<
 
 
 
 
×
>
You are viewing an archived web page, collected at the request of United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization (UNESCO) using Archive-It. This page was captured on 15:33:34 Mar 21, 2022, and is part of the UNESCO collection. The information on this web page may be out of date. See All versions of this archived page.
Loading media information hide

Un futur avec lequel nous pouvons tous vivre : comment l’éducation peut traiter et éliminer le racisme

Cecilia Barbieri & Martha K. Ferede — 29 juin 2020

Le Laboratoire d’idées sur Les futurs de l’éducation a pour objet de mettre en valeur des articles originaux de recherche et d’opinion qui portent sur des questions examinées dans le cadre de l’initiative « Les futurs de l’éducation » de l’UNESCO. Les idées exprimées ici sont celles des auteurs ; elles ne sont pas nécessairement celles de l’UNESCO et n’engagent pas l’Organisation.

Cecilia Barbieri, Martha K. Ferede - Quote Card - Ideas LAB FR
Aujourd’hui, avec pour toile de fond la pandémie de COVID-19 qui a mis
en évidence de graves inégalités socio-économiques et exacerbé les
discours de haine, le monde assiste également à un soulèvement
généralisé contre le racisme et la discrimination systémiques,
institutionnalisés et structurels

Les préjugés sont un fardeau qui embrouille le passé, menace l’avenir et rend le présent inaccessible. - Maya Angelou

Ces mots prononcés par Maya Angelou il y a plus de 30 ans font écho aux injustices du passé, ajoutent de la gravité à notre turbulent présent et montrent clairement que les préjugés vont à l’encontre de ce dont nous avons besoin, au fond, pour devenir des citoyens du monde qui promeuvent et créent des futurs justes et pacifiques.

Aujourd’hui, avec pour toile de fond la pandémie de COVID-19 qui a mis en évidence de graves inégalités socio-économiques et exacerbé les discours de haine, le monde assiste également à un soulèvement généralisé contre le racisme et la discrimination systémiques, institutionnalisés et structurels. Des protestations ont lieu sur presque tous les continents, de l’Amérique du Nord et du Sud à l’Europe et à l’Australie. Il ne s’agit pas seulement d’un nouveau meurtre insensé d’un Afro-Américain désarmé. Il s’agit du meurtre insensé de millions de personnes sur plusieurs siècles, de traitement inégal et injuste, de différentes formes de violence, d’inégalité économique et sociale, d’absence d’opportunités, de profilage racial, de marginalisation, de micro-agressions et d’innombrables indignités quotidiennes.

Le racisme et la discrimination systémiques sont ancrés dans la structure même de la société, dans les gouvernements, sur le lieu de travail, dans les tribunaux, la police et les institutions éducatives. Le racisme peut être explicite, mais revêt souvent des formes implicites, subtiles et insidieuses qui peuvent être difficiles à cerner. 

Les données mondiales sur l’éducation mettent en évidence la malignité du racisme : 

Les politiques disciplinaires des écoles ont un impact disproportionné sur les élèves noirs. Dans certains milieux, dès la maternelle, les enfants noirs sont 3,6 fois plus susceptibles de faire l’objet de suspensions extrascolaires que les enfants blancs, chiffre qui passe à 4 fois dans les classes allant de la maternelle à la terminale. Les élèves noirs sont également deux fois plus susceptibles de faire l’objet d’arrestations liées à l’école et d’être remis aux forces de l’ordre (US Department Office for Civil Rights, 2016 ; Fabello et al., 2011). 

Les attentes des enseignants diffèrent selon la race des élèves. De nombreuses études ont établi une corrélation entre les attentes des enseignants et les résultats éducatifs des élèves, y compris les résultats scolaires et l’achèvement de l’enseignement supérieur (Boser et al., 2014). Cependant, les attentes des enseignants diffèrent selon la race, le statut économique et l’origine nationale des élèves. Par exemple, les élèves d’Europe de l’Est ont connu diverses formes de racisme et de faibles attentes dans le système scolaire britannique (Tereschenko et al., 2018).

Les élèves issus de groupes ethniques et raciaux minoritaires sont plus susceptibles d’être étiquetés « à risque ». Par exemple, au Québec (Canada), les élèves d’origine caribéenne ont trois fois plus de chances d’être identifiés comme étant handicapés, inadaptés socialement ou ayant des difficultés d’apprentissage et d’être placés dans des classes distinctes pour élèves « à risque » (Maynard, 2017).

La fréquentation et le niveau d’éducation sont en corrélation avec la race. Selon le Rapport mondial de suivi sur l’éducation 2020, bien que des progrès aient été réalisés dans l’accès à l’éducation ces dernières décennies, une inégalité raciale persiste dans la fréquentation et la réussite scolaires dans les pays d’Amérique latine. Par exemple, par rapport à leurs pairs non Afrodescendants, les taux de fréquentation scolaire sont plus faibles pour les Afrodescendants âgés de 12 à 17 ans (CEPALC, 2019). D’après les données de la Banque mondiale (2018), en Uruguay et au Pérou, les personnes afrodescendantes ont également moins de chances de terminer leurs études secondaires que les personnes non afrodescendantes. 

La discrimination raciale a lieu parmi les élèves. En Australie, une étude portant sur les élèves du primaire et du secondaire issus de milieux anglo-celtiques/européens, de l’Asie de l’Est ou du Sud-Est, de la communauté aborigène et des îles du détroit de Torres, du Moyen-Orient, des îles du Pacifique et de l’Afrique a révélé qu’un élève sur trois se disait victime de discrimination raciale de la part de ses pairs (Priest et al., 2019). (Priest et al., 2019).

