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Gouvernance de l’Internet et sécurité des journalistes

07/12/2016

Un panel organisé par l’UNESCO dans le cadre du FGI 2016 à Guadalajara (Mexique), en présence de deux rapporteurs spéciaux sur la liberté d’expression, de représentants du gouvernement mexicain, de journalistes et de représentants de la société civile, a souligné l’importance de protéger les journalistes des menaces aussi bien numériques que physiques.

Lors du Forum sur la gouvernance de l’Internet (FGI), un panel de haut niveau multipartite a souligné les défis soulevés par la protection des journalistes dans les environnements en ligne et hors ligne.

Cela s’inscrit dans la reconnaissance de la sécurité des journalistes par l’Assemblée générale des Nations Unies, dans sa résolution sur le document final du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI +10), adoptée en décembre 2015.

La séance a également souligné que les 193 Etats membres des Nations Unies ont approuvé les objectifs du programme de développement à l’horizon 2030. L’objectif 16, cible 10 sur l’accès public à l’information et les libertés fondamentales comporte un indicateur qui prend en compte la sécurité des journalistes.

Une cinquantaine de personnes de la communauté de la gouvernance de l’Internet ont participé au panel de l’UNESCO sur la sécurité des journalistes et ont échangé avec les intervenants.

Le meurtre de professionnels des médias est « la pire forme de censure » a déclaré Edison Lanza, rapporteur spécial sur la liberté d’expression de la Commission interaméricaine des droits de l’homme. Pour M. Lanza, il est essentiel de porter la question de la sécurité des journalistes au FGI et les débats sur la liberté d’expression en ligne devraient également en tenir compte.

Pour M. Lanza, le débat sur la liberté d’Internet doit avoir « cette approche holistique qui intègre des questions plus larges, comme la sécurité des journalistes ».

Données et tendances inquiétantes

Guy Berger, Directeur de la Division pour la liberté d’expression et le développement des médias de l’UNESCO, a souligné des chiffres clés donnés par le Rapport de la Directrice générale de l’UNESCO sur la sécurité des journalistes et le danger de l’impunité.

M. Berger a indiqué que sur les 827 journalistes tués au cours des dix dernières années, 59 % ont été tués dans des pays en proie à un conflit armé et 41 % dans des pays sans conflit armé. 95 % étaient des journalistes locaux et seulement 5 % des correspondants étrangers. 

Il a décrit les Indicateurs sur la sécurité des journalistes de l’UNESCO et invité les différents acteurs à les utiliser pour suivre les progrès en matière de sécurité et d’impunité, y compris dans le monde numérique.

David Kaye, rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, a expliqué que la criminalisation du chiffrement et/ou de l’anonymat portent préjudice à la sécurité numérique des professionnels des médias. Il a également exprimé son inquiétude face aux discours politiques contre les journalistes qui ont des répercussions négatives sur la sécurité des professionnels de l’information.

M. Kaye a également mis en garde contre la législation antiterroriste qui menace la sécurité des journalistes dans le monde entier et en a appelé à une plus grande volonté politique pour appliquer des lois protégeant les journalistes et mettant fin à l’impunité.

Marta Duran, journaliste et experte du mécanisme national de protection des journalistes au Mexique, a fait une intervention remarquée. Elle a souligné une contradiction avec les mécanismes de protection étatique des journalistes lorsque les responsables d’attaques sont des agents de l’Etat (forces de sécurité, agents des renseignements, etc.).

Mme Duran a également rapporté le cas de journalistes dénonçant la corruption qui étaient condamnés au lieu d’être protégés. Elle a par ailleurs souligné que le crime organisé contribuait au taux élevé de violence contre les journalistes. L’intimidation et les menaces de mort font taire les journalistes et créent une culture de la peur, a déclaré Mme Duran.

Mme Erika Smith, de l’équipe des droits des femmes de l’Association pour le progrès des communications, a ajouté que le harcèlement sexiste est très élevé dans les cas impliquant des femmes journalistes et qu’il est pourtant souvent trop négligé.

L’impunité perpétue le cycle de la violence

Tous les intervenants ont souligné que les taux inacceptables d’impunité des crimes commis contre des journalistes sont l’une des principales causes qui perpétuent le cycle de la violence.

