Pollinators: butterfly and bee on echinacea flower

Histoire

Une nouvelle évaluation offre des options pour assurer l’utilisation durable

Aujourd'hui, la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) a publié à Bonn, en Allemagne, son évaluation thématique de l'utilisation durable des espèces sauvages. Cette évaluation a été préparée en partenariat avec l'UNESCO, l'un des quatre principaux partenaires institutionnels des Nations Unies de l'IPBES, avec le PNUE, la FAO et le PNUD.
Le rapport d'évaluation de l'IPBES sur l'utilisation durable des espèces sauvages est un rappel brutal que les êtres humains sont interdépendants de tous les êtres vivants. Des millions de personnes vivent en harmonie avec la nature dans des sites désignés par l'UNESCO dans le monde entier, des réserves de biosphère aux sites du patrimoine mondial. Cela représente une mine d'expériences et de solutions pour se réconcilier et faire la paix avec la nature. Il n'est pas trop tard pour agir et l'UNESCO s'engage pleinement à mobiliser toute la force de l'éducation, de la science et de la culture pour mener ce changement transformateur mondial
Audrey Azoulay
Audrey Azoulay Directrice générale de l'UNESCO

L'évaluation met en évidence une utilisation généralisée des espèces sauvages : des milliards de personnes dépendent des espèces sauvages pour leur alimentation, leurs médicaments, leur énergie, leurs revenus et autres. La pêche à petite échelle fait vivre plus de 90 % des 120 millions de personnes pratiquant la pêche de capture dans le monde et 1,1 milliard de personnes n'ayant pas accès à l'électricité utilisent du bois de chauffage pour cuisiner.

Le rapport a été préparé pendant quatre ans par 85 experts de 33 pays. Ses conclusions s'appuient sur plus de 6 200 références. Il évalue l'utilisation d'espèces sauvages d'algues, d'animaux, de champignons et de plantes, passe en revue les tendances passées et projette des scénarios futurs, et explore les moteurs de l'utilisation durable et des exemples de meilleures pratiques.

3 people discussing New assessment of the multiple values of nature and its benefits during IPBES congress
A plenary of IPBES 9
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Meriem Bouamrane, UNESCO, posing in front IPBES banner during IPBES9
All right reserved

Les connaissances, pratiques et croyances guident l'utilisation durable des espèces sauvages par de nombreux peuples autochtones et communautés locales. Cependant, les politiques sectorielles et d'autres facteurs menacent la capacité des peuples autochtones et des communautés locales à maintenir et à restaurer les pratiques associées à l'utilisation durable des espèces sauvages. Ces facteurs négatifs comprennent la perte des langues autochtones et locales, les programmes d'éducation déconnectés des conditions locales, culturelles et environnementales et le manque d'attention portée aux rôles sexués.

L'évaluation propose des solutions pour maintenir l'utilisation durable de la biodiversité, notamment le tourisme et l'éducation basés sur la nature, qui peuvent favoriser le bien-être mental et physique et aider les humains à se connecter à la nature.

Wild mushrooms and vegetables sold at the Luang Prabang market, Laos

Qu'est-ce que l'utilisation durable ?

L'expression "utilisation durable" désigne l'utilisation des éléments constitutifs de la diversité biologique d'une manière et à un rythme qui n'entraînent pas leur appauvrissement à long terme, et sauvegardent ainsi leur potentiel pour satisfaire les besoins et les aspirations des générations présentes et futures (article 2, Convention sur la diversité biologique).

Le rapport d’évaluation note que l'utilisation durable est également un résultat des systèmes socio-écologiques qui visent à maintenir la biodiversité et les fonctions des écosystèmes à long terme, tout en contribuant au bien-être humain. Il s'agit d'un processus dynamique, car les espèces sauvages, les écosystèmes qui les abritent et les systèmes sociaux au sein desquels les utilisations ont lieu évoluent dans le temps et l'espace. L’évaluation prend en compte les dimensions sociales, économiques et environnementales de la durabilité telles qu'elles sont identifiées par l'Agenda 2030 pour le développement durable et ses objectifs de développement durable.

