées d’architecture de terre pour la sauvegarde et la valorisation des bâtiments protégés à Tombouctou.
Le travail de UNESCO est complémentaire à celui mené par CFOGRAD, CIDEAL et le Fonds au Profit des Victimes qui mettent en œuvre les autres mesures de réparation, à savoir le dispositif de commémoration, le dispositif de résilience économique et les réparations individuelles et symboliques.
© UNESCO
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