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Au-delà de Babel

Aujourd'hui, que nous le voulions ou non nous posons les fondations de la première société planétaire.

par Arthur C. Clarke

Il n'est guère besoin de démontrer que l'existence du satellite de communication va, en fin de compte, affecter profondément notre société ; les événements des dix dernières années ne permettent pas d'en douter. Mais il est possible qu'aujourd'hui encore nous nous faisions des idées bien falotes sur ses répercussions définitives dans notre monde.

32 L n'est guère besoin de démontrer que l'existence du satellite de communication va, en fin de compte, affecter profondément notre société ; les événements des dix dernières années ne permettent pas d'en douter. Mais il est possible qu'aujourd'hui encore nous nous faisions des idées bien falotes sur ses répercussions définitives dans notre monde.

Il y a des gens qui prétendent que les satellites de communication ne font qu'ajouter de la communication à la communication, et qu'aussi bien, ils ne risquent pas de chambarder la société. Affirmation qui n'est pas sans rappeler les doctes déclarations de certains généraux de la vieille garde, après août 1945, et Hiroshima, pour qui l'art militaire n'allait pas changer à cause * d'une bombe de plus ».

Or, certaines inventions relèvent d'une métamorphose technologique qui remodèle radicalement une société. En ce siècle, l'exemple le plus frappant est peut-être l'automobile. Il est significatif que pas mal de temps puisse s'écouler avant qu'on ne mesure les changements qu'apporte la mise en oeuvre de telles inventions. Je n'en veux, pour preuve, que deux exemples.

Peu après que M. Edison eut inventé l'éclairage électrique, les actions des compagnies de gaz accusèrent, en Bourse, une baisse alarmante. En Angleterre, on réunit une commission parlementaire chargée d'entendre les experts ; je suis convaincu que, pour la plupart, ceux-ci affirmèrent aux fabricants de gaz qu'il n'y avait rien à attendre de cette trouvaille superfétatoire.

L'un d'entre eux était l'ingénieur en chef du Service des Postes, sir William Preece, un homme fort compétent qui devait, un peu plus tard, soutenir les premiers travaux de Marconi sur la télégraphie sans fil. Quelqu'un demanda à sir William ce qu'il avait à dire de la dernière invention américaine, le téléphone. L'ingénieur en chef du Service des Postes fit cette réponse étonnante : « Rien. Les Américains ont besoin du téléphone. Nous pas. Nous ne manquons pas de garçons de course. »

Il est évident que sir William était parfaitement incapable d'imaginer qu'un jour le téléphone régirait la société, le commerce, l'industrie, et prendrait place dans presque tous les foyers.

Quant à mon second exemple, je le tiens de mon ami Jean d'Arcy, directeur de la Division de la radio et des moyens visuels aux Nations Unies. Il m'a raconté les débats d'une commission scientifique un peu moins moderne, laquelle, à l'époque de Gutenberg, tint ses assises pour délibérer de l'exploitation de la presse à imprimer. Selon la commission, il y avait là une idée ingénieuse, certes, mais cette machine ne pouvait être d'usage courant. Jamais on n'aurait besoin de tant de livres, pour la bonne raison que seule une infime partie de la population savait lire.

Pour ma part, je crois qu'à la longue, les effets du satellite de communication vont s'avérer plus spectaculaires encore qu'ils ne le sont, et plus vite que nous ne le pensons.

Et ceci à l'inverse du penchant ordinaire et fort connu des prévisions technologiques, exagérément optimistes pour l'immédiat et exagérément pessimistes pour un avenir lointain. La raison en est assez simple. L'esprit humain tend à extrapoler en droite ligne, alors que le développement du progrès est exponentiel. La courbe exponentielle s'élève d'abord avec lenteur, puis grimpe rapidement jusqu'à couper de biais, à un moment donné, la ligne droite, pour s'élancer enfin au-delà. On ne peut, hélas I prédire si le point d'intersection se situera dans cinq, dix ou vingt ans.

Mais je crois qu'avant la fin du 203 siècle, les problèmes qui nous occupent recevront une solution technique. Le taux de croissance du progrès sera limité par des facteurs économiques et politiques et non par des facteurs techniques. Quand une invention nouvelle est suffisamment séduisante, elle gagne le monde entier : témoin la rapidité de dissémination du révolutionnaire transistor. Or, ce qui nous apparaît dans la perspective technologique est plus extraordinaire encore que l'omniprésent transistor.