L'expertise de l'UNESCO

Etant l'un des quatre principaux partenaires institutionnels des Nations Unies de l'IPBES, l'UNESCO a apporté son soutien et son engagement dès les premières étapes de la création de l'IPBES. Le programme de l'UNESCO sur les systèmes de savoirs locaux et autochtones (LINKS) accueille l'unité d’appui technique pour le groupe de travail de l'IPBES sur les systèmes de savoirs locaux et autochtones.

L'UNESCO a donc joué un rôle clé dans l'élaboration et la mise en œuvre des méthodes pour cette évaluation, notamment en organisant une série d'ateliers de dialogue qui ont réuni les peuples autochtones et les communautés locales ainsi que les auteurs de l'évaluation pour discuter des thèmes clés et partager les connaissances liées à l'évaluation. Parmi les sujets abordés, citons l'utilisation des espèces sauvages par les peuples autochtones et les communautés locales, les défis et les menaces qui pèsent sur cette utilisation durable, l'importance de la gouvernance et de la gestion autochtone et  locale et les perspectives d'avenir.

L'UNESCO est l'organisation gardienne des connaissances et des savoir-faire respectueux de la biodiversité. À travers ses programmes, l'organisation encourage la coproduction des connaissances scientifiques, autochtones et locales, ainsi que l'éducation au développement durable.

Les sites désignés par l'UNESCO sont riches d’exemples de bonnes pratiques associées à des visions du monde et des cosmologies dans lesquelles les humains ne dominent pas la nature. Cette réconciliation met l'accent sur la diversité des valeurs associées au vivant et cherche à reconnecter les humains à la biosphère en modifiant leur comportement au niveau individuel, mais aussi à promouvoir une action collective qui façonne l'action publique. Ce sont ces transformations et transitions solidaires que nous devons désormais accélérer pour assurer notre survie sur Terre.

Le Réseau mondial des réserves de biosphère propose une approche connectée des paysages terrestres et marins. Vivre dans une réserve de biosphère et la gérer, c'est concilier les objectifs de conservation et de développement dans un même espace et favoriser la convergence des intérêts à court, moyen et long terme des acteurs impliqués et de leurs descendants, démontrant ainsi qu'une utilisation durable de la biodiversité est possible.

Person holding leaves in East Usambara Biosphere Reserve, Tanzania

Comment les réserves de biosphère peuvent-elles favoriser l'utilisation durable ?

Comme le mentionne le résumé à l'intention des décideurs de l'évaluation de l'IPBES sur l'utilisation durable des espèces sauvages, les réserves de biosphère représentent des systèmes de gouvernance collaborative qui impliquent les acteurs clés d'une manière qui a du sens pour eux, qu'il s'agisse des institutions de gouvernance ou des personnes qui dépendent des espèces sauvages pour leur subsistance et leur bien-être. Par conséquent, les réserves de biosphère peuvent garantir que les décisions sur l'utilisation durable sont équitables pour tous ces acteurs.

"(C.2.1) Les systèmes de gouvernance robustes ont tendance à s'adapter aux changements des conditions sociales et écologiques et à inclure des mécanismes participatifs (bien établi)" [...] Les dispositifs de gouvernance collaborative qui font participer de manière significative ces acteurs clés, comme les réserves de biosphère désignées par l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture, peuvent garantir que les décisions politiques sur l'utilisation durable sont équitables (bien établi)."

En encourageant la participation et la gestion communautaires, ainsi que le partage des connaissances et de l'expertise, les réserves de biosphère contribuent à rendre les sociétés plus durables.

L'UNESCO s'efforce d'impliquer chacun dans la gouvernance et la gestion de ses sites et de garantir la participation d'un large éventail de parties prenantes, y compris les peuples autochtones et les communautés locales qui entretiennent des liens culturels et spirituels avec leur environnement naturel et sont les gardiens de 80 % de la biodiversité mondiale. L'UNESCO joue un rôle clé en intégrant les populations autochtones et les communautés locales dans l'agenda environnemental et dans la politique régionale, mais aussi en impliquant et en renforçant l'engagement du secteur privé dans l'action environnementale grâce à de solides partenariats public-privé.

