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Histoire

Pour la nouvelle Décennie des sciences, la fin n'est qu'un début

Les 14 et 15 décembre, des scientifiques, des décideurs politiques et d’autres personnalités se sont réunis au siège de l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN) à Genève, en Suisse, pour faire leurs adieux à l'Année internationale des sciences fondamentales pour le développement durable. Cependant, alors même que le rideau tombe sur l'Année internationale, un autre rideau se lève sur la Décennie internationale des sciences au service du développement durable, qui débutera en janvier. L'UNESCO est l'agence chef de file pour la mise en œuvre de ces deux célébrations.

La Décennie est la suite logique de l'Année internationale des sciences fondamentales pour le développement durable, même si son champ d'application est beaucoup plus large. Alors que l'Année s'est cantonnée dans le registre de l’amélioration de la visibilité des sciences fondamentales en expliquant le lien entre une découverte majeure en laboratoire et des applications qui ne trouveront leur place dans notre vie quotidienne que des décennies plus tard, la Décennie étendra son champ sur toutes les sciences - fondamentales, appliquées, sociales et humaines - ceci dans le but de transformer nos sociétés, nos économies et notre environnement.

Pas de temps à perdre

Il n’y a pas de temps à perdre. À mi-parcours de notre quête pour atteindre les 17 Objectifs de développement durable d'ici à 2030, le verdict est cinglant : le monde n’est pas sur la bonne voie.

Selon le rapport des Nations unies sur le développement durable (2022), pour parvenir à une couverture universelle en matière d'eau potable, d'assainissement et d'hygiène d'ici à 2030, il faudrait multiplier par quatre les taux de progression actuels. Pour au moins 3 milliards de personnes, la qualité de l'eau dont elles dépendent est inconnue, faute de contrôles.

Le dérèglement climatique s'accentue, les sécheresses, les inondations, les tempêtes et autres aléas météorologiques deviennent plus fréquents et plus graves. Jim Skea, président du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, a déclaré lors de l'ouverture de la COP28 le 30 novembre dernier : "Nous nous dirigeons vers un réchauffement de la planète de 3°C si nous poursuivons les politiques actuelles", en citant le rapport d'évaluation du PNUE publié quelques jours plus tôt. L'élimination progressive des combustibles fossiles et leur remplacement par des sources d'énergie plus durables seront impossibles sans la science.

Plus généralement, les modèles de production et de consommation actuels ne sont pas durables. Les déchets plastiques et électroniques sont omniprésents. Plus de la moitié des éléments contenus dans la plupart des smartphones sont de plus en plus rares. Les solutions durables telles que les véhicules à batterie, les panneaux solaires et les éoliennes sont elles-mêmes riches en métaux de terres rares. Nous aurons besoin de la science pour accroître l'efficacité des produits et développer de nouveaux matériaux plus durables.

En quête de politiques adéquates, de données scientifiques fiables et d’une forte mobilisation

La résolution de ces défis et d'autres encore nécessitera des politiques adéquates, une science de qualité et une forte mobilisation du public. Tel est, en résumé, l'objectif de la Décennie internationale des sciences au service du développement durable : élaborer un pacte entre la science et la société, dans lequel chaque partie reconnaît qu'elle a besoin de l'autre pour prospérer. Trop souvent, politique et recherche ferment les yeux sur des défis sociétaux urgents, tels que la pollution chimique, la mauvaise qualité de l'eau ou les cultures vulnérables au climat. La science de la durabilité n'est pas une priorité au niveau mondial, comme le révèle une étude originale du Rapport de l'UNESCO sur la science. Cette négligence des besoins sociétaux sape la confiance dans la science.

Si nous voulons atténuer les crises redoutables auxquelles nous sommes confrontés, telles que le dérèglement climatique, la perte de biodiversité, l'épuisement des ressources et les inégalités socio-économiques, nous devons tisser un nouveau contrat social pour la science. Il faudra pour cela aligner les politiques et la recherche, de sorte que les deux s'orientent dans la même direction stratégique, vers le développement durable.

Dans le même temps, nous devons démystifier la science en encourageant une culture scientifique globale. Une société qui comprend la science sera plus à même de reconnaître son potentiel - et d'accepter ses limites.

Plus d’approche transdisciplinaire dans la résolution des problèmes

L'histoire de l'humanité fourmille d'exemples où la résolution d'un problème en a créé un autre par inadvertance. Cela est dû au fait que nous avons tendance à sous-estimer la complexité de la résolution des problèmes.

Cette myopie peut être surmontée en envisageant un problème sous différents angles, en d'autres termes, en impliquant des spécialistes de différentes disciplines dans la résolution du problème. Lors de la pandémie de Covid-19, des organes consultatifs scientifiques efficaces ont regroupé des spécialistes de différentes disciplines, tels que des virologues, des spécialistes des données, des mathématiciens (modélisateurs), des économistes et des psychologues.

Trop souvent par le passé, les perspectives des sciences sociales et humaines ont été négligées, alors que le comportement humain et les dimensions sociologiques sont essentiels à une prise de décision efficace. L'un des objectifs de la Décennie sera de favoriser une approche plus transdisciplinaire de la résolution des problèmes.

Le vaste mandat de l'UNESCO, qui couvre aussi bien les sciences fondamentales que l'ingénierie, la politique scientifique, les sciences environnementales, les sciences sociales et humaines, l'éducation, la communication et la culture, en fait un incubateur idéal pour ce type d'approche transdisciplinaire. « Nous voulons mettre en pratique ce que nous prêchons », sourit la physicienne Amal Kasry, qui dirige la Section de la recherche, de l'innovation, des sciences fondamentales et de l'ingénierie à l'UNESCO.

Au-delà de l'UNESCO, « notre objectif est de redéfinir le système scientifique », dit-elle, « en introduisant un cadre dynamique et adaptatif qui encourage l'agilité, l'inclusivité et la réactivité aux besoins de la société ».

L'une des stratégies consistera à généraliser la pratique de la science ouverte dans les activités scientifiques, dans le cadre de la mise en œuvre de la Recommandation de l'UNESCO sur une science ouverte adoptée par 193 gouvernements il y a deux ans. La science ouverte peut favoriser l'inclusion et une plus grande transparence, ce qui peut, à son tour, accélérer le progrès scientifique et renforcer la confiance dans la science.

« Nous espérons », conclut la Dr Kasry, « qu'armée de meilleures politiques et d'une plus grande culture scientifique, la société sera mieux à même, à la fin de la Décennie, de tirer parti du pouvoir de la connaissance scientifique, de l'innovation et de la collaboration pour s'attaquer aux problèmes les plus urgents du monde. À son tour, la science devrait profiter de ce soutien croissant pour redoubler d'efforts afin d'assurer un avenir meilleur aux populations et à la planète ».

Coup d'envoi de la Décennie en octobre

La Décennie sera officiellement lancée en Colombie l'année prochaine lors de la réunion des ministres des sciences, de la technologie et de l'innovation en marge du Forum scientifique ouvert d'Amérique latine et des Caraïbes (CILAC), qui se tiendra du 21 au 23 octobre.

La Décennie a été proclamée par l'Assemblée générale des Nations unies le 25 août dernier, dans le prolongement de l'Année internationale des sciences fondamentales pour le développement durable.

L'UNESCO publiera trois rapports en 2026, 2029 et 2032 pour suivre les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs de la Décennie.

Contact

Alex
Akue da Silva
Consultant

Research, Innovation and Engineering Section