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Une nouvelle génération au Rwanda forge l’avenir dans l’art et la créativité

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Carole Karemena

« Le Rwanda est un lieu d’expérimentation. Je suppose que cela fait partie de notre ADN ». Carole Karemena, gestionnaire culturelle d’expérience, réfléchit à ce qui a provoqué l’élan créatif récent dans son pays natal. Après avoir fondé le Centre artistique d’Ishyo il y a 12 ans dans le but de rendre les expériences culturelles accessibles à tous, Carole a été au centre de la renaissance créative de ce pays d’Afrique de l’Est.

Au fil des ans, cette gestionnaire culturelle a suivi de près le développement des secteurs créatifs à travers le monde, tout en voyageant fréquemment en tant qu’actrice et partisane de la créativité. Le manque d’opportunités de formation professionnelle au Rwanda est devenu de plus en plus évident : « Il n’y a pas assez d’écoles qui enseignent aux artistes comment monétiser leurs activités, et la chaîne de valeur culturelle est inexistante ». Quand le Centre artistique d’Ishyo a été choisi comme partenaire pour la mise en œuvre du projet de deux ans Renforcement des industries culturelles et créatives au Rwanda, financé par le Fonds-en-dépôt de la République de Corée auprès de l’UNESCO, l’équipe a débuté avec une question simple mais révélatrice : de quelles compétences les artistes et créateurs rwandais ont-ils besoin pour élargir les possibilités liées à leurs créations ? Les 1750 réponses reçues à cette question ont permis de concevoir des formations de gestion culturelle axées sur la budgétisation, le financement, les contrats et les stratégies de marketing, afin de refléter les besoins pratiques et urgents du terrain. Au terme de ce projet de deux ans, une centaine de professionnels du secteur créatif rwandais ont acquis des compétences pratiques en gestion.

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Discussion sur l’entrepreneuriat créatif dans le contexte de l’Afrique de l’Est
De nombreux experts internationaux ayant dirigé ces formations proviennent d’Afrique. Ils ont ainsi offert aux futurs leaders du secteur des arts rwandais l’occasion de se familiariser avec les meilleures pratiques du continent. « Nous devons rompre avec le modèle Nord-Sud, qui représente un transfert de connaissances à sens unique, et commencer à dialoguer entre créatifs africains contemporains », a déclaré Karemena. Luc Mayitoukou, un producteur de musique basé au Sénégal, a dirigé l’atelier de production musicale. « Nous recherchions un expert ayant une bonne compréhension de la scène musicale africaine et souhaitant en savoir plus sur notre industrie musicale tout en développant un programme sur mesure ». Selon Carole, l’esprit de coopération panafricaine est aussi un symbole de réconciliation avec le passé violent du Rwanda. « Au lendemain du génocide, il était extrêmement important de renouer les liens avec nos voisins. Nous avons dû redécouvrir une façon de vivre ensemble, et cela s’est étendu au-delà de nos frontières ». Vingt-cinq ans après le génocide, la porte du Rwanda est grande ouverte : les citoyens de 15 pays africains peuvent visiter le Rwanda sans visa.

 

Être une chanteuse - ce n’était pas facile au début, mais j’étais prête à me battre. 

Weya Viatora, chanteuse

 

Alors que le projet a couvert un large éventail de disciplines comprenant la musique, le théâtre, la production cinématographique, les arts visuels et l’entrepreneuriat créatif, l’intégration aussi bien de la théorie que de la pratique était au cœur de chaque module. La formation sur la conservation des arts visuels a consisté à visiter chaque après-midi des lieux d’exposition locaux afin de tirer des enseignements de ces exemples de conservation, tandis que la formation à la production et à la gestion de films a encouragé les cinéastes participants à mettre à l’épreuve leurs nouvelles connaissances en écrivant et en produisant un court métrage projeté à la fin de l’atelier.