Il ne faut pas perdre de vue que la technologie spatiale est encore dans l'enfance, si bien que nous avons là-dessus des idées courtes. Jusqu'à présent, nous n'avons eu affaire qu'à des engins « coup par coup », si l'on peut dire ; ils ne sont en mesure d'accomplir qu'une seule mission, après quoi ils sont mis au rancart. Et l'on sait, depuis pas mal de temps, que l'exploration de l'espace et l'exploitation de l'espace requièrent absolument un type d'engin capable d'aller et de venir, tout comme un avion de ligne. Pour les ingénieurs des années 1970, le problème le plus pressant, c'est de mettre au point et de lancer un véhicule jouant le rôle de « navette spatiale ».

On peut espérer que des véhicules de ce genre entreront en service vers 1980. Alors, l'astronautique en sera bouleversée comme le fut l'aéronautique après l'apparition des fameux DC 3. Le prix de revient d'envoi de matériel ou d'hommes dans l'espace tombera progressivement à quelques dizaines de dollars par kilogramme, alors qu'il est, aujourd'hui, de l'ordre de milliers de dollars. On pourra alors mettre en place des stations spatiales habitées d'usages multiples, et placer sur orbite des satellites inhabités, qui ne pourraient être lancés directement de la terre à cause de leurs dimensions et de leur complexité.

N'oublions pas non plus que les satellites peuvent jouer bien d'autres rôles que celui de relais de communications, qui n'est pas le plus important.

N'oublions pas non plus que les satellites peuvent jouer bien d'autres rôles que celui de relais de communications, qui n'est pas le plus important.

Quant au rôle météorologique des satellites, sa valeur économique en est déjà prouvée. Il en est un autre en particulier : l'aménagement du trafic aérien. Il semble que la seule solution recevable au problème de l'encombrement aérien avec les risques grandissants de collision qu'il entraîne, soit apportée par des satellites de navigation qui surveilleraient toutes les routes de l'air. Voyons ailleurs.

L'unité humaine fondamentale, c'est l'habitation, et non la famille. Il y a une foule de gens qui ne vivent pas en groupes familiaux, mais tout le monde vit dans une maison. Dans certaines sociétés, la famille elle-même devient une notion floue, et même pour quelques groupes d'adolescents, la tribu s'y substitue : nous y reviendrons. Mais la maison sera toujours, comme disait Le Corbusier, « une machine à vivre ». Voyons les éléments de la machine.

Il fut un temps où les maisons n'avaient pas de fenêtres. Chose difficile à imaginer, si l'on ne vit pas sous une tente ou dans une cave. Pourtant, en l'espace d'une seule génération, la maison, dans les pays les plus évolués, vient d'être dotée d'une fenêtre de plus, d'une fenêtre magique : le récepteur de télévision. D'abord tenu pour le luxe du luxe, il est, historique¬ ment, devenu en un clin d'ceil, rigoureusement indispensable.

La forêt d'antennes, qui ombrage le toit des taudis est, par excellence, le signe des temps. Ce qu'était jadis le livre pour une poignée de gens, la télévision l'est, aujourd'hui, pour la masse.

CERTES, la télévision n'est trop souvent qu'un abrutissement, comme son parent pauvre, le transistor, collé à l'oreille de ces drogués du bruit, qui déambulent en transes par la ville. Mais elle est tout autre chose encore, comme l'a dit le professeur Buckminster Fuller quand il a fait remarquer que, désormais, les enfants sont élevés par leur père, leur mère et la télévision.

Il en sera de même pour les générations futures. Peut-être y a-t-il là, comme l'a suggéré M. René Maheu, Directeur général de l'Unesco, l'une des raisons profondes de la cassure entre générations. Dans l'histoire humaine, il y a une soudaine discontinuité. Pour la première fois, une génération en sait plus que ses père et mère, et la télévision n'y est certes pas pour rien.

En matière d'enseignement radiodiffusé et télévisé, on peut tout imaginer. Nous avons déjà remarqué qu'à l'entreprise il n'y a que des limites économiques et politiques, et non point techniques. Pour ce qui est du facteur économique, le coût d'un système d'enseignement par satellite vraiment planétaire, retransmis dans tous les pays, est parfaitement négligeable en regard des bénéfices qu'il apporterait à long terme.

