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Histoire

Au Bénin, grâce à une campagne locale, Habibatou reprend ses études après avoir accouché

Au Bénin, 3,3 millions d’apprenants et 88 000 enseignants ont subi les conséquences de la fermeture de près de 16 000 établissements scolaires, qui visait à freiner la pandémie de COVID‑19.

Malgré la mise en place de mesures destinées à assurer la continuité pédagogique, de nombreux élèves, en particulier des départements de l’Alibori et du Borgou dans le nord-est du pays, ont abandonné leurs études après avoir été longtemps éloignés des bancs de l’école.

Dans la région, ce sont les filles et les jeunes femmes qui ont le plus pâti de cette situation : elles ont été les premières à quitter l’école, les moins susceptibles de suivre les cours à distance et les dernières à retrouver les salles de classe. Dans l’Alibori, davantage de filles n’ont pas pu terminer leurs études, car elles étaient confrontées à un mariage forcé ou à une grossesse. Pendant l’année scolaire 2021/22, plus de 1 120 grossesses précoces et non désirées ont été enregistrées dans les établissements d’enseignement secondaire du département et ont souvent contraint les filles concernées à abandonner leurs études.

Défendre l’éducation des filles au Bénin

Pour permettre aux filles de continuer à apprendre et de retourner à l’école, l’UNESCO a déployé sa campagne Les filles au premier plan, avec le soutien de Wallonie-Bruxelles International, dans le cadre d’un projet bénéficiant à quatre pays d’Afrique subsaharienne : le Bénin, le Mali, le Nigéria et le Sénégal, et en priorité à des régions où les filles sont les plus nombreuses à arrêter leurs études et les moins nombreuses à être scolarisées.

Au Bénin, les activités s’articulaient autour de la mobilisation de radios communautaires et de médias locaux ainsi que de la sensibilisation dans les établissements scolaires et les communes par le biais de réunions d’information sur l’éducation des filles et les violences sexistes.

Ces rencontres ont rassemblé des comités de gestion d’établissements d’enseignement primaire et secondaire, des chefs de village et des chefs traditionnels ainsi que des parents, et ont également suscité l’intérêt du grand public de l’Alibori et du Borgou. À l’issue des séances de sensibilisation, des comités de surveillance ont été créés au niveau des villages et veilleront à ce que les filles poursuivent leurs études.

Ces efforts ont mobilisé 11 communes de l’Alibori et du Borgou, ce qui représente respectivement 868 000 et 1,2 million de personnes dans chaque département. Ils ont également atteint plus de 560 établissements scolaires, soit plus de 172 300 filles du primaire et 58 000 adolescentes du secondaire. Ces travaux ont reçu le soutien du Ministre des enseignements maternel et primaire du Bénin au titre du programme de riposte à la COVID‑19 (phase 3) du Partenariat mondial pour l’éducation.

L’histoire d’Habibatou, future infirmière

« Lorsque les cours ont repris après le confinement, de nombreux élèves, des filles pour la plupart, ne sont pas revenus. Nous avons recensé huit grossesses et nous nous sommes sentis démunis », explique Aminatou Baké, principale du collège d’enseignement général de Waka, situé dans la commune de Gogounou dans l’Alibori.

Habibatou Dia aurait pu en faire partie. Jeune mère de 18 ans, elle vit dans l’Alibori et se rendait à l’école à Gonarou, dans la commune de Gogounou. Pendant l’interruption des cours en 2020, Habibatou est tombée enceinte et n’est pas retournée en cours au moment de la reprise. Aminatou, qui avait remarqué ses bonnes notes dans son ancienne école, l’a encouragée à reprendre ses études et l’a inscrite au collège de Wara.

Participant à des activités de sensibilisation dans son village et soutenue par son père et ses enseignants, Habibatou a terminé son année scolaire et décroché son brevet d’études du premier cycle à l’issue des épreuves de fin d’année. « J’ai pu relever de grands défis, comme retourner à l’école après avoir accouché, obtenir mon diplôme et poursuivre mes études », se réjouit Habibatou, reconnaissante d’avoir bénéficié d’un réseau de soutien.

« Maintenant, je rêve de devenir infirmière. »

Mobiliser les médias locaux en faveur de l’éducation des filles

Dans le cadre des activités du projet, une cinquantaine de radios ont été mobilisées et ont diffusé des émissions sur l’importance de l’éducation des filles. 15 journalistes (dont huit femmes) de six radios communautaires ont participé à une formation de renforcement des capacités mise sur pied à l’occasion. Depuis, trois stations de radio ont lancé des émissions régulières à ce sujet, présentées par des journalistes femmes. Dans l’Alibori, une émission mensuelle sur l’éducation des filles est à présent diffusée sur toutes les stations rurales du département.

« Les émissions de radio ont un effet positif », affirme Hamed, élève du secondaire originaire de Kondi dans l’Alibori. « Elles ont convaincu des parents réticents de laisser leurs enfants retourner à l’école. » Les émissions sont diffusées dans les quatre langues locales (bariba, boko, dendi et peul) afin de favoriser la participation et l’adhésion de la population.

Les journalistes radio ont salué la formation et les émissions en langues locales, qui leur ont permis de faire passer des messages percutants et ont contribué à promouvoir l’éducation des filles auprès de la population. Un réseau de journalistes locaux consacré à la scolarisation des filles dans l’Alibori et le Borgou a été créé.

La situation semble s’améliorer, puisque le nombre de grossesses précoces et non désirées a commencé à chuter dans les écoles. « Nous avons eu deux grossesses pendant l’année scolaire. Depuis que je suis en poste à Wara, j’ai rarement connu un chiffre aussi bas », constate Aminatou, avant de remercier les coordinateurs, les animateurs et les gestionnaires du projet.

L’histoire d’Habibatou n’est qu’un exemple parmi de nombreux autres qui démontrent l’efficacité des campagnes locales de sensibilisation et la nécessité de redoubler d’efforts pour que les filles n’interrompent pas leurs études. Cette activité a contribué au programme phare pour le genre de la Coalition mondiale pour l’éducation et a été financée par Wallonie-Bruxelles International.

Certains prénoms ont été changés pour préserver l’anonymat.

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