Digitaliser et adapter les environnements d’apprentissage

Suite à la fermeture des établissements de formation et aux mesures de distanciation sociale, de nombreuses initiatives ont émergé dans le secteur de l’EFTP. L’enjeu est double : garantir une certaine continuité pédagogique et maintenir un lien entre les apprenants, les formateurs et les entreprises. Certains pays et acteurs, le plus souvent ceux dotés de systèmes d'EFTP plus avancés, s'étaient déjà lancés dans une diversification de l'apprentissage de l'EFTP avant la pandémie, à travers des contenus et solutions digitales.

Une transition vers des modes mixtes, permettant d’allier apprentissage présentiel et distanciel, présente en effet des avantages à long terme :

  • Elle répond aux enjeux de l’apprentissage tout au long de la vie, en ligne avec l’Objectif de Développement Durable 4 (ODD 4) des Nations Unies.
  • Elle contribue à renforcer la résilience des systèmes d’EFTP face aux futurs chocs externes.

La digitalisation du développement des compétences se heurte toutefois à plusieurs obstacles. Le premier tient à la nature même de l’EFTP, dont la dimension « pratique » complique la mise en œuvre de l’apprentissage à distance. Le retard digital du continent africain limite par ailleurs l’accès à des solutions de haute technologie.

L’IIPE-UNESCO-Dakar a identifié plusieurs outils et initiatives numériques répondant aux grands défis de la digitalisation de l’EFTP en Afrique.  

Faciliter l’accès à des contenus et programmes de formation en ligne

En réponse à la fermeture des établissements de formation et au ralentissement de l’activité économique, de nombreuses plateformes de formation en ligne ont vu le jour, ou ont connu un regain d’intérêt. Elles sont portées par des acteurs d’horizons variés, issus à la fois d’entreprises privées, d’organisations internationales et de la société civile. Voici trois exemples intéressants et complémentaires qui illustrent cette tendance.

 

Lancée par l’UNESCO en 2020 dans le cadre de la Coalition mondiale pour l’éducation, cette Académie mondiale des compétences regroupe une série de formations développées par des acteurs publics et privés. La plateforme fournit un accès gratuit à des programmes sélectionnés pour leur qualité. Les bénéficiaires sont identifiés en amont, avec l'aide du réseau mondial UNEVOC. L’objectif est de doter un million de jeunes des compétences numériques, entrepreneuriales et de leadership nécessaires pour renforcer l’employabilité et la résilience, dans le contexte pandémique.

 

Dans le même esprit que l’initiative portée par l’UNESCO, l’organisation intergouvernementale Commonwealth of Learning (COL) a également initié en 2020 sa plateforme collaborative. Elle rassemble plus de 60 établissements et organisations à travers le monde, qui se sont engagées à soutenir l’apprentissage en cette période de crise à travers des solutions digitales. On y trouve un répertoire large et varié de ressources mutualisées et de formations en ligne, accessibles gratuitement. Cette plateforme permet en outre aux différents acteurs impliqués de partager et de mettre en commun leur expertise.

  • La plateforme Atingi, pour simplifier l’accès aux apprentissages numériques  
     

     

    En Afrique, cette plateforme développée à l’initiative du ministère fédéral allemand de la coopération économique et du développement (BMZ) connait un franc succès depuis quelques mois. Offrant gratuitement des contenus de formation en ligne, elle couvre un large éventail de sujets adaptés aux besoins et aux marchés locaux, et vise notamment les compétences numériques. La plateforme entend améliorer l'employabilité des jeunes et renforcer les compétences tout au long de la vie, grâce à des modalités d'apprentissage modernes, accessibles notamment sur smartphone.  Il est intéressant de souligner qu'Atingi propose également des solutions low-tech et hors ligne, pour lever les freins de la connectivité à Internet.