Il ne nous reste que quelques années pour agir

Grâce à son mandat unique et multidisciplinaire au sein du système des Nations Unies, l'UNESCO renforce ses efforts pour réconcilier tous les êtres humains entre eux et avec le reste de la vie sur Terre, partout sur la planète, pour le bénéfice des générations actuelles et futures. La perte de biodiversité provient avant tout de la crise de nos relations avec les autres espèces vivantes, puisque nous détruisons les relations que nous entretenons avec elles. Non seulement les activités humaines sont responsables d'une grande partie de l'altération des écosystèmes terrestres et marins, mais il ne nous reste que quelques années pour agir.

La biodiversité étant le tissu vivant de notre planète, nous devons aspirer à être solidaires de toute vie et défendre la nature et la vie partout en faisant enfin des humains les véritables compagnons de la biosphère, au-delà des catégories et des oppositions du passé - naturel contre artificiel, sauvage contre domestique, protégé contre exploité.

Pratiques inspirantes d'utilisation durable

Dans la réserve de biosphère de Kafa, la production de café dépend fortement de la récolte de café sauvage

Coffee ceremony placing the coffee on the traditional coffee pot in Kafa Biosphere Reserve, Ethiopia

L'utilisation du café sauvage et l'apiculture dans la Réserve de biosphère de Kafa en Éthiopie

En Éthiopie, le plus grand producteur de café d'Afrique, 15 millions de personnes dépendent du café Arabica pour leur subsistance. La Réserve de biosphère de Kafa est considérée comme le berceau du café Arabica et abrite environ la moitié des forêts de montagne restantes d'Éthiopie, représentant un pool génétique pour les parents sauvages du café. Ces parents sauvages peuvent être développés en variétés de café résistantes aux maladies et capables de survivre à l'impact du changement climatique. Différents types de café sont cultivés en fonction de l'intensité de la gestion, du café de forêt avec un léger défrichage pendant la récolte au café de semi-forêt cultivé en éliminant les arbustes et les mauvaises herbes du sous-bois et lié à une diminution de la diversité forestière, en passant par des types plus intensifs (café de jardin et de plantation). Les producteurs de café sont souvent aussi des apiculteurs, car la pollinisation stimule la production de café et les fleurs de café contribuent à la qualité et à la quantité de miel.

Cependant, les personnes qui vivent et travaillent dans la région sont confrontées à des difficultés. La déforestation généralisée due à l'expansion des infrastructures, à l'agriculture commerciale et à l'empiètement de l'agriculture de subsistance sur la forêt entraîne une augmentation des températures et une diminution de l'humidité du sol, ce qui menace la survie des plants de café sauvages. La production de café dans la région est également fortement tributaire de la récolte de café sauvage; les graines et les plants de café sauvage constituent également une source importante de matériel de plantation pour les exploitations agricoles. Les faibles revenus et les régimes fonciers incertains tendent à favoriser le profit à court terme et l'engagement dans des formes intensives de gestion du café. Enfin, l'apiculture est dominée par les hommes ; lorsque les femmes sont impliquées, elles sont souvent exclues de leur part des revenus tirés de la production de miel. 

La désignation par l'UNESCO de ce site comme réserve de biosphère en 2010 a stimulé les approches de gestion forestière participative qui ont conduit à une diminution de la conversion des forêts. En réponse à la nécessité pour les femmes de la Réserve de biosphère de Kafa d'accéder à des techniques d'apiculture modernes et durables, l'UNESCO organise cette année une formation dans le cadre de son programme Women for Bees afin d'autonomiser les femmes et de favoriser un échange de connaissances et de savoir-faire.

 

 

Sustainable coastal fisheries in Sahamalaza-Iles Radama Biosphere Reserve, Madagascar

Argan culture in Arganeraie Biosphere Reserve, Morocco

En fournissant aux décideurs les meilleurs données, analyses et options disponibles, l'évaluation thématique de l'IPBES sur l'utilisation durable des espèces sauvages soutiendra la mise en œuvre du Cadre mondial de la biodiversité pour l'après-2020 de la Convention sur la diversité biologique (CDB) qui doit être adopté à Montréal, au Canada, en décembre 2022, lors de la quinzième réunion des parties à la CDB. Plus largement, cette évaluation détaillée permettra également d'éclairer les questions de biodiversité liées aux objectifs de développement durable.