D’après l’UNESCO, neuf affaires sur dix ne sont pas résolues dans une procédure judiciaire digne de ce nom.

Pour Marta Duran, il est indispensable de prendre les enquêtes au sérieux, car une grande partie du problème de l’impunité tient au fait que les autorités refusent de reconnaître que les crimes commis contre des journalistes sont liés à leur métier.

Différents outils de protection et de prévention sont disponibles

Dans son intervention, M. Berger a dit que l’UNESCO avait mis en place une base de données mondiale, où n’importe qui peut suivre la situation en matière de violence contre les journalistes dans son pays.

Il a également souligné les progrès accomplis ces dernières années. En 2012, les instances dirigeantes des Nations Unies ont approuvé le Plan d’action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité. Neuf résolutions sur la sécurité ont été approuvées par les Etats membres de différentes organisations des Nations Unies au cours des quatre dernières années.

Si les taux d’impunité restent toujours très élevés, le taux de réponse aux demandes d’information de l’UNESCO auprès des Etats membres concernant les suites judiciaires des assassinats de journalistes a progressé selon M. Berger.

De nouveaux mécanismes et initiatives ont également été mis en place, comme le mécanisme conjoint des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire annoncé récemment par le Paraguay et l’initiative régionale de l’UNESCO de soutien aux systèmes judiciaires dans l’espace ibéro-américain pour renforcer la protection des journalistes et lutter contre l’impunité.

Edison Lanza a expliqué comment son bureau assurait la promotion des différents mécanismes de protection existant en Amérique latine (Colombie, Mexique, Guatemala, etc.), qui ont différents niveaux de mise en œuvre.  

Pour le rapporteur spécial, un élément important de ces mécanismes est la capacité à développer l’analyse de risques, point également souligné par Julio César Díaz Herrera, directeur adjoint du mécanisme mexicain de protection des journalistes à la Secretaría de Gobernación. Il a expliqué que le mécanisme mexicain allait intégrer des critères de genre dans sa matrice de risques.

Un autre outil important dans le système interaméricain est la possibilité de porter des affaires devant la Commission et la Cour interaméricaine des droits de l’homme, a souligné le rapporteur spécial.

Pour le rapporteur spécial des Nations Unies, des stratégies comme la création de bureaux spéciaux pour les enquêtes sur les cas de violence contre des journalistes peuvent être utiles pour traiter la question de l’impunité.

La sécurité dans l’environnement numérique

Le panel a été l’occasion d’annoncer la publication de la version espagnole de Building Digital Safety for Journalism de l’UNESCO, un travail effectué sous la coordination du Bureau de l’UNESCO au Mexique, dont le responsable de la communication, Carlos Tejada, est intervenu dans le panel comme modérateur.

Tous les intervenants ont attiré l’attention sur divers types de risques numériques comme une plus grande exposition ; les traces numériques qui peuvent permettre aux agresseurs de trouver les journalistes ; la confidentialité des sources ; les cyberattaques ; le piratage d’informations ; et la saisie de matériel.

Les menaces numériques, selon beaucoup d’intervenants, doivent être étudiées par les autorités pour prévenir le danger et poursuivre de potentiels agresseurs.

Mme Kim Pham, d’IREX Safe Initiative, a souligné l’importance de disposer de kits d’outils pour aider les professionnels des médias à aborder le problème de la sécurité numérique. Elle a également attiré l’attention sur la nécessité de la formation, mais a souligné l’importance de la création de réseaux de solidarité pour lutter contre les menaces violentes.

L’avenir

Les intervenants ont souligné que la protection faisait partie de l’équation, mais une politique globale et cohérente doit inclure la prévention et la lutte contre l’impunité.

Ils ont également souligné que ces efforts doivent impliquer d’autres acteurs clés, comme les organes des médias et le secteur privé en général.

Pour Julio César Díaz Herrera, les partenariats – en particulier avec le système des Nations Unies, le système interaméricain et la société civile – sont essentiels pour améliorer l’efficacité du mécanisme mexicain. 

La nécessité d’une meilleure coordination avec la société civile a été soulignée par plusieurs intervenants, notamment par Mme Erika Smith et Mme Kim Pham. Les deux intervenantes ont également insisté sur la nécessité de développer des mesures de protection particulières pour les femmes journalistes.