     

  • L’ENCAF : un écosystème numérique développé par les employeurs, au service de la formation

 

 

Dans le secteur privé, des employeurs se sont également mobilisés pour accompagner la formation professionnelle vers la numérisation, à l’image de l’initiative de l’ENCAF (Ecosystème numérique international pour les compétences-métiers). Lancé en 2020 par Medef International, cet écosystème numérique a pour objectif de rassembler sous forme de catalogue, différents modules et ressources pédagogiques numériques dédiés au développement de compétences techniques. Créé à l’initiative des employeurs, en collaboration avec des organismes de formation, l’ENCAF vise ainsi à accompagner la transformation digitale et à renforcer le lien entre les acteurs de la formation et les entreprises grâce à une approche partenariale. Déployé depuis peu également en Afrique, l’ENCAF a déjà signé plusieurs accords avec des organismes de formations africains afin de développer un catalogue numérisé et mutualisé de contenus pédagogiques orientés sur des métiers techniques dont ont besoin les entreprises en Afrique.

Combiner pratique et théorie pour les enseignements techniques à distance

Si les plateformes d’enseignement en ligne permettent d’assurer une certaine continuité pédagogique en mettant à disposition des contenus de formation très variés aux apprenants, elles peinent souvent à répondre aux besoins en compétences pratiques.

Plusieurs solutions répondent justement à cette problématique déterminante pour l’EFTP. Parmi elles :

  • Les solutions d’apprentissage à distance de l’entreprise Lucas Nülle, orientées vers l’expérience pratique

 

Cette entreprise allemande a développé des systèmes d’apprentissage pour des technologies complexes comme l’électrotechnique, l’électronique ou encore la technique d’automation. Ils prennent la forme de logiciels permettant d’intégrer des exercices pratiques aux modules d’apprentissage théoriques. Cette initiative du secteur privé offre une alternative d’enseignement innovante dans le contexte de crise. Plus largement, elle contribue à renforcer la flexibilité de l’apprentissage, en développant des modules pratiques accessibles en dehors des établissements de formation et de l’entreprise.

 

Pour combler le fossé entre théorie et pratique, une autre entreprise allemande s’est illustrée au cours des derniers mois. FESTO, qui conçoit et commercialise des systèmes d’automation et d'automatisation industrielle, a développé son propre portail de formation en ligne, avec des contenus liés aux domaines de l’entreprise et un environnement de formation personnalisable. Il est destiné à ses clients industriels, mais également aux établissements d’enseignement technique, avec des fonctionnalités permettant de gérer une classe. Ce portail, dont l’accès est partiellement gratuit, met l’accent sur l’apprentissage mixte. Il connaît déjà un grand succès dans plusieurs pays d’Afrique, dont le Nigéria ou l’Afrique du Sud.

Consolider la place des compétences numériques dans les environnements d’apprentissage

Un des défis soulevés par la crise de la Covid-19 est la faible familiarité des formateurs avec le numérique. Plus largement, la distanciation sociale et l'adaptation forcée des dispositifs d'apprentissage à l'enseignement en ligne a mis en évidence l'importance de renforcer la place des compétences numériques dans les environnements d'apprentissage.

De plus en plus d'initiatives se sont ainsi intéressées à cette question de la "capacité numérique" des apprenants et des enseignants. A l'image du Projet BEAR II "Une meilleure éducation pour l'essor de l'Afrique", lancé conjointement par l'UNESCO et la République de Corée pour appuyer cinq pays d’Afrique de l’Est dans l'amélioration de la pertinence, de la qualité et de la perception de leurs systèmes EFTP.

  • Un programme de formation des formateurs au e-learning à Madagascar

 

Dans le cadre de cette initiative, l'UNESCO appuie en effet les dispositifs nationaux dans la formation des formateurs au e-learning, comme par exemple Madagascar, qui a mis en place fin 2020 un programme de renforcement des compétences des personnels de l'EFTP au numérique et aux Technologies de l’Information et de la Communication pour l’Enseignement (TICE). Afin d'appuyer ce programme de renforcement des capacités au numérique, l'Etat malgache a développé 147 modules de formation et une plateforme spécifique qui sera disponible jusqu'en avril 2022. 