Le rendement de l’éducation diffère selon la race. Dans l’Afrique du Sud de l’après-apartheid, bien que les possibilités d’éducation se soient améliorées, la valorisation de cette éducation a été inégale. En 2004, ces différences de rendement expliquaient environ 40 % de l’écart de salaire constaté entre Blancs et Africains. (Keswell, 2010). En 2018, le Sud-Africain noir moyen gagnait cinq fois moins que son homologue blanc (Syed & Ozbilgin, 2019).

Le racisme est une violation de la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948) et va à l’encontre de la Convention de l’UNESCO concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement (1960), de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (1965), du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1966) et de la Convention relative aux droits de l’enfant (1989).

Le racisme et la discrimination systémiques sont ancrés dans la
structure même de la société, dans les gouvernements, sur le
lieu de travail, dans les tribunaux, la police et les institutions éducatives

Les systèmes éducatifs et les établissements d’enseignement ont une importante responsabilité et un important rôle à jouer pour ce qui est de combattre et d’éliminer le racisme en : 

Aidant les écoles à mettre en œuvre des politiques d’éducation qui y favorisent l’intégration raciale. Il a été constaté que ces écoles favorisaient la cohésion sociale et les relations interraciales (Eaton & Chirichigno, 2011). 

Formant et recrutant des enseignants qui reflètent la diversité des élèves. Des études montrent que lorsque les enseignants reflètent la population des élèves, les résultats d’apprentissage sont meilleurs, les attentes plus élevées et les mesures disciplinaires moins nombreuses (Egamit et al. 2015).

Examinant le programme d’études sous plusieurs angles. Premièrement, il faudrait que les écoles donnent à l’histoire, à la mémoire sociale et aux droits de l’homme, ainsi qu’aux formes de savoirs autochtones, une place au cœur de l’enseignement. Cela aide à comprendre pleinement le passé et la relation avec le présent, ainsi qu’à briser la perpétuation des stéréotypes. Deuxièmement, il faudrait que les éducateurs réexaminent et révisent les programmes d’enseignement, en particulier les manuels, pour en éliminer les représentations racistes, les fausses représentations et les exclusions historiques.

S’attaquant aux préjugés implicites. Il faudrait que tous les acteurs de l’enseignement, qu’il s’agisse des décideurs, des dirigeants, des enseignants, du personnel ou des élèves, reçoivent une formation qui leur permette de prendre conscience de leurs préjugés implicites, c’est-à-dire inconscients. Pour réduire les préjugés implicites, les écoles peuvent, entre autres stratégies, pratiquer un enseignement axé sur la réflexion, appliquer des politiques de discipline équitables fondées sur des données, et solliciter des commentaires externes (Staats, 2015).

L’injustice du racisme systémique est un important obstacle au type d’éducation que requiert la mise en place d’un autre avenir pour tous – d’un futur où les gens puissent vivre ensemble pacifiquement en tant que citoyens du monde, dans des sociétés fortes et justes, qui valorisent la diversité. En tant qu’éducateurs, citoyens et communauté mondiale, nous avons beaucoup à faire pour que les solutions proposées pour vaincre ce racisme ne s’engluent pas dans le système qui est critiqué, afin que puissent être éliminées les racines de l’oppression et de l’inégalité.

Pour cela, une approche franche et audacieuse est nécessaire, comme l’affirme, dans son récent message, le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres : « La position des Nations Unies sur le racisme est très claire : ce fléau viole la Charte des Nations Unies et avilit nos valeurs fondamentales. Chaque jour, dans le travail que nous menons à travers le monde, nous nous efforçons de faire notre part pour promouvoir l’inclusion, la justice et la dignité, et combattre le racisme dans toutes ses manifestations ».

Il est temps d’engager des conversations essentielles et de prendre des mesures inspirées et éclairées.

Notre futur en dépend. 

Cecilia Barbieri dirige la Section de l’éducation à la citoyenneté mondiale et pour la paix à l’UNESCO. Elle vient du Bureau régional de l’UNESCO pour l’éducation en Amérique latine et dans les Caraïbes, où elle était responsable de la Section « Éducation 2030 ». Elle travaille comme spécialiste de l’éducation à l’UNESCO depuis 1999, principalement en Afrique et en Asie.

Martha K. Ferede est chargée de projet dans la Section de l’éducation à la citoyenneté mondiale et pour la paix à l’UNESCO. Elle a été enseignante, chercheuse à l’université Harvard et conférencière à Sciences-po.

Citer cet article (format APA)
Barbieri, C. & Ferede, M.K. (29 juin 2020) Un futur avec lequel nous pouvons tous vivre : comment l’éducation peut traiter et éliminer le racisme. LABO Idées de l'UNESCO - Les futurs de l'éducation.  Repris à partir de https://fr.unesco.org/futuresofeducation/ideas-lab/barbieri-ferede-education-eliminer-racisme.

Citer cet article (format MLA)
Barbieri, Cecilia and Martha K. Ferede. "A future we can all live with: How education can address and eradicate racism". LABO Idées de l'UNESCO - Les futurs de l'éducation. 29 juin 2020, https://fr.unesco.org/futuresofeducation/ideas-lab/barbieri-ferede-education-eliminer-racisme.

 

Nous devons réfléchir ensemble afin de pouvoir agir ensemble, et pour créer les futurs que nous voulons !

Le processus de consultation mondiale est à présent ouvert !

Contact

Siège de l'UNESCO

7 Place de Fontenoy
75007 Paris, France

Division Futur de l'apprentissage et Innovation

futuresofeducation@unesco.org

Suivez-nous