Rêvons un peu. Les calculs relatifs aux émissions éducatives transmises par satellite aux pays en voie de développement indiquent que l'équipement reviendrait, à peu près, à un dollar par élève et par an.

Supposons qu'il y ait environ un milliard d'enfants d'âge scolaire sur la planète ; le nombre de gens qu'il faut instruire est beaucoup plus élevé, peut-être deux milliards, il faut savoir que, pour quelques milliards de dollars par an, soit un faible pourcentage de la dépense pour les armements, on peut mettre en place un système global d'enseignement par satellite qui tirerait la planète tout entière des ténèbres de l'ignorance.

Il serait tout indiqué que l'Unesco supervisât une telle entreprise ; il y a en effet maints secteurs de l'enseignement de base qui ne peuvent prêter à controverse.

Dans une très large mesure, le miracle de la télévision, c'est qu'elle transcende les barrières du langage. J'aimerais que l'on réalisât, dans des studios comme ceux de Walt Disney, par exemple, des programmes éducatifs qui ne relèveraient pas d'une langue, mais seulement des imagés et des effets sonores. Je crois qu'il y a là beaucoup à creuser, et que l'on devrait rapidement s'atteler aux recherches, car la préparation des programmes convenables risque d'être plus longue que la fabrication du matériel transmetteur et récepteur. 

Bien entendu, l'addition d'un commentaire parlé ne présenterait aucune difficulté, puisqu'il n'exige qu'un passage au bord de la bande-image. Et tôt ou tard, il nous faudra construire un monde où tout homme communiquera avec tous les hommes, parce que tous parleront, ou au moins comprendront, quelques langues fondamentales. Dans un coin de la salle de séjour, la télévision, ce troisième parent, apprend déjà plusieurs langues aux enfants de l'avenir.

Allons plus loin : on peut imaginer qu'un jour, n'importe où, l'étudiant ou le savant, n'aura qu'à régler son récepteur pour écouter la communication qui l'intéresse, quel que soit le niveau de ses connaissances. Des milliers de programmes seront diffusés - simultanément sur des longueurs d'onde différentes, si bien que chacun pourra poursuivre, au rythme qui lui convient, les études de son choix.

L'efficacité du processus d'enseignement s'en trouverait formidable¬ ment accrue. Aujourd'hui, l'étudiant est lié à un système relativement rigide. Il doit suivre des cours à heures fixes, et très souvent ces heures ne lui conviennent pas. L'utilisation de tout le spectre des ondes électromagnétiques signifiera, pour l'étudiant et l'érudit, un bouleversement aussi radical que l'invention de l'imprimerie.

Pour cette décennie, le vrai défi, c'est d'en finir avec la faim. Mais l'inanition de l'esprit paraîtra un jour un mal aussi grave que l'inanition du corps. Tout homme doit être instruit dans la mesure de ses capacités. N'en rien faire, c'est porter atteinte aux droits fondamentaux de l'homme. C'est pourquoi des essais d'émissions éducatives, transmises par satellite, vont commencer en Inde en 1972. Souhaitons leur réussite car, même s'il ne s'agit là que d'un modèle rudimentaire, il peut préfigurer le système éducatif planétaire de l'avenir.

Il est clair que l'un des effets de l'évolution que nous venons d'esquisser sera l'effacement des barrières qui séparent le foyer et l'école, ou le foyer et l'université : en somme, le monde entier ne sera plus qu'une académie. Mais ce n'est là qu'un aspect d'une révolution plus profonde encore, car les nouveaux systèmes de communication effaceront les barrières entre le foyer et le lieu de travail.

Au cours des dix prochaines années, un appareil permettant d'établir des communications de toutes sortes apparaîtra dans les foyers : il comportera un écran de télévision, une caméra, un microphone, un clavier relié à un ordinateur et un appareil donnant la lecture en clair. Toutes les personnes ainsi équipées pourront immédiatement entrer en contact. Il s'ensuivra que de plus en plus de gens—tout le monde, en fait, au niveau des cadres et de la direction—pourront se dispenser de se déplacer pour leurs affaires. On a récemment doté une partie des cadres de la Westinghouse Corporation, aux Etats-Unis, d'un équipement qui préfigure sommairement cet appareil : en quelques mois, les déplacements ont diminué de 20 %.

