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Questions-réponses : Inoculer contre la mésinformation relative à la COVID-19

18/05/2021

La mésinformation et les théories du complot concernant la COVID-19 et la réponse qui y est apportée sont virulentes et nuisibles, avec des conséquences potentiellement mortelles pour les personnes et les communautés à travers le monde. Amplifiées en ligne et via les réseaux sociaux, les fausses informations qui circulent sur la pandémie s’appuient sur les préjugés et l’ignorance existants et les renforcent, minant la confiance dans la science et alimentant les discours de haine.

Dans la récente étude de l’Université de Cambridge « Vers l’immunité collective psychologique : des preuves interculturelles pour deux interventions de mésinformation préventive relatives à la COVID-19 », Melisa Basol et le Dr Jon Roozenbeek du Laboratoire de prise de décision sociale de l’Université examinent deux interventions de « mésinformation préventive (en anglais, pre-bunking) » – le jeu GoViral! de Cambridge et les infographies #PenseAvantDePartager de l’UNESCO – concluant que ces deux interventions ont accru la perception par les individus de la manipulation liée à la mésinformation, augmenté leur confiance pour détecter la mésinformation, et réduit leur volonté déclarée de la partager.

Ces approches, qui consistent à utiliser préventivement des techniques de mésinformation, fournissent des informations clés sur le développement des compétences en pensée critique qui viennent compléter et renforcer les initiatives de l’UNESCO en matière d’éducation et d’initiation aux médias et à l’information, renforçant la résilience contre la mésinformation, la désinformation et les discours de haine. Dans le même ordre d’idée, l’UNESCO prépare également un document de plaidoyer à l’intention des éducateurs, basé sur la campagne #PenseAvantDePartager pour aider à traiter les théories du complot dans les contextes éducatifs.

La pandémie a montré qu’à travers le monde les individus sont extrêmement sensibles à la fois à de simples mensonges sur la COVID-19 et à des théories du complot élaborées. Dans vos recherches, vous examinez la « mésinformation » d’un point de vue psychologique : qu’est-ce que la mésinformation, pourquoi tant de gens sont-ils attirés par elle et qu’est-ce qui la rend si dangereuse ?

Nous définissons la mésinformation comme étant constituée d’informations fausses ou trompeuses (ex. qui occultent un contexte important), que ce soit de façon délibérée ou involontaire. La mésinformation sur le virus peut être tout aussi contagieuse que le virus lui-même. Pendant la pandémie, on a vu de nombreux cas de mésinformation causant de réels préjudices, qu’il s’agisse de consommer du méthanol et d’incendier des antennes 5G, ou de refuser de porter un masque ou de se faire vacciner, qui sont à l’origine de nombreux décès.

La mésinformation semble présenter un attrait particulier en période de grande incertitude ; au début de la pandémie, personne ne savait exactement à quel point la COVID-19 était mortelle, si les systèmes de santé allaient s’effondrer, etc., ce qui a ouvert la voie à des individus qui ont comblé ces vides, par exemple en colportant de faux remèdes ou en diffusant des théories du complot.

Ce qui rend la mésinformation si dangereuse, c’est le rythme et la profondeur auxquels elle se diffuse. La recherche montre que des informations fausses ou non vérifiées peuvent se propager plus rapidement et aller plus loin que toute autre information et que même après cette mésinformation soit démystifiée, les gens peuvent continuer d’y croire et de s’y fier.

L’étude se concentre sur la « théorie de l’utilisation préventive des techniques de mésinformation » ou la « théorie de l’inoculation » pour prévenir la propagation de la mésinformation, y compris des théories du complot. Comment fonctionne ce travail de « mésinformation préventive », quelles sont les raisons de son efficacité et que peuvent faire les gens pour renforcer leur résilience à la mésinformation ?

Les recherches actuelles sur la lutte contre les infox proposent deux approches principales. La première, plus réactive, comprend les efforts de démystification et de vérification des faits. Toutefois un corpus croissant de recherches souligne les obstacles cognitifs associés à cette approche, lorsqu’il s’agit de neutraliser les méfaits de la mésinformation. Par exemple, lorsque des fausses informations ont été publiées, elles ont tendance à s’incruster. Il est difficile a posteriori de rattraper leur avance, de les corriger et d’empêcher les gens de leur faire confiance.

