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Construire la paix dans l’esprit
des hommes et des femmes

Grand angle

Zéro carbone, à commencer par les villes !

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La ville de demain, dessin réalisé par Wang Boya, 7 ans, pour la campagne Le monde de demain, tel que je l’imagine, lancée par la plateforme WeChat du Courrier de l’UNESCO, en 2019.

Les acteurs non étatiques, villes en tête, doivent être les premiers à semer les graines d’une société sans carbone. Pour éviter le cauchemar d’une météo déréglée, il faut pousser la réduction de nos émissions de carbone plus loin que ne le prévoit l’Accord de Paris de 2015. Cela exige des actions concertées et mondiales, et des initiatives concrètes comme l’électrification des transports, la décarbonisation des logements et une transition énergétique à grande échelle. 

Manuel Guzmán Hennessey

Avant la publication, en octobre 2018, du Rapport spécial du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), on pensait que le point de bascule (seuil critique où le climat passe d’un état stable à un autre état stable) de la hausse de la température moyenne de la Terre se situait à 2 °C. Or, on le sait depuis, il est à 1,5 °C. Si ce seuil est franchi, notent les scientifiques du GIEC, la société s’expose à des conséquences dévastatrices : disparition d’écosystèmes entiers et d’espèces, fonte des calottes polaires et élévation du niveau de la mer, vagues de chaleur et de sécheresse intenses et accroissement de l’intensité et de la fréquence des phénomènes météorologiques extrêmes.

Pour éviter cette catastrophe, l’Accord de Paris de 2015 (COP21) s’avère insuffisant. Les scientifiques expliquent que pour limiter le réchauffement planétaire à 1,5 °C au lieu de 2 °C, comme le prévoit cet Accord, il faudrait, d’ici à 2030, réduire les émissions mondiales nettes de dioxyde de carbone (CO2) d’environ 45 % par rapport aux niveaux de 2010, et atteindre un « bilan nul » des émissions aux alentours de 2050. Or les objectifs de réduction fixés à Paris tournent en moyenne autour de 25 %. 

Que dit le GIEC ? Qu’il faut « des transformations de grande envergure et sans précédent », lesquelles portent, essentiellement, sur la réduction de nos émissions de carbone. Les émissions de CO2 accumulées et l’augmentation moyenne de la température de la Terre sont directement liées à la production et à la consommation de combustibles fossiles. Conséquence : un réchauffement mondial jamais vu jusqu’à présent. Ces trois dernières années ont été les plus chaudes de l’histoire. 

Lueurs d’espoir

D’où vient alors la certitude des scientifiques qu’il est possible de semer les graines d’une société sans carbone d’ici à 2030 ? Selon eux, une société débarrassée de ses émissions de carbone est possible. Et il ne s’agit pas d’une société « alternative » ou d’un modèle social expérimental : la décarbonisation est la nouvelle condition de la viabilité de la Terre. 

Parmi les sources les plus autorisées figure l’Agence internationale de l’énergie (AIE), qui publie chaque année, depuis 1977, le World Energy Outlook (Perspectives énergétiques mondiales). On peut conclure, en partant de ses analyses, que les groupes non étatiques, formés de citoyens, d’entrepreneurs, de municipalités et d’universités, ont pris la tête des efforts de décarbonisation. Une myriade de plateformes exposent les actions climatiques engagées par ces nouveaux acteurs, illustration quotidienne d’une transition qui fait son chemin, parfois plus rapidement que leurs propres pays ne progressent vers les objectifs qu’ils ont fixés. Parmi ces nouvelles certitudes, en voici quelques-unes propres à nous redonner espoir. 

D’abord, la croissance de la capacité solaire photovoltaïque installée a dépassé en 2016 celle de toutes les autres sources d’énergie. Ensuite, depuis 2010, le coût des nouvelles installations a baissé de 70 % pour le solaire photovoltaïque et de 25 % pour l’éolien. À cela s’ajoute une diminution de 40 % du coût des batteries photovoltaïques. En outre, entre 2020 et 2050, les énergies éolienne et solaire représenteront à elles deux 48 % de l’électricité totale. Et le Conseil européen a fixé de nouveaux objectifs à atteindre en 2030 : 40 % de réduction des émissions de carbone, 27 % d’énergies renouvelables dans le mix énergétique et une amélioration de 27 % de l’efficacité énergétique. 