Face au besoin de consolider les compétences numériques, un regard nouveau a également été porté à l'égard des environnements de simulation, généralement fondés sur la réalité virtuelle (VR), afin de former à des gestes ou compétences techniques spécifiques. S’ils n’ont pas vocation à se substituer complétement à l'apprentissage réel sur le lieu de travail, ils peuvent combler certaines lacunes, en particulier dans les contextes de distanciation sociale. Au-delà du transfert de compétences pratiques, la VR apparaît également comme une perspective intéressante pour développer les compétences non-techniques des apprenants.

  • L’expérimentation de PwC pour former aux soft skills

 

Aux États-Unis, le cabinet de conseil PwC utilise la VR pour aider les entreprises à optimiser l’efficacité des formations aux compétences non-techniques, ou soft-skills. Parmi les savoirs comportementaux visés : le leadership, la résilience ou la conduite du changement.

Renforcer la réactivité des dispositifs nationaux d'EFTP avec le digital

Au-delà des initiatives portées par des acteurs institutionnels ou privés, des changements rapides dans les modalités d’apprentissage ont également pu être observés au cœur des dispositifs nationaux d’EFTP. C’est le cas par exemple au Sénégal et en Côte d'Ivoire.

  • La plateforme de formation Ejàng portée par le gouvernement sénégalais

 

Cette plateforme collaborative a été mise en place par le ministère de l’Emploi, de la Formation professionnelle, de l’Apprentissage et de l’Insertion (MEPFAI), en réponse à la fermeture des établissements au Sénégal. Elle met des contenus de formation à la disposition des étudiants inscrits dans des cours d’EFTP, dans le but s’assurer une certaine continuité pédagogique. Ils peuvent notamment accéder en ligne aux guides et manuels de base, qui sont utilisés d’habitude pour les formations pratiques dans l’établissement ou en situation de travail. Une bibliothèque de ressources numériques et du contenu audiovisuel sont également disponibles.

Ejàng permet en outre aux formateurs d’organiser des classes virtuelles, de préparer, d’animer leurs cours et d’évaluer les acquis de l’apprentissage.

Cette initiative témoigne d’une forte réactivité de la part du dispositif sénégalais et représente un modèle pour tout acteur étatique souhaitant accompagner la transition digitale de la formation professionnelle.

 

Le Conseil national des branches professionnelles (CNBP) ivoirien a initié la mise en place d'une plateforme numérique de concertation intégrée secteur public/privé afin de mieux impliquer les différents acteurs économiques dans le domaine de l'insertion des jeunes. Cette initiative a emergé face au constat de l'insuffisance d'informations et de données en termes d'offres et de demandes d'emploi et du manque d'intégration des sources d'informations pour apporter une vision globale des besoins en prenant en compte toutes les parties prenantes.

L'objectif de cette plateforme vise ainsi à permettre à la Côte d'Ivoire de moderniser ses offres de service en termes de collaboration et de coordination, afin de mieux répondre aux nouvelles pratiques et besoins des populations, et notamment des jeunes. La finalisation et l'opérationnalisation de cet outil devrait pouvoir faciliter l'insertion des jeunes sur le marché du travail et par là même, on l'espère, accompagner la résorption du chômage.

Il faut, par cette initiative, saluer la volonté des différents acteurs publics et privés de travailler ensemble pour accompagner les populations les plus jeunes, premières victimes du chômage.

Approfondir le sujet

Vous voulez en savoir plus sur les tendances liées à la digitalisation des environnements d’apprentissage de l’EFTP ? L’IIPE-UNESCO-Dakar a sélectionné une série de ressources complémentaires sur le sujet.