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Weya Viatora
Weya Viatora, une chanteuse rwandaise de 23 ans, était l’une des participantes de l’atelier de production musicale. Malgré son jeune âge, elle bénéficie déjà d’une grande expérience dans l’industrie de la musique rwandaise. « Quand j’ai rencontré Weya pour la première fois, elle faisait de la musique avec une femme de 80 ans – elle n’avait alors que 17 ans », raconte Carole. Faire carrière dans la musique en tant que jeune femme n’a pas été sans obstacle. « Très peu d’artistes féminines parviennent à produire de la musique, et leurs productions sont rarement diffusées à la radio. J’ai également dû lutter contre les pressions de ma famille, car on considère que c’est “indécent” d’être musicienne. Nous travaillons tard, et les familles ont souvent peur que nous nous retrouvions enlisées dans des actions contestables ». Contre toute attente, Viatora est de plus en plus reconnue au Rwanda. « J’étais prête à me battre pour ça. Ce n’était pas facile au début, mais quand j’ai commencé à me produire en concert et à participer à des interviews, la perception des gens a lentement changé. Je leur ai montré que c’était comme n’importe quel autre travail ».

L’atelier de l’UNESCO s’est déroulé à un moment opportun, alors qu’elle se prépare à la sortie de son deuxième album, prévue pour 2020. « J’ai été surprise de voir à quel point c’était pratique. Nous avons entendu parler de toute la chaîne de production musicale : de la création de contenus à leur réception par l’audience ». La chanteuse a trouvé le segment sur le droit d’auteur particulièrement éclairant. « Aujourd’hui, je connais tous les avantages de l’enregistrement du droit d’auteur et de son importance pour me permettre de vivre de mes activités. Lorsque vous enregistrez votre musique, le musicien, mais également les producteurs et les compositeurs, sont indemnisés, et cela valorise et incite la production. Toute la salle, pleine de musiciens et de producteurs, a eu la même épiphanie ». Les participants ont également trouvé les plateformes de musique en ligne intéressantes. « Au Rwanda, vous apportez vos nouvelles productions aux stations de radio car c’est toujours le meilleur moyen de gagner de l’argent et d’atteindre le public. Ensuite, vous pourrez être invités à jouer sur les ondes ou à vous produire en concert. Les plates-formes en ligne sont encore nouvelles et nous n’en tirons pas encore beaucoup ».

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Cérémonie de clôture
Ce projet financé par la Corée contribue à l’essor sans précédent du secteur créatif rwandais. Le Plan stratégique quinquennal pour le développement de l’industrie des arts créatifs 2017-2022 du Ministère des sports et de la culture du Rwanda s’engage à intégrer les industries culturelles et créatives à la stratégie de développement de l’économie nationale du Rwanda. La cérémonie de clôture du projet de l’UNESCO a eu lieu le 29 octobre, et plus de 120 invités y ont participé. Didacienne Nibagwire, directrice générale de l’IYUGI, une société de conseil en création au Rwanda, a appelé à l’intensification des efforts pour développer ce secteur émergent. Dr James Vuningoma de l’Académie rwandaise de langue et de culture (RALC), partenaire de mise en œuvre du projet, s’est engagé à poursuivre cette initiative. « Les industries culturelles et créatives de ce pays sont encore jeunes. Il est crucial de continuer à construire à partir de ce projet pilote. Il ne s’agit que du point de départ du chemin qu’il nous reste à parcourir ».

Carole Karemena, actuellement directrice générale du Centre, a un immense espoir pour les jeunes artistes rwandais. « La jeune génération d’aujourd’hui est pleinement africaine et fière. Leur art est courageux et fait face à notre passé difficile au lieu de s’en détourner. Ils sont à la fois fragiles et solides ». Weya, née deux ans après le génocide, est du même avis. « À l’époque, la musique était utilisée pour répandre la haine – je veux réparer les dommages que la musique a causés avec de la musique. L’année dernière, j’ai publié une chanson sur le pardon au Rwanda et le devoir qu’a notre génération de panser nos blessures. Parce qu’un jour, nous deviendrons nous-mêmes l’ancienne génération ».