L’action climatique des villes

Je pars du principe qu’une société décarbonée est possible, si on concentre les actions climatiques de transition sur la gestion des villes, et si on les entreprend de manière articulée, collaborative et planétaire, entre 2020 et 2030. 

Pourquoi commencer par les villes ? Parce qu’elles concentrent les trois quarts des émissions de gaz à effet de serre (GES) et consomment les deux tiers de l’énergie mondiale. Environ 70 % d’entre elles subissent déjà les effets du changement climatique, et presque toutes sont menacées. En 2060, plus d’un milliard d’êtres humains vivront dans des zones urbaines côtières de faible altitude – soit, selon les projections, 10 % de la population mondiale d’alors –, la majeure partie se trouvant dans les pays en développement. 

Ces chiffres, que je tiens de la spécialiste Bahareh Seyedi, conseillère en matière de politique climatique au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), brossent le panorama de la vulnérabilité des villes face au changement climatique et stimulent la réflexion.

Il apparaît évident que les villes devront élaborer d’ici à la fin 2020 (c’est demain !) des plans d’action climatique visant à limiter le réchauffement à 1,5 °C et à s’adapter aux effets du changement climatique. On peut structurer ces plans d’action autour de trois axes : atténuation des émissions de CO2, augmentation de la résilience et éducation.

L’atténuation des émissions de carbone englobe la transition des systèmes de transport, l’efficacité énergétique, la gestion intégrée des déchets et la promotion du recyclage, ainsi que la rénovation des infrastructures urbaines vers des schémas durables. L’augmentation de la résilience doit partir de la reconnaissance que les villes sont des systèmes complexes et qu’elles doivent donc répondre de manière complexe aux effets du changement climatique. Cet axe comprend l’adaptation des territoires au changement climatique, la gestion et la prévention des risques, le renforcement des systèmes d’économie circulaire et locale, et la mise en œuvre de systèmes d’énergie décentralisée (pour la production, la distribution et la commercialisation des excédents des énergies renouvelables). L’éducation des citadins, notamment des plus jeunes, est essentielle en ce sens qu’elle leur permettra de mettre les transitions en œuvre de façon à la fois ordonnée et accélérée. 

Les villes qui s’engageront sur la voie du « zéro carbone » devront allier le meilleur de la conception urbaine et les technologies numériques de pointe afin de relever les défis. 

Il s’agira pour elles de débarrasser les rues des combustibles fossiles, en acquérant uniquement des autobus zéro émission à partir de 2025, et de faire en sorte que les grandes zones urbaines n’aient plus d’émissions de carbone d’ici à 2030. 

Il sera important aussi de décarboner les bâtiments, en adoptant des réglementations ou en concevant des politiques obligeant les constructions neuves à réduire à zéro leurs émissions nettes de carbone d’ici à 2030, et l’ensemble des bâtiments d’ici à 2050. 

Une autre des mesures les plus saillantes serait de réduire la quantité de déchets produits d’au moins 15 % par habitant d’ici à 2030 et de réduire au moins de moitié le volume de déchets solides municipaux envoyés vers les décharges ou les incinérateurs. 

Enfin, les villes devront entreprendre des actions climatiques de fort impact social, qui procurent d’importants bénéfices sur le plan environnemental, social, économique et sanitaire, en ciblant d’abord et avant tout les communautés vulnérables et les personnes à faible revenu.

Voir aussi :

UNESCO : Eau et mégapoles

Manuel Guzmán Hennessey

Fondateur du réseau Klimaforum Latinoamérica Network (KLN), Manuel Guzmán Hennessey est professeur à l’université du Rosaire, à Bogotá (Colombie). Le KLN est un organisme indépendant qui se consacre à la promotion des actions climatiques contribuant à la décarbonisation de la société. Il travaille en partenariat avec des universités, des entreprises et des associations citoyennes et se compose d’un conseil consultatif et d’une équipe de défenseurs de l’environnement reconnus.