C'est ainsi, j'en suis convaincu, que l'on parviendra à résoudre le problème de la circulation, et en corollaire, de la pollution atmosphérique. Le mot d'ordre de l'an 2000 sera : « Ne voyagez plus. Communiquez ». Evolution qui favorisera, et même accélérera d'autres phénomènes décisifs.

Une fois encore, je vais emprunter au professeur Buckminster Fuller. L'une des plus importantes conséquences de la recherche spatiale actuelle sera le maintien de la vie et surtout de la régénération alimentaire au cours des voyages intersidéraux de longue durée, comme pendant l'installation de bases sur la Lune et les planètes. Ces travaux exigeront des milliards de dollars, mais leurs résultats seront à la portée de tout le monde.

CELA veut dire que nous serons en mesure, n'importe où sur la planète, de créer des communautés subvenant à leurs propres besoins, tout à fait indépendamment de l'agriculture ; un jour peut-être, les maisons d'habitation même produiront en circuit fermé toute la nourriture et tous les services nécessaires.

Cette évolution, liée à l'explosion des communications, entraînera une métamorphose des structures de la société. Mais la force d'inertie propre aux institutions humaines, et les énormes investissements requis freineront pendant un siècle, ou davantage, une évolution dont la conséquence est inévitable. Cette conséquence, c'est la mort de la ville.

Nos villes, nous le savons, sont archaïques, et nous nous donnons beaucoup de peine pour en tirer parti, comme de ces automobiles vieilles de trente ans, rafistolées avec des bouts de ficelle. Mais il nous faut bien reconnaître que demain la ville n'aura plus de raisons d'être, à peu de chose près.

Certes, le cauchemar du surpeuplement et des embouteillages va s'aggraver, peut-être de notre vivant encore. Mais, par-delà, on entrevoit un monde où l'homme redeviendra ce qu'il n'au¬ rait jamais dû cesser d'être : un animal plutôt « rare », bien que communiquant à son gré avec tous les autres représentants de l'espèce. Pour caractériser la société qui va surgir, Marshall McLuhan a forgé l'expression « village planétaire ». J'espère bien que le « village planétaire » ne sera pas une banlieue planétaire, s'étalant sur toute la terre, d'un pôle à l'autre.

Par bonheur, il y aura beaucoup plus de place qu'aujourd'hui dans le monde futur, car le sol, alors libéré avec la fin de l'âge de l'agriculture—qui touche aujourd'hui à son terme, après avoir duré dix mille ans—sera disponible. J'espère que d'immenses étendues redeviendront sauvages et que, dans cette nouvelle nature sauvage, iront vagabonder les nomades des nouveaux siècles électroniques.

Il est évident que la révolution des communications exercera la plus profonde influence sur cette invention récente qu'est l'Etat-nation. J'aime à rappeler aux Américains que leur pays a dû son existence, il y a un siècle, à deux innovations sans lesquelles il ne pouvait y avoir d'Etats Unis d'Amérique, et avec lesquelles ils ne pouvaient pas ne pas exister.

Bien entendu, il s'agit des chemins de fer et du télégraphe électrique. L'U.R.S.S., la Chine en fait, tous les Etats modernes ne pourraient non plus exister sans chemins de fer ni télégraphe. Que cela nous plaise ou non et cela ne plaît pas à bien des gens une nouvelle étape se pré¬ pare. Dans la spirale, l'histoire se répète toujours un peu plus haut. L'avion à réaction et les satellites de communication vont bientôt accomplir, à l'échelle de la planète, ce qu'il y a cent ans les chemins de fer et le télégraphe avaient accompli à l'échelle continentale.

Malgré la montée du nationalisme et la réapparition, assez surprenante, de groupes minoritaires politiques et linguistiques, le processus d'unification est plus poussé qu'on ne le croit. Chez les jeunes, en particulier, remarque l'existence de cultes et de mouvements qui font fi des frontières géographiques. L'exemple le plus frappant de cette culture transnationale nous est peut-être donné par cette petite minorité de personnages richissimes qui passent sans cesse d'un continent à l'autre.

