Déclaration de Windhoek

Adoptée en 1991 à l'issue d'un séminaire pour le développement d'une presse africaine indépendante organisé à Windhoek (Namibie), cette Déclaration souligne l'importance d'une presse libre pour le développement et la préservation de la démocratie ainsi que pour le développement économique. Deux ans plus tard, l'Assemblée générale des Nations Unies a créé la Journée mondiale de la liberté de la presse.

Texte intégral de la Déclaration de Windhoek (3 mai 1991)

Nous, les participants au Séminaire pour le développement d'une presse africaine indépendante et pluraliste organisé à Windhoek (Namibie), du 29 avril au 3 mai 1991, conjointement par l'Organisation des Nations Unies et l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture,

Rappelant la Déclaration universelle des droits de l'homme,

Rappelant la résolution 59 (I) de l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations Unies, en date du 14 décembre 1946, où la liberté de l'information est qualifiée de droit fondamental de l'homme, et sa résolution 45/76 A du 11 décembre 1990 sur l'information au service de l'humanité,

Rappelant la résolution 25 C/104 de la Conférence générale de l'UNESCO de 1989, qui met l'accent sur la promotion "de la libre circulation des idées par le mot et l'image" à travers les nations et au sein de chaque nation,

Prenant note avec appréciation des déclarations faites à l'ouverture du Séminaire par la Secrétaire générale adjointe des Nations Unies à l'information et par le Sous-Directeur général de l'UNESCO chargé de la communication, de l'information et de l'informatique,

Exprimant également leurs sincères remerciements à l'Organisation des Nations Unies et à l'UNESCO d'avoir organisé le Séminaire,

Exprimant également leurs sincères remerciements à tous les organes et organismes intergouvernementaux, en particulier le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), qui ont collaboré avec l'ONU et l'UNESCO à l'organisation du Séminaire,

Exprimant leur gratitude au Gouvernement et au peuple de la République de Namibie pour leur généreuse hospitalité qui a favorisé le succès du Séminaire,

Déclarons ce qui suit:

  1. Conformément à l'esprit de l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, la création, le maintien et le renforcement d'une presse indépendante, pluraliste et libre sont indispensables au progrès et à la préservation de la démocratie dans un pays, ainsi qu'au développement économique;
  2. Par presse indépendante doit s'entendre une presse sur laquelle le pouvoir public n'exerce ni emprise politique ou économique ni contrôle du matériel et des équipements nécessaires à la production et à la diffusion de journaux, magazines et périodiques;
  3. Par presse pluraliste doit s'entendre la suppression des monopoles de tous genres et l'existence du plus grand nombre possible de journaux, magazines et périodiques reflétant l'éventail le plus large possible des points de vue de la communauté;
  4. L'évolution actuelle d'un nombre croissant de pays africains vers la démocratie fondée sur le multipartisme est hautement appréciée et crée un climat favorable à l'éclosion d'une presse indépendante et pluraliste;
  5. Le mouvement qui se dessine dans le monde entier vers plus de démocratie, de liberté d'information et d'expression est une contribution fondamentale à la réalisation des aspirations de l'humanité;
  6. Dans l'Afrique d'aujourd'hui, en dépit des changements positifs intervenus dans certains pays, journalistes et éditeurs sont encore en lutte, dans de nombreux pays, à la répression -- assassinats, arrestations, détentions et censure -- et leur activité est entravée par toutes sortes de pressions politiques et économiques: restrictions à la fourniture du papier journal, autorisations préalables limitant la liberté de publication, restrictions de la délivrance de visas affectant la liberté de déplacement des journalistes, restriction du libre échange des nouvelles et de l'information, limitation de la libre circulation des journaux à l'intérieur et à l'extérieur des frontières nationales. Dans certains pays, le parti unique a une emprise totale sur l'information;
  7. Au moins 17 journalistes et éditeurs sont actuellement détenus dans des prisons africaines et 48 journalistes africains ont été tués dans l'exercice de leurs fonctions entre 1969 et 1990;
  8. L'Assemblée générale de l'Organisation des Nations Unies devrait inscrire à l'ordre du jour de sa prochaine session une question relative à la censure à l'effet de déclarer que celle-ci constitue une violation grave des droits de l'homme, ressortissant de la Commission des droits de l'homme;
  9. Il faudrait que les Etats africains soient encouragés à assurer les garanties constitutionnelles nécessaires à la liberté de la presse et à la liberté d'association;
  10. Pour encourager et consolider les changements positifs qui se produisent actuellement en Afrique et pour prévenir les développements négatifs, la communauté internationale - et plus particulièrement les organisations internationales (gouvernementales et non gouvernementales), les organismes.d'aide au développement et les associations professionnelles - devrait en priorité appuyer financièrement le développement et la création de journaux, magazines et périodiques non gouvernementaux qui reflètent la société dans son ensemble et les divers points de vue des communautés qu'ils desservent;
  11. Tout financement devrait viser à encourager à la fois le pluralisme et l'indépendance. En conséquence, ce financement ne devrait être accordé aux médias publics que lorsque les autorités garantissent, sur le plan constitutionnel et dans les fans, la liberté d'information et d'expression et l'indépendance de la presses;
  12. Afin que les libertés énumérées ci-dessus puissent être préservées, la création d'associations professionnelles, de syndicate de journalistes, d'associations d'éditeurs véritablement indépendants et représentatifs s'impose en priorité dans tous les pays africains où ces organismes n'existent pas encore;
  13. La législation nationale des pays africains, concernant les médias et les relations professionnelles, devrait être formulée de façon à garantir l'existence d'associations représentatives comme celles qui sont mentionnées ci-dessus et les conditions leur permettant de remplir leur importante mission, qui est de défendre la liberté de la presses;
  14. Les États africains qui ont incarcéré des journalistes du fait de leur activité professionnelle devraient, pour témoigner de leur bonne foi, les libérer sans tarder. Les journalistes qui ont été obligés de quitter leur pays devraient être libres d'y retourner et de reprendre leur activité professionnelle;
  15. La coopération entre éditeurs africains, d'une part, et entre éditeurs du Nord et du Sud (par le biais de jumelages par exemple), d'autre part, devrait être encouragée et soutenue;
  16. L'Organisation des Nations Unies et l'UNESCO, et en particulier le Programme international pour le développement de la communication, devraient, en coopération avec les organismes gouvernementaux (notamment le PNUD) et non gouvernementaux d'aide au développement, ainsi qu'avec les organisations non gouvernementales et les associations professionnelles compétentes, entreprendre d'urgence des recherches approfondies dans les domaines suivants:
    1. Identification, en vue de leur élimination ultérieure, des barrières écono miques qui entravent la création de nouveaux débouchés pour les médias,y compris les taxes, les droits de douane et les contingents qui restreignent l'importation d'articles comme le papier journal et les équipements d'impression, de composition et de traitement de textes, ainsi que les taxes sur la vente des journaux;
    2. Formation de journalistes et de gestionnaires d'entreprises de presse, développement à leur intention d'institutions et de tours de formation professionnelle;
    3. Identification des obstacles juridiques à la reconnaissance et au bon fonctionnement des syndicate ou associations de journalistes et d'éditeurs;
    4. Établissement d'un registre des moyens de financement disponibles auprès des organismes d'aide au développement et autres institutions avec indication des conditions régissant l'octroi de ces fonds ainsi que des procédures à suivre pour en bénéficier;
    5. État par pays de la liberté de la presse en Afrique;
  17. Compte tenu de l'importance de la radio et de la télévision dans le domaine de l'information, l'Organisation des Nations Unies et l'UNESCO sont invitées à recommander respectivement à l'Assemblée générale et à la Conférence générale d'organiser un séminaire analogue à l'intention des journalistes et directeurs de programmes de ces médias en Afrique afro d'explorer les moyens d'appliquer à ceux-ci les mêmes principes d'indépendance et de pluralisme;
  18. La communauté internationale devrait contribuer à la réalisation et à la mise en application des initiatives et des projets figurant en annexe à la Déclaration;
  19. Le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies et le Directeur général de l'UNESCO devraient transmettre la présente déclaration respectivement à la prochaine Assemblée générale de l'Organisation des Nations Unies et à la Conférence générale de l'UNESCO.

ANNEXE: Initiatives et Projets identifiés par le Séminaire

  1. Développement de la coopération entre les journaux privés africains et entre les journaux du Nord et du Sud:
    • Les aider à échanger leurs publications;
    • Les aider à échanger leurs informations;
    • Les aider à mettre en commun leur expérience grâce à des échanges de journalistes;
    • Organiser des stages de perfectionnement et des voyages d'études pour leurs journalistes, leurs gestionnaires et leur personnel technique.
  2. Création d'unions nationales indépendantes et distinctes d'éditeurs et de journalistes.
  3. Création d'associations régionales d'éditeurs et de journalistes indépendants.
  4. Élaboration et promotion, dans chaque pays, de réglementations non gouvernementales et de codes déontologiques permettant de mieux défendre la profession et d'assurer sa crédibilité.
  5. Financement d'une étude sur l'audience des journaux indépendants en vue de l'organisation de groupements d'agents publicitaires.
  6. Financement d'une étude de faisabilité sur la mise en place d'une fondation d'aide à la presse indépendante et recherche de fonds pour le capital de la fondation.
  7. Financement d'une étude de faisabilité pour la création d'une centrale d'achat de papier journal et mise en place de la centrale d'achat.
  8. Soutien et création d'entreprises de presse africaines à caractère régional.
  9. Aide à la mise en place de structures de surveillance des atteintes à la liberté de la presse et à l'indépendance des journalistes, à l'instar de l'Union des journalistes d'Afrique de l'Ouest (UJAO).
  10. Création pour la presse africaine indépendante d'une banque de données relatives aux informations d'actualité nécessaires aux journaux.