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Interview

L’éducation est le fondement de l’égalité des genres

02/11/2020

Photo : Kuniko Inoguchi, spécialiste des sciences politiques et ancienne Ministre japonaise chargée de l’égalité des sexes et des affaires sociales, s’adressant à la réunion du Groupe de réflexion de haut niveau à Paris, en novembre 2019.

Les femmes sont en marge de la plupart des sociétés. Si vous rencontrez en plus d’autres problèmes – par exemple, si vous vivez avec un handicap, si vous êtes touchée par une catastrophe, si vous avez un accès insuffisant à l’éducation, pour toutes sortes de raisons, alors vous êtes aussi en marge de votre société. Les inégalités entre les sexes sont ainsi liées à de nombreux autres problèmes, et la moitié de la population mondiale est doublement affectée.

Kuniko Inoguchi, spécialiste des sciences politiques et ancienne Ministre japonaise

Le caractère universel de ces expériences d’inégalités multidimensionnelles reflète le besoin urgent de non seulement débarrasser nos sociétés du poids des traditions patriarcales et paternalistes néfastes, mais aussi d’intervenir de manière holistique, ce qui, selon Kuniko Inoguchi, commence par l’éducation.

Traduire l’égalité d’accès à l’éducation en une égalité des chances à long terme

« Le développement n’est pas durable sans éducation. Celle-ci doit commencer tôt. Elle doit être accessible aux garçons et aux filles sur un pied d’égalité. Et toutes les générations doivent pouvoir bénéficier constamment d’opportunités d’accès à une éducation de qualité, y compris ceux qui sont sortis du système éducatif. »

Cela suppose d’investir dans l’éducation de la petite enfance, en passant par l’enseignement primaire et supérieur, jusqu’à l’enseignement postdoctoral. Il s’agit de garantir l’accès des personnes plus âgées à l’éducation, et de les encourager à reprendre et à achever leurs études, ou même à entreprendre des études si elles le souhaitent. Il s’agit également de cibler les enfants et les citoyens vulnérables qui sont sortis du système éducatif, notamment ceux qui ont abandonné leurs études ou qui en ont été explicitement privés, comme les enfants soldats, les enfants qui travaillent, les réfugiés, et les plus de 11 millions de filles qui pourraient ne pas retourner à l’école après la crise de la COVID-19. Il faut également assurer la sécurité des filles à l’école et celle des enfants en général, dit Kuniko Inoguchi.

« Pour participer à l’éducation, les enfants doivent être en bonne santé. Les sociétés ont la responsabilité de veiller à cela, et de faire en sorte que les inégalités ne soient pas à l’origine des dangers encourus par les enfants, qu’il s’agisse d’accidents de la route ou de harcèlement sexuel en milieu scolaire. »

Pour Kuniko Inoguchi, ce que nous devons également prendre en compte, c’est qu’une fois que nous avons un accès sûr et équitable à l’éducation, cela ne se traduit pas automatiquement par une égalité d’accès au marché du travail.

Pour de nombreuses femmes, le fait d’avoir accès à l’éducation n’est pas forcément synonyme d’égalité d’accès aux emplois. Mais vous ne pouvez pas renoncer à l’égalité des chances en matière d’éducation. Le temps viendra où les filles auront de meilleures chances de s’intégrer dans la société. Nous le voyons dans les sociétés du monde entier. Des portes s’ouvriront vers davantage de participation dans le leadership et le management. Et l’éducation est la base. Continuez d’étudier. Le rideau va se lever, très bientôt.

Kuniko Inoguchi

En outre, selon Kuniko Inoguchi, l’éducation doit servir à ce que les femmes puissent accéder à des fonctions de leadership et de prise de décisions – des fonctions qui, à leur tour, aident à promouvoir l’égalité entre les sexes. Elle évoque sa propre expérience :

« Il existe un lien direct entre l’éducation des filles et leur accès ultérieur à des postes de direction. Par exemple, lorsque j’ai obtenu mon diplôme, personne ne voulait recruter de femmes au Japon. Mais l’Université Sophia a décidé de m’engager en tant que première femme professeure adjointe en sciences politiques. Je suis ensuite devenue la première femme professeure de sciences politiques au sein de cette université, puis la première femme doyenne des relations internationales, avant de prendre mes fonctions de parlementaire. J’ai décidé de devenir parlementaire car je voulais garantir la démocratie sur le terrain, et m’assurer que les filles et les femmes bénéficient d’opportunités pour les générations à venir. »