Pour comprendre comment obtenir une telle résistance psychologique à la mésinformation, nous nous sommes tournés vers la théorie de l’inoculation. Cette théorie, souvent considérée comme l’ancêtre de la théorie de la persuasion, a été développée dans les années 1960 par William McGuire et ses collègues. Elle suggère que le processus de renforcement de la résistance contre la persuasion est analogue au processus biologique d’immunisation. De la même manière qu’une petite dose d’une souche affaiblie déclenche la production d’anticorps contre l’agent pathogène, la mésinformation préventive – c’est-à-dire le fait de démystifier préventivement des formes affaiblies de la persuasion – peut aider à renforcer la résistance contre de futures attaques de persuasion.

L’étude considère le jeu GoViral! de l’Université de Cambridge et la campagne #PenseAvantDePartager de l’UNESCO comme deux interventions de « mésinformation préventive ». À quoi est due l’efficacité de ces interventions pour inoculer les gens contre la mésinformation, quelles différences faut-il observer et quelles autres mesures devraient être envisagées dans des interventions futures ?

Les interventions d’inoculation ou de mésinformation préventive incluent habituellement deux éléments clés : l’avertissement d’une attaque de persuasion imminente et une réfutation préemptive. Le jeu et les infographies #PenseAvantDeRéfléchir contiennent ces éléments. Un avertissement est d’abord donné aux lecteurs/joueurs d’une menace de mésinformation sur la COVID-19, puis celle-ci est réfutée avant que les gens croisent effectivement la mésinformation en ligne.

D’après nos recherches, les deux interventions améliorent la capacité des individus à repérer la mésinformation sur la COVID-19 dans le contenu des médias sociaux et elles renforcent leur assurance dans leur capacité à le faire. Les participants à l’étude qui ont joué à Go Viral! ont aussi indiqué qu’après l’intervention ils étaient moins disposés à partager la mésinformation sur la COVID-19 avec d’autres personnes.

La principale différence entre les deux interventions réside dans le fait que les infographies #PenseAvantDePartager sont ce qu’on appelle une intervention « passive » de mésinformation préventive, tandis que le jeu est un exemple d’inoculation « active ». Dans les interventions passives, les éléments de réfutation sont fournis aux individus sans qu’ils doivent s’engager explicitement dans la production de leurs propres contre-arguments contre la mésinformation. À l’inverse, les interventions d’inoculation active incitent les personnes à réfuter activement la « dose affaiblie » de mésinformation ; dans le jeu, ceci est obtenu en laissant les joueurs faire leurs choix et gagner ou perdre des « j’aime » en fonction de leurs performances.

En termes de résultats, nous constatons que les infographies et le jeu fonctionnent comme prévu, mais que le jeu présente des tailles d’effet supérieures. Par ailleurs, nous avons effectué un suivi de nos participants à l’étude une semaine après l’étude initiale, et nous avons pu constater que l’effet « inoculation » avait persisté principalement chez les utilisateurs du jeu, alors qu’il s’était à peu près dissipé (mais pas entièrement) chez les lecteurs des infographies.

À notre avis, cela montre que les deux interventions ont une utilité dans leurs contextes respectifs ; le jeu peut avoir une longévité supérieure aux infographies en termes de résistance à la mésinformation, mais l’intervention est beaucoup plus longue (de cinq à sept minutes) et tout le monde n’a pas forcément envie de jouer à un jeu (bien que cela rende le sujet de la mésinformation plus engageant et ludique), tandis que la lecture des infographies prend moins de temps et qu’elle est plus facile à mettre en œuvre dans les environnements des médias sociaux.

À votre avis, comment pourrait-on généraliser cette mésinformation préventive pour lutter contre la mésinformation, afin de toucher un plus grand nombre de personnes, et en particulier d’élèves ? Comment équiper au mieux les enseignants et les formateurs afin qu’ils développent ces aptitudes et ces compétences ?

Il y a un certain chevauchement entre la mésinformation préventive et l’éducation aux médias ; alors que Go Viral! n’a pas été conçu expressément pour être utilisé dans l’éducation, nous encourageons bien évidemment cet usage. Comme les infographies #PenseAvantDePartager, le jeu a été conçu pour être librement accessible à tous, et dans autant de langues que possible. Plutôt que dire aux gens ce qu’ils doivent penser et partager en ligne, le jeu permet aux joueurs d'« apprendre en faisant ». Le jeu pourrait donc faire partie des programmes d’éducation aux médias pour démontrer et inoculer contre les techniques courantes de mésinformation qui font qu’un contenu devient viral.

Le jeu comporte trois techniques : le recours à un langage émotionnel pour évoquer des émotions fortes comme la peur ou l’indignation, l’utilisation de faux experts pour renforcer artificiellement la crédibilité des fausses allégations, et la diffusion de théories du complot qui font reposer la responsabilité d’un problème particulier sur un groupe de personnes restreint, secret et malfaisant. On trouve couramment ces techniques dans les contenus en ligne, et nous voyons le jeu comme un outil utile permettant aux éducateurs d’apprendre aux élèves à détecter un contenu manipulateur et à y résister au cours de leur navigation sur Internet. Pour les enfants plus jeunes, nous avons aussi développé des jeux d’infox « junior » tels que Bad News Junior pour les systèmes éducatifs adaptés aux Etats-Unis et au Royaume-Uni.

L’inoculation contre la mésinformation nécessite le développement de compétences et d’outils de pensée critique. Comment la psychologie comportementale peut-elle éclairer une information, une initiation aux médias et une éducation qui inoculent contre la mésinformation et les théories du complot ? 

Il existe une vaste littérature sur les avantages des simulations et des jeux pour obtenir des résultats éducatifs. Des examens systématiques ont souligné le fait que des jeux sérieux comme Bad News peuvent stimuler la motivation et faciliter l’apprentissage et la compréhension par un engagement cognitif accru. Cela est dû en partie au fait que les jeux améliorent la motivation en permettant aux individus de s’immerger dans une identité virtuelle et qu’ils puisent dans les besoins psychologiques fondamentaux de compétences (compréhension, apprentissage, objectifs, défis), l’autonomie (flexibilité de choisir, de créer sa propre voie) et la relationnalité (feedback, interaction).

Nous choisissons très délibérément de nous concentrer sur l’inoculation des personnes contre les moyens qui permettent généralement de tromper ou de manipuler les gens en ligne. Si vous savez détecter dans un contenu les techniques de manipulation, vous êtes mieux équipé pour vous faire votre propre jugement quant à sa fiabilité. Au cours de nombreuses études, cette méthode s’est avérée un moyen solide d’améliorer la résilience générale des individus face à la mésinformation. Cette approche est aussi plus facile à généraliser que si l’on se focalise sur des complots individuels ou des exemples de mésinformation. Les éducateurs soucieux de concevoir un cours d’éducation aux médias pourraient être intéressés de voir comment cette approche pourrait s’appliquer à leur travail.

En plus de la « mésinformation préventive », quelles mesures pourraient compléter cette stratégie ou compenser les limites de l’inoculation en tant qu’approche, et comment les gens pourraient-ils adopter et mettre en œuvre ces mesures dans leurs activités en ligne ?

Il existe de nombreuses approches qui sont sans rapport avec l’inoculation/la mésinformation préventive et qui sont actuellement mises en œuvre sur les plates-formes de médias sociaux, par exemple l’affichage en incrustation de messages invitant à réfléchir sur l’exactitude d’une affirmation et des interventions de normes sociales. Mis à part la science comportementale, il y a de plus en plus d’appels à examiner les algorithmes basés sur l’attention utilisés par les entreprises de médias sociaux, en tant qu’amplificateurs possibles de la mésinformation. En outre, les initiatives éducatives et de vérification des faits gagnent en popularité à travers le monde.
Nous voyons les interventions d’inoculation comme étant l’une des composantes d’un système de défense multicouches contre la mésinformation, et nous sommes donc satisfaits de voir de telles évolutions.

  • En savoir plus sur la campagne de l’UNESCO #PenseAvantDePartager mise en œuvre avec la Commission européenne, Twitter et le Congrès juif mondial.