Chidinma Adibeli

Histoire

Le parcours d’une jeune militante, de victime d’abus à actrice du changement au Nigéria

Aujourd’hui, les deux tiers de la population de l’Afrique de l’Ouest et du Centre ont moins de 24 ans, mais 23 millions d’enfants et de jeunes de la région ne sont pas scolarisés. Les filles et les jeunes femmes en particulier sont confrontées au risque de grossesse et de mariage précoces et non désirés, qui les forcent souvent à abandonner leurs études. Soixante millions de jeunes femmes de la région ont été mariées avant l’âge de 18 ans et une sur trois a eu son premier enfant avant d’atteindre cet âge.

Une éducation continue et complète à la santé et la sexualité s’avère essentielle pour réduire le risque de grossesse précoce et non désirée, d’infection par le VIH et de violence fondée sur le genre ainsi que pour permettre aux jeunes d’acquérir davantage de connaissances, de confiance et d’autonomie en vue de faire des choix éclairés et de privilégier leur bien-être.

Voici Chidinma Adibeli, une jeune militante et éducatrice en santé des jeunes et des adolescents, originaire de Lagos, au Nigéria. Chidinma évoque le quotidien des jeunes nigérians et revient sur ce que représente, pour elle et les autres jeunes du pays, le nouvel Engagement de l’Afrique de l’Ouest et du Centre (AOC).

En quoi consiste l’Engagement de l’AOC et quel rôle avez-vous joué dans ce processus ?

Il s’agit d’un engagement politique de haut niveau qui a été signé par 25 pays de la région. Ces pays se sont engagés à travailler ensemble pour écouter, comprendre et agir en faveur de l’éducation et de la santé de leurs jeunes.

J’ai participé aux consultations auprès des jeunes, coordonnées par l’UNESCO, qui ont eu lieu au cours de l’année précédant la signature de l’Engagement de l’AOC. En tant que représentante des jeunes du Nigéria, j’ai veillé à ce que l’accord tienne compte du point de vue, de la voix et du quotidien des jeunes. J’ai également raconté mon histoire dans le cadre d’une campagne de sensibilisation de l’UNESCO intitulée « La voix des jeunes », qui a permis à des jeunes de la région de s’exprimer sur les défis auxquels ils sont confrontés.

Pourriez-vous nous parler des jeunes nigérians et des difficultés auxquelles ils font face ?

Mes activités d’éducatrice et de militante me permettent d’être au fait des réalités auxquelles les jeunes sont confrontés quotidiennement.

Nombre d’entre eux se trouvent aux prises avec des situations qu’ils ne sont pas en mesure de gérer ; ils ne disposent pas des informations nécessaires pour comprendre, faire des choix et agir. Beaucoup ne savent pas non plus comment s’exprimer ou réagir face à une situation dangereuse, qu’il s’agisse de violence fondée sur le genre, de harcèlement sexuel, d’attouchements, de mutilations génitales féminines ou de sexualité précoce (que les rapports soient forcés ou consentis). Ces situations sont malheureusement monnaie courante au Nigéria.

Pourquoi est-il important de s’engager auprès des jeunes ?

Dans la région, plus d’une fille sur sept est mariée avant l’âge de 14 ans. Dans certains pays, ce chiffre est plus élevé. Nous ne devons pas laisser cette situation perdurer pour les générations futures.

Certains profitent du fait que de nombreux jeunes entrent dans la puberté sans avoir la moindre idée de ce qui leur arrive. J’ai été victime d’attouchements dans mon enfance. Pourtant, j’ai dû attendre de préparer mon diplôme en anatomie biologique pour me rendre compte que n’était pas « normal » et que ça n’aurait jamais dû se produire.

Mon histoire et celle des nombreux enfants qui sont chaque jour victimes de harcèlement ou d’abus pourraient être différentes.

Quelle est la place de l’éducation à cet égard ?

Nous devons éduquer les jeunes pour qu’ils soient informés sur leurs droits, les services disponibles et les chemins qui s’ouvrent à eux. Lorsqu’ils disposent des connaissances nécessaires, ils peuvent faire des choix judicieux concernant leur corps et leur avenir.

Il faut également parler de contraception. Nous ne devons pas fermer les yeux sur la progression des grossesses non désirées, du VIH et des avortements non sécurisés chez les jeunes nigérians. Ce n’est qu’avec des informations et un soutien de qualité que les jeunes pourront faire de meilleurs choix en matière de santé et de mode de vie. Il a été prouvé que recevoir une éducation sexuelle retarde l’âge des premiers rapports, car on est informé et responsable de ses choix. J’ai opté pour l’abstinence, mais c’est ma décision.

Que vous réserve votre rôle de représentante des jeunes de l’UNESCO ?

Je continue à prendre part aux discussions avec les jeunes et à fournir un contexte et un avis qui alimenteront les considérations politiques permettant de concrétiser l’Engagement de l’AOC. Par exemple, nous avons sollicité les médias, exhortant nos gouvernements à agir, et nous avons publié des témoignages pour mettre en exergue les réalités auxquelles nous sommes confrontés. Les ministres voient que nous agissons, et les réactions ont été positives et encourageantes jusqu’à présent.

La prochaine grande étape consiste à élaborer un cadre de responsabilités afin que les gouvernements rendent des comptes et que les effets concrets soient mesurés. Nous avons tous un rôle à jouer en renforçant le plaidoyer en faveur de la santé et de l’éducation, ainsi que l’obligation redditionnelle des ministres qui ont signé l’Engagement de l’AOC.

Cet engagement a été approuvé, mais nous devons poursuivre nos efforts afin que la santé et l’éducation des jeunes restent une priorité.

Quels sont vos espoirs pour la jeunesse nigériane ?

Je veux créer un Nigéria où les jeunes trouvent leur place.

Où chacun peut bénéficier d’un environnement d’apprentissage sûr et sain.

Et où l’amélioration des indicateurs de santé n’est pas entravée par un manque de connaissances. En effet, nous savons que les jeunes en bonne santé apprennent mieux, et inversement.

 

L’UNESCO a coordonné des consultations nationales et régionales avec des jeunes, des organisations de la société civile et des gouvernements de la région de l’AOC. De plus, l’Organisation a mis à disposition ses compétences techniques en matière de santé et d’éducation dans le cadre du groupe de travail sur l’Engagement de l’AOC. Parallèlement à ces travaux, l’Organisation a mené une campagne inspirante mettant en avant les témoignages et les voix de jeunes pour plaider en faveur de la santé et de l’éducation des jeunes.

L’approbation de l’Engagement de l’AOC par 25 pays de la région représente une contribution importante aux résultats en matière de santé, d’éducation et d’égalité des genres.

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