La pandémie a mis en évidence les situations de vulnérabilité

Ces opportunités doivent être explorées et offertes en gardant à l’esprit certaines inégalités – et vulnérabilités. Outre les fermetures d’écoles, la pandémie de COVID-19 a révélé et exacerbé un certain nombre d’autres vulnérabilités rencontrées par les femmes et les enfants. Ces vulnérabilités sont des problématiques qui concernent tous les pays, dit Kuniko Inoguchi, et l’une des plus répandues et des plus néfastes que nous ayons vue est la violence domestique

« La violence domestique peut entraîner des traumatismes à vie. Durant la pandémie, de nombreuses personnes se sont retrouvées enfermées chez elles, soumises à différents stress, et ces situations peuvent engendrer de la violence. Les sociétés ont la responsabilité de prévenir la violence domestique, de soutenir les victimes et de s’assurer que les enfants ne soient jamais exposés à la violence. Les dirigeants ont la responsabilité de s’élever contre ce phénomène, surtout en temps de crise. »

Selon Kuniko, il faut investir dans les travailleurs communautaires et la protection de l’emploi, ainsi que dans le soutien aux parents en difficulté. En outre, dit-elle, l’UNESCO a ici un rôle à jouer pour dénoncer la violence domestique.

Donner la priorité à l’éducation, au progrès social et à l’égalité des genres pour un développement durable

La COVID-19 a également mis en évidence la précarité des femmes sur le marché du travail, ainsi que d’autres tendances préoccupantes en termes de discrimination et de pauvreté. Pour Kuniko Inoguchi, on ne peut laisser la pandémie anéantir les progrès accomplis en matière de développement social, d’égalité entre les sexes et d’éducation.

En temps de crise, nous ne pouvons laisser les discriminations s’accentuer. La diversité culturelle doit être célébrée. L’égalité entre les sexes doit être recherchée. L’éducation doit être inclusive à 100 %.

Kuniko Inoguchi

L’action de l’UNESCO en faveur de la paix, fondée sur un mandat inclusif et transdisciplinaire, signifie que l’Organisation a un rôle important à jouer à cet égard.

« Ce n’est qu’avec la paix dans le monde que nous pourrons réaffecter efficacement des ressources au développement durable, à l’éducation, à l’inclusion, à la diversité, à la lutte contre le changement climatique, au patrimoine culturel, aux prestations sociales et à la couverture santé – tous ces besoins sociaux importants qui, comme les femmes, ont souvent été tenus à l’écart. Après la crise de la COVID-19, les pays devront redéfinir leurs priorités. L’UNESCO peut jouer un rôle de chef de file pour montrer que les enfants, les femmes et le développement durable doivent être au cœur de cette transformation. »

L’UNESCO est une « marque pour la paix » qui suscite l’empathie et un impact positif

Selon Kuniko Inoguchi, les principaux atouts de l’UNESCO à cet égard résident dans ses initiatives visant à célébrer la diversité culturelle et son action dans le domaine de l’étude du changement climatique et des océans – l’harmonie entre les cultures et une planète stable sont deux conditions essentielles à la paix, dit‑elle. Plus important encore, ces atouts résident dans la capacité de l’UNESCO à susciter l’empathie des individus à travers le monde, et à les faire participer à la résolution de nos défis communs.

« L’UNESCO est une marque pour la paix. Elle encourage la compréhension, la connaissance, la tolérance – elle vous donne la possibilité d’imaginer des choses que vous n’avez jamais vues. Elle aide les individus à se mettre à la place, par exemple, d’une fille privée d’éducation. Elle puise dans le trésor de l’esprit humain pour aider à fournir des perspectives et susciter l’empathie. Elle nous aide à prendre conscience des souffrances des autres et nous incite à agir et à œuvrer auprès d’elle pour trouver des solutions. »

Kuniko Inoguchi est membre du Groupe de réflexion de haut niveau de la Directrice générale, une initiative qui s’inscrit dans le cadre de la Transformation stratégique de l’UNESCO et qui est destinée à anticiper et à analyser les évolutions à l’échelle mondiale ainsi qu’à contribuer à l’enrichissement de la prochaine Stratégie à moyen terme de l’UNESCO.

 

*Les idées et opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement les points de vue ou la position officielle de l’UNESCO.