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État de la crise mondiale de l’éducation : un chemin pour le redressement

13/12/2021

Jaime Saavedra, Directeur général du Pôle d’expertise en éducation de la Banque mondiale

Stefania Giannini, Sous-Directrice générale de l’UNESCO pour l’éducation

Robert Jenkins, Chef de l’éducation et Directeur associé de la Division des programmes de l’UNICEF

La perturbation mondiale de l’éducation causée par la pandémie de COVID-19 est la pire crise éducative jamais enregistrée. La plupart des pays ont fermé leurs établissements scolaires, centres de formation professionnelle et établissements d’enseignement supérieur dans le cadre de leur stratégie de lutte contre la pandémie, affectant presque tous les apprenants du monde. Les coûts ont été immenses. On ne connaît pas encore totalement l’ampleur de ce choc, mais les dernières données sont très inquiétantes. Dans un nouveau rapport intitulé État de la crise mondiale de l’éducation : un chemin pour le redressement, nous faisons le point sur la situation de l’éducation dans le monde à la suite de la fermeture prolongée des écoles et passons en revue différentes options pour éviter que cette crise ne laisse des cicatrices indélébiles dans le capital humain de cette génération.

Le rapport contient des simulations mondiales actualisées des pertes d’apprentissage ainsi qu’un examen des éléments disponibles à ce jour, issus d’évaluations concrètes des pertes d’apprentissage dues à la COVID-19 dans différents contextes. Ces données montrent que les pertes d’apprentissage ont été importantes et inéquitables, touchant de manière disproportionnée les apprenants les plus jeunes et les plus pauvres. Dans de nombreux pays, les enfants ont manqué la totalité, ou presque, de l’apprentissage scolaire qu’ils auraient dû acquérir à l’école, et parmi eux, les plus marginalisés et les plus jeunes ont souvent été les premiers concernés. À São Paulo (Brésil), les élèves du primaire et du secondaire n’ont acquis que 28 % de ce qu’ils auraient dû apprendre dans les cours présentiels, et le risque de décrochage a été multiplié par plus de trois. Dans les zones rurales du Karnataka (Inde), la proportion d’enfants de CE2 scolarisés dans le secteur public capables d’effectuer des soustractions simples est passée de 24 % en 2018 à seulement 16 % en 2020. Après une année de fermeture des écoles, l’équivalent d’une année d’apprentissage a été perdu.

La pandémie a accentué la crise mondiale de l’apprentissage au-delà même de ce que l’on craignait. En raison des pertes d’apprentissage et de compétences survenues pendant la fermeture des écoles, cette génération d’élèves risque désormais de perdre 17 000 milliards de dollars de revenus tout au long de la vie en valeur actuelle, soit 14 % du PIB mondial actuel, ce qui dépasse de loin les 10 000 milliards de dollars estimés en 2020. Dans les pays à revenu faible et intermédiaire, la proportion d’enfants touchés par la pauvreté des apprentissages – déjà supérieure à 50 % avant la pandémie – augmentera fortement, peut-être jusqu’à 70 %, à cause de la fermeture des écoles et de la qualité et de l’efficacité inégales de l’apprentissage à distance. Des mesures ambitieuses s’imposent donc d’urgence.

Lorsque les systèmes éducatifs sont passés à l’apprentissage à distance, bon nombre d’entre eux ont rapidement mis en place des stratégies multimodales utilisant par exemple Internet, la télévision ou la radio, des supports imprimés et la messagerie instantanée. Cependant, la qualité et l’accessibilité de cet apprentissage à distance ont été très variables, les apprenants les plus marginalisés ayant souvent moins de possibilités d’accéder à un apprentissage à distance de qualité. Cette crise a creusé les disparités qui existaient déjà avant la pandémie de COVID-19 en matière d’éducation, raison pour laquelle il est essentiel de mettre l’accent sur le rattrapage de l’apprentissage et sur l’équité lors du retour des enfants à l’école.

L’UNESCO, l’UNICEF et la Banque mondiale se sont associées dans le cadre de la Mission : rétablir l’éducation en 2021, afin d’offrir des orientations et une aide aux pays qui traversent cette crise. La collaboration entre les trois organisations reste d’actualité, dans la mesure où les systèmes éducatifs sont encore dans la tourmente. Il sera crucial de rouvrir les établissements scolaires, d’évaluer le niveau d’apprentissage et de bien-être des apprenants et d’adapter l’enseignement à leur niveau d’apprentissage réel. Pour que les apprenants reprennent un rythme normal et retrouvent au minimum leur niveau scolaire antérieur, il est essentiel de mettre en place un programme de rattrapage qui donne la priorité aux compétences de base et au soutien socio-émotionnel, qui prolonge le temps d’apprentissage et qui améliore l’efficacité du processus enseignement-apprentissage.

La réussite de la récupération de l’apprentissage dépendra largement des enseignants, qui sont en première ligne pour dispenser les programmes de rattrapage et assurer le bien-être des apprenants. Ils ont donc besoin de notre soutien.

La mise en œuvre de programmes de rattrapage de l’apprentissage exigera des engagements politiques et financiers considérables afin de renforcer les capacités des systèmes éducatifs. À ce jour, moins de 3 % des plans de relance publics ont été alloués à l’éducation, proportion qui est inférieure à 1 % dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Des fonds bien plus importants seront nécessaires pour assurer le rattrapage le plus urgent, sans parler de la transformation de l’éducation que les enfants du monde entier méritent et dont ils ont besoin.

Le rapport État de la crise mondiale de l’éducation : un chemin pour le redressement montre la dure réalité à laquelle sont confrontés les systèmes éducatifs du monde entier. Il présente plusieurs mesures visant à récupérer l’apprentissage et à faire de cette crise une occasion de réinventer l’éducation, en la rendant plus résiliente, plus équitable et plus efficace afin d’offrir un apprentissage à tous. Il faut saisir cette chance. C’est le moment d’agir, si nous voulons éviter que cette génération d’élèves subisse des pertes définitives d’apprentissage, de revenus et de productivité future et préserver leur capacité de participer pleinement à la société.