En Europe, les usagers de la Volkswagen et de la Vespa sont infiniment plus nombreux que ces privilégiés, et peut-être infiniment plus caractéristiques. Français, Allemands, Italiens, les jeunes, déjà liés par un réseau commun de communications, sont exaspérés par le nationalisme étroit de leurs parents, qui a provoqué tant de misère dans le monde

Aujourd'hui que cela nous plaise ou non, que nous le voulions ou non nous posons les fondations de la première société planétaire. Je ne sais si, en fin de compte, l'autorité planétaire prendra une forme fédérative, comme dans les systèmes actuellement en vigueur en URSS ou aux Etats-Unis. Mais je soupçonne que sans plan concerté, des organismes comme les services de satellites pour l'observation météorologique ou les ressources naturelles de la planète, ou le service de communications mondiales par satellite (dont Intelsat est le précurseur), pourront déborder de leurs cadres spécifiques et découvrir un beau jour, à leurs grandes stupéfactions, qu'ils gouvernent en fait le monde.

Eventualité qui n'est pas sans inspirer inquiétude et dégoût à bien des gens, qui pourraient même tenter de la prévenir. Je voudrais leur rappeler l'histoire de Canute, ce sage roi d'Angleterre qui fit placer son trône sur le rivage pour montrer à ses niais courtisans que le roi même ne pouvait commander les marées.

Considérons le monde dans son entier comme nous l'avons fait de la Lune avec l'œil des caméras des astronautes. Ce monde serait un, je vous l'ai dit, encore que je ne sois pas assez nigaud pour croire que ce serait un monde libéré de la violence ou même de la guerre. Mais nous devons nous rendre à l'évidence : de plus en plus, toute violence sur notre planète relèvera exclusivement de la compétence d'un système de police mondiale.

De plus, un autre facteur accélérera l'unification de notre monde. D'ici une génération, ce monde ne sera plus le seul monde, et, psychologiquement, pour l'humanité entière, ce sera là décisif.

En cette merveilleuse année 1969, nous avons vu l'empreinte du premier pas de l'homme sur la Lune. Avant la fin de ce siècle, nous participerons au seul autre événement qui ait une signification comparable dans un avenir prévisible. Avant d'y venir, dites-moi donc ce que l'on pensait, il y a trente ans, d'une promenade sur la Lune ? Eh bien I avant que trente ans encore n'aient passé, nous serons témoins du fatal second acte : naissance du premier enfant d'homme sur un autre monde, et début de la véritable colonisation de l'espace. Quand il y aura des hommes pour ne plus tenir notre planète pour leur terre natale, les Ter riens se rapprocheront bien davantage les uns des autres.

De mille manières, la métamorphose commence déjà à s'accomplir. L'immense enthousiasme qui a soulevé les foules, sans considération de frontières, lors du vol d'Apollo 11 en est un signe.

Le mythe de la tour de Babel, qu'on le prenne à la lettre ou non, s'applique à notre époque avec un parfait à-propos. Selon la Genèse (et aussi quelques anthropologues), l'espèce humaine ne parlait qu'une seule langue en ces temps très anciens. Il se peut qu'il n'en soit plus jamais ainsi, mais le jour viendra où, par l'intermédiaire des satellites de communication, et grâce aux conséquences de leur emploi, tous les hommes parleront deux ou trois langues qui leur seront communes.

Bien plus haut que n'ont jamais pu l'imaginer les malheureux architectes de la tour de Babel c'est-à-dire à 36 000 kilomètres au-dessus de l'équateur les fusées, et avec elles les ingénieurs des communications, sont sur le point d'évincer la calamité qui frappa nos ancêtres.

About the authors

Collaborateur régulier du Courrier de l'UNESCO, Arthur C. Clarke, écrivain scientifique britannique et ancien président de la British Interplanetary Society, s'est notamment rendu célèbre en tant que co-auteur du roman et du scénario du film 2001 : l'Odyssée de l'espace (1968). En 1962, il a reçu le Prix UNESCO Kalinga pour la popularisation de la science. En décembre 1969, il a prononcé une conférence lors d'une réunion intergouvernementale, à l’UNESCO, où des spécialistes de 60 pays ont examiné, un large éventail d'utilisations des satellites dans divers domaines de l'éducation, de l'information, de